Depuis la crise des migrants en 2015, le Gouvernement allemand montre un intérêt grandissant pour l’Afrique. Il s’agit en réalité de retenir les Africains chez eux grâce à des programmes financés sur place. Jusqu’ici, la mayonnaise n’a pas encore pris et avec le coronavirus, l’Allemagne monte au créneau pour marteler que cette crise sanitaire est à combattre au niveau mondial. Le ministre de la Coopération économique et du Développement Gerd Müller vient de dévoiler son plan de lutte.
Les pays en développement sont mal préparés pour affronter le Covid-19, nous devons les aider », déclare le ministre allemand de la Coopération économique et du Développement. Dans toute l’Afrique, il n’existe que 40 laboratoires pouvant diagnostiquer le Covid-19 ; dans tout le Mali, il n’y a que cinq ventilateurs. « Tant qu’il n’existe pas encore de médicaments et de vaccins, il s’agit là-bas aussi d’apporter des soins aigus et de se protéger !»
« Distance sociale et isolement : chacun se protège du mieux qu’il peut. Mais nous ne pourrons briser la chaîne de l’infection et vaincre la pandémie de Corona que si nous y parvenons également dans les pays en développement ! », soutient-il dans un article paru dans le quotidien allemand « Tagesspiegel » (30 mars 2020). Tout comme pour le changement climatique, Gerd Müller pense que les pays ne pourront faire face à cette crise que s’ils travaillent tous en synergie. Car le Corona, poursuit-il, a aussi un impact au-delà de toutes les frontières et défie les États forts aussi bien que les faibles et montre des lacunes en matière de protection. « Alors que nous pouvons offrir au monde des centaines de milliards avec notre richesse, les pays les plus pauvres se retrouvent du jour au lendemain au minimum existentiel. » C’est pourquoi Müller pense qu’en cas de pandémie, « les pays économiquement forts et dotés d’infrastructures établies doivent aider ceux qui sont sans défense contre le virus. »
Pour ce faire, le ministre propose de prendre les devants et d’agir aujourd’hui comme si le Covid-19 était déjà aussi répandu dans les pays en développement et en Afrique qu’ailleurs. Car, rappelle-t-il, les budgets de nombreux pays en développement tributaires des ressources naturelles sont déjà sous pression en raison de la chute des prix du pétrole et du gaz.
Comme réponse immédiate, le ministre de la Coopération économique et du Développement a alloué plus de 20 millions d’euros aux pays partenaires pour détecter, contenir ou prévenir le Covid-19. « Avec 75 millions d’euros, s’est-il félicité, l’Allemagne est également le plus grand donateur finançant « l’Unité d’intervention d’urgence en cas de pandémie » (Pandemic Emergency Response Unit) de la Banque mondiale, qui couvre également les coronavirus. »
Il fait plus loin savoir que dans les pays d’Afrique de l’Ouest et de l’Est, l’Allemagne fournit des diagnostics de laboratoire pour le Covid-19 et forme le personnel de laboratoire et des hôpitaux à la prévention et au contrôle. Les Allemands utilisent aussi des instruments numériques prometteurs, qui sont maintenant complétés par des « Corona-tools ». « J’ai de grands espoirs pour l’application Helmholtz Sormas (Surveillance, Outbreak Response Management and Analysis System) que nous finançons et grâce à laquelle les concitoyens formés au Nigeria peuvent rapidement et facilement transmettre en temps réel des informations sur les personnes infectées et les personnes à contacter, a indiqué le ministre. Cela permet une meilleure gestion et un meilleur suivi. »
« L’OMS a besoin de 675 millions de dollars »
Le ministre ajoute avoir besoin de systèmes d’alerte rapide solides dans le monde entier. Cela coûte de l’argent, mais il estime qu’il en vaut la peine. Il précise que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a un besoin urgent de fonds pour l’achat de matériel de laboratoire et d’équipements de protection, pour le diagnostic et la prévention. Pour la seule fin avril, cela représentera 675 millions de dollars. « La communauté internationale doit agir rapidement », a-t-il lancé.
Après avoir remercié les fondations et les donateurs privés pour leur soutien à la recherche et au développement dans les pays faibles, le ministre soutient que pour saisir et corriger les fausses informations, Google et Pinterest pourraient être d’une grande utilité dans les pays en développement.
Selon lui, même si la crise du Coronavirus sera terminée, « ses conséquences économiques fatales augmenteront la souffrance des survivants dans les États précaires ». Aussi juge-t-il importants aussi bien les prêts d’urgence du FMI, les 14 milliards de la Banque mondiale et l’allégement de la dette. « Le Bangladesh montre, constate-t-il, à quel point un programme de stabilisation coordonné est nécessaire : là-bas, le produit intérieur brut va diminuer de 3 milliards de dollars US parce que des entreprises allemandes et internationales annulent des commandes de textiles d’une valeur de 1,4 milliard d’euros ou annoncent des annulations ».
Le ministre prévoit que cela va plonger 1,2 million de travailleurs et travailleuses au Bangladesh dans le chômage sans protection sociale, et donc dans la pauvreté, la faim et le besoin existentiel. Il annonce son intention de trouver avec l’industrie textile allemande « un moyen de combler cette phase de manière créative afin de maintenir la capacité des entreprises et les emplois. »
Il conclut que l’expérience actuelle du Corona enseigne déjà que « nous devons revoir fondamentalement nos chaînes d’approvisionnement afin de rendre notre offre non seulement résistante aux crises, mais aussi exempte de pathogènes ». D’après lui, les zoonoses comme le Covid-19 – mutuellement transmissibles entre les animaux et les humains – font partie des « risques et des effets secondaires de notre mode de vie ».
Le ministre suggère de tenir les chaînes d’infection à l’écart des chaînes d’approvisionnement. « Nous avons connu la peste, la rage, la fièvre jaune, avant que les scientifiques ne combattent Zika, le MERS, le SRAS et Ebola, fait-il remarquer. Depuis 30 ans, les épidémies de ce type sont en augmentation. Les virologues estiment qu’une quarantaine d’autres virus zoonotiques ont un potentiel pandémique ».
Il invite les États à se préparer à ce que les intervalles dans lesquelles les épidémies surgissent deviennent plus courtes et à empêcher que celles-ci ne se transforment en pandémies.
« Pas de demi-mesures »
Cette situation aurait donc partie liée avec le climat. « Le changement climatique rend de plus en plus de régions inhabitables, les gens colonisent même des coins reculés avec l’élevage de bétail ou la culture de plantation, où vivent des animaux sauvages très infectieux. »
Le risque de zoonoses augmentant de manière disproportionnée, le ministre recommande « de caractériser et (de) contrôler les agents pathogènes – et promouvoir ’’l’Accord de recherche sur la santé unique’’ » du gouvernement allemand portant sur les diagnostics et les vaccins, mais aussi sur les méthodes d’élevage et de traitement des animaux.
Il a ensuite fait état de la campagne intensive qu’il a menée bien avant le déclenchement de la pandémie, en faveur d’une loi sur la chaîne d’approvisionnement afin d’introduire des normes sociales et écologiques dans les pays les plus pauvres. La protection des aliments contre les zoonoses en fait partie et c’est, selon lui, « une nécessité urgente ». Elle doit à l’avenir faire partie de l’obligation de protection, de vigilance et de prudence régionale et internationale « d’identifier et exclure les agents pathogènes ayant un potentiel pandémique. »
Cela signifie qu’il faut « vacciner les animaux d’élevage et tester leurs produits pour détecter les agents pathogènes et mettre en place des programmes de stockage et de distribution des aliments et des semences certifiées conformes à l’hygiène. » Cette précaution garantit, selon lui, que ni les consommateurs ni les personnes ou les entreprises qui produisent dans cette chaîne d’approvisionnement ne subissent de dommages sanitaires et économiques.
Les pays en développement ont un rôle important à jouer. « Nous ne pouvons vaincre Corona que globalement, conclut le politicien. Il est dans notre propre intérêt de donner aux habitants des pays en développement l’accès à une eau potable, à une alimentation saine et à des conditions de test et des laboratoires tout aussi efficaces. Les demi-mesures coûtent du temps et des vies humaines et, comme une épidémie, nous rattrapent. »
Huguette Hérard