Parvenus à la tête de l’Etat dans les conditions que nul n’ignore, les membres de l’ex-junte n’ont pas du tout perdu du temps dans la dilapidation des biens de l’Etat et de l’argent public. Ainsi, au cours des 17 mois qu’aura duré la présence du capitaine propulsé général, Amadou Haya Sanogo, au-devant de la scène nationale, ce sont 3 milliards de FCFA qu’il laisse comme ardoise. Des impayés de factures de produits et services, allant de l’achat d’alcool ( 8 millions de FCFA à payer à des fournisseurs) à la construction de murs de clôture d’une école dans son fief de Kati, en passant par la dotation en carburant pour ses hommes. Alors qu’il percevait mensuellement une somme de 140 millions de FCFA prélevés sur les fonds de guerre et qui devaient normalement servir à la dotation des troupes sur le terrain. Il est, aujourd’hui, évident que cet argent était destiné à toute autre chose. Car, même après son arrestation et son inculpation, le général en détresse a continué à réclamer que cette somme soit mise à sa disposition pour l’entretien de ceux qu’il considère encore comme » ses hommes « . Pour qui il se croit toujours obligé.
L’ex-chef des putschistes du 22 mars 2012 n’arrive toujours pas à comprendre la nouvelle situation de » manque d’argent » dans laquelle il se trouve désormais. Jusque-là, il n’a pas compris comment les autorités, dont il est pourtant proche pour avoir demandé aux troupes de voter pour elles peuvent lui couper les vivres aussi brutalement et aussi radicalement. Cette situation intervient alors que tout le monde sait que les nouvelles autorités sont venues trouver le budget 2013 du département de la défense quasiment épuisé; alors qu’il restait encore au moins d’un trimestre avant la fin de l’année.
Au moment où les ex-putschistes savouraient les délices de la vie, ici, à Bamako, en puisant à pleine main dans le budget du ministère de la Défense, nos troupes en partance pour le septentrion étaient constamment bloquées à Sévaré…par faute de carburant voire pour défaut de véhicules adaptés au terrain. Alors que les véhicules réquisitionnés des administrations publiques, suite à l’appel pathétique et patriotique du président de la République par intérim, Dioncounda Traoré, pour être mis à la disposition de l’armée au nord, étaient utilisés à Bamako et dans d’autres grandes villes pour transporter les femmes des militaires au marché voire dans des cérémonies de mariage. Toute chose vérifiable encore de nos jours.
Les caisses de l’Etat ayant été vidées à travers toutes sortes d’artifices sous la Transition, au cours de laquelle certains dirigeants étaient plus intéressés par l’attribution de juteux marchés avec de confortables bakchichs que par le sort du pays.
L’affaire des 8,9 milliards FCFA remis à l’Etat pour soutenir l’effort de guerre par l’autorité de régulation des télécommunications atteste amplement cette situation. D’ailleurs, seul un audit permettra de savoir où sont passés ces milliards versés dans un compte du Trésor et qui ont été gérés sous le premier ministre Django Cissoko. Ajoutons à cela le marché de la vente controversée de la troisième licence de téléphonie mobile qui n’a pas encore livré tous ses secrets.
Car, selon certaines sources, des membres de l’ex-junte avaient voulu avoir leur part de pot-de-vin, évalué à 500 millions F CFA, sur ce marché de 55 milliards FCFA. Il semble que cette requête n’ait pas été acceptée. Au grand dam des ex-putschistes.
La Transition a légué une situation financière désastreuse à cause notamment de la mauvaise gestion et de la corruption qui ont de toute évidence caractérisé cette période. D’où, également, cette grosse ardoise de 3 milliards de FCFA de factures impayées que l’ex-chef de l’ex-CNRDRE et de l’ex- CSRFDS, le général Sanogo, a laissée et que le gouvernement de Oumar Tatam Ly va devoir dépouiller et payer celles qui sont réellement sincères. Au nom du principe qui stipule que » l’Etat est une continuité « , les fournisseurs victimes de cette situation doivent être mis dans leurs droits. Des avocats engagés par ces derniers sont déjà en mission pour trainer l’Etat devant les tribunaux en cas de refus de celui-ci d’honorrer lesdites factures.
En tout cas, si cette enveloppe de 3 milliards FCFA ne représente que des factures impayées, combien de milliards de FCFA ont alors été dilapidés quand le général de corps d’armée se trouvait à la tête de ces deux structures qu’il a eu à gérer, à savoir l’ex-Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat (CNRDRE) et l’ex-Comité de suivi de la réforme des forces de défense et de sécurité (CSRFDS).
Impossible pour le moment de le savoir. Certainement que l’audit de la Nation promis par les nouvelles autorités nous édifiera davantage sur l’utilisation abusive des biens et des ressources de l’Etat sous la Transition.
Une dilapidation et une corruption opérées, le plus souvent, sous le regard complice et consentant de nos dirigeants. C’est dire que la justice est également attendue sur ce terrain-là.
Mamadou FOFANA
SOURCE: L’Indépendant