Depuis quelques semaines, certains Maliens dénoncent des arrestations extrajudiciaires sur les réseaux sociaux. D’autres se plaignent que leur liberté d’expression ne soit plus garanti. Ces « entraves » à l’état de droit peuvent-elles être légitimées par l’état d’urgence.
Entré en vigueur, sans interruption, depuis novembre 2015, après l’attaque d’hommes armés contre l’hôtel Radisson Blu de Bamako, l’état d’urgence a une nouvelle fois été prorogé d’un an en octobre 2019 au Mali, jusqu’au 31 octobre 2020. Sous l’état d’urgence, certaines libertés fondamentales peuvent être restreintes, comme la liberté de circulation ou la liberté de presse.
Juridiquement, l’état d’urgence trouve son fondement dans la Constitution. Il renforce les pouvoirs des autorités administratives et judiciaires, des forces de police et même de l’armée, car la situation est telle qu’il faut renforcer le pouvoir exécutif.
Mais, il est instauré au détriment des libertés publiques. « L’état d’urgence est une situation exceptionnelle, une mesure qui viole les libertés publiques. C’est un pouvoir en soi, donc s’il faut tout légitimer par cet état, on sera dans un état de non droit.
L’état d’urgence est nécessaire dans certaines situations. Mais il est bon de se demander s’il a produit les résultats escomptés », estime Maître Makan Diallo, avocat inscrit aux barreaux du Mali et de Paris. L’important, selon lui, est de savoir ce que ce régime d’exception a apporté au Mali.
Certaines interdictions sont des garanties qui normalement sont prévues par la loi et doivent accompagner l’état d’urgence. « On est dans un état de droit, où les gouvernants, tout comme les gouvernés, sont soumis à des règles de droit. Donc, si l’État ne joue pas son rôle, les gouvernés ont le droit de manifester leur désapprobation », ajoute-t-il.
Dr Ali Maïga, représentant des universités du Mali à la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH) et Président de la sous-commission promotion, abonde dans le même sens que l’avocat. « Il n’y a rien de plus naturel que le droit d’aller et de venir. Lorsque vous privez quelqu’un de sa liberté de se déplacer, vous faites une atteinte assez grave à ses droits fondamentaux ».
Il reconnait au citoyen le droit de montrer que ces « droits, qui outrepassent le cadre national et qui sont universels, ne doivent pas être violés sans justification ». Toutefois, il affirme que casser et brûler ne sauraient être des droits pour la population, mais plutôt des délits.
Aminata Keita
Source: journaldumali