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Des populations de Narena vent debout contre la société minière Golend Beach : Le ministère des Mines va-t-il toujours jouer au faux-fuyant malgré le drame ?

Assimi Goïta saisi par le Réseau des défenseurs des droits humains

Des regroupements de jeunes, la présidente des femmes de Naréna ont élevé la voix afin d’interpeller les autorités du pays rapport à l’exploitation anarchique de l’or dans leur localité par une entreprise chinoise du nom de Golend Beach Mali SARL. Et la dernière en date de ces protestations remonte au mois de novembre 2022 quand le Réseau des défenseurs des droits humains a écrit une lettre de dénonciation au président de la Transition Assimi Goïta pour mettre un terme à “l’exploitation dévastatrice de mines d’or par des Chinois avec la complicité des autorités étatiques”. C’est pour trouver des réponses adéquates à ces questions que nous nous sommes rendus sur le site aurifère en question et auprès des autorités locales pour un meilleur éclairage.

Naréna est un arrondissement qui relève du cercle de Kangaba dans la région de Koulikoro à 80 km de Bamako vers la frontière guinéenne. C’est une zone aurifère par excellence. Il y a plusieurs dizaines de permis miniers dans ledit arrondissement repartis entre plusieurs sociétés dont des nationaux et des étrangers.

Dans ce lot, se trouve la société Golend Beach Mali SARL, dont le permis délivré le 7 juin 2022 par le ministère des Mines, de l’Energie et de l’Eau porte la signature Lamine Seydou Traoré. Cette société, selon nos recoupements, opère dans une petite mine de 33 km2 située à environ 5 km du village de Naréna.

Fait rarissime, du début de l’exploitation de cette mine à nos jours, c’est une guerre de tranchées à laquelle se livrent une partie de la population et les employés de cette société chinoise.

Issa Sidibé, un des leaders jeunes de Naréna, membre de l’association Sigida Lakanda, ne va pas par quatre chemins pour justifier ce bras de fer.

“Cette entreprise a instauré à Naréna la pratique de diviser pour mieux régner. De nos jours, toutes les familles sont divisées entre pros et antis sociétés chinoises. Dans une même famille, on ne parle plus le même langage sur les pratiques de cette société. Du côté des jeunes et des femmes, c’est la même dissension”, dénonce-t-il.

Selon lui, ces Chinois, après avoir extrait les minerais, ne renferment pas les fosses, ce qui a entraîné des morts d’hommes : deux femmes et un homme sur ces lieux à la suite d’accidents.

Pour Sidibé, ceux qui osent dénoncer ces pratiques font l’objet de pressions de toutes sortes. C’est ainsi que le président de l’Association Sigida Lakanda est placé sous contrôle judiciaire à la suite d’une plainte de la société chinoise qui estime que cette association l’empêche de travailler. Ainsi, plusieurs échauffourées entre les opposants à l’exploitation de cette mine et le personnel de la société se sont soldées par des blessés graves. C’est cette situation qui a amené les autorités administratives de Koulikoro à suspendre les travaux pour un mois. “L’exploitation a été suspendue pour un mois, mais aujourd’hui nous sommes à plus de 3 mois, ils n’ont pas pu la reprendre ; ce qui prouve à suffisance que l’opposition au retour des Chinois sur le site est très forte. D’ailleurs, c’est au Mali seulement que nous voyons ces genres de pratiques, des gens qui viennent mettre à dos tout le village, piller les ressources naturelles mêmes les mares sacrées ne sont pas épargnées et personne ne peut pas parler. La Guinée voisine a mis fin aux agissements des sociétés chinoises, pourquoi pas le Mali ?”, s’interroge Issa Sidibé.

La présidente des femmes désemparée

présidente des femmes de Naren

La  présidente des femmes de Naréna Mariam Coulibaly membre aussi de l’association Sigida Lakanda s’est dite désemparée par la situation.

“Ces gens-là (Golend Beach) ont fait main basse sur nos champs de culture qui nous permettaient de joindre financièrement les deux bouts. Aussi, ils sont en train d’utiliser les produits toxiques sur le site. Si la situation continue comme ça nous allons tous rejoindre Bamako à cause de la pauvreté”, prédit Mariam Coulibaly une septuagénaire que nous avons rencontrée à Naréna.

Adama Coulibaly, un autre membre de la jeunesse de Naréna d’enfoncer le clou en ces termes : “Naréna est une zone d’agriculture par excellence et celui qui cherche à nous exproprier de nos champs veut certainement nous étouffer et nous ne pouvons pas croiser les deux bras face à cela. Nous avons marché 5 fois dans la légalité pour dénoncer les pratiques de cette société chinoise. Nous interpellons les autorités à trouver vite une solution à ce problème car moi je vis de l’agriculture et je vivrai de cela et je n’irai jamais à l’exode”.

D’ailleurs, pour lui, la société Golend Beach a exploité le site avec le permis de recherche avant d’obtenir le permis d’exploitation cela au vu et au su de toutes les autorités politiques et administratives.

Pour Souleymane Kéïta, que nous avons rencontré, le danger de cette exploitation est que le site est situé à 5 km de Naréna et les produits utilisés pour extraire l’or dont le mercure auront, tôt ou tard, des répercussions sur la vie des populations du fait que le cours d’eau qui passe près du village est déjà contaminé. Aussi, des opposants à cette exploitation dénoncent le fait que les gens sont expropriés sans être dédommagés souvent ou contraints de prendre des montants largement inférieurs à la valeur réelle de leurs champs ou vergers.

Autre son de cloche

Approchés par nos soins, les autorités locales – le sous-préfet, le 1er adjoint au maire de Naréna – et l’associé gérant de Golden Beach battent en brèche ces propos des antis.

Mahamadou Kanté, 1er adjoint au maire, rappelle que le jour où les Chinois sont venus avec leur permis de recherche le ministre de l’Environnement d’alors, Nancouma Kéïta, ressortissant de la zone, a mené deux missions sur le terrain pour y voir clair. “Ainsi, lorsque nous nous sommes rendus compte qu’ils ont les documents en bonne et due forme, ils ont à ce moment-là entamé les démarches en rencontrant les propriétaires terriens et une consultation publique a été organisée dans les locaux de la sous-préfecture pour qu’on puisse réellement s’imprégner de leurs activités sur le terrain et prendre les précautions pour la protection de nos sites sacrés et de notre environnement tout court”, explique le 1er adjoint au maire.

A la suite de ces réunions auxquelles toutes les forces vives ont participé, poursuit-il, un compromis a été trouvé avec la société. Cependant, pour Kanté, c’est après cette réunion qu’un groupe a été mis sur place du nom de Sigida Lakanda avec à sa tête un certain Broulaye Coulibaly contestant les activités  de la société chinoise en faisant semblant comme si c’est tout le village qui est contre ces gens-là alors qu’ils ne sont qu’un groupuscule. “Sinon Golden Beach n’a aucun problème avec les chefferies traditionnelles, la mairie. Pour preuve, il y a une convention écrite entre ladite société et le chef de village pour la défense des intérêts vitaux de notre village”, ajoute Kanté. Il balaie d’un revers de la main les accusations selon lesquelles la société chinoise est en train de s’accaparer de leurs parcelles de culture. “Là où cette société est train d’évoluer, l’endroit en question n’a pas été cultivé depuis 1994”, ajoute-t-il. Aussi, il rappelle que tous ceux dont les parcelles se trouvaient dans le permis ont eu une compensation.

“Aucune personne dont la parcelle est concernée n’est sortie bredouille de cette affaire”, assure l’adjoint au maire qui considère les agissements de ceux qui sont contre l’exploitation de cette mine comme une opposition à l’autorité publique et au village qui a donné son quitus aux travaux.

De son côté, le sous-préfet de Naréna, N’Dogo Adama Doumbo, tient aussi à mettre les points sur certains aspects, car, à l’en croire, beaucoup au village lui demandait d’arrêter les travaux.

“Un sous-préfet ne peut donner un permis d’exploitation, de recherche ou le suspendre. Donc me demander d’arrêter les travaux est une chose impossible”, précise-t-il. Et de confirmer la tenue d’une consultation populaire avant les travaux de recherche et la compensation des propriétaires de parcelles se trouvant sur le site.

Des documents en bonne et due forme

Face à la pression, Golend Beach Mali SARL va-t-elle reculer. Pas question pour l’associé gérant de cette mine, El Hadj Kouyaté. Pour lui, ils ont obtenu tous leurs documents dans les règles de l’art et ont la bénédiction du chef de village, des jeunes, des autorités politiques administratives.

“Une consultation publique a été organisée pour prendre en compte les préoccupations du village et jusqu’à nos jours, nous n’avons pas violé ces principes. Aussi, pour mieux se rassurer que nous sommes en train de respecter l’environnement, plusieurs missions du ministère de l’Environnement sont venues sur notre site pour des visites de supervision et de contrôle. Et jusque-là nous n’avons pas eu de problème”, soutient-il.

Il ajoute que plusieurs de leurs agents ont été grièvement blessés par les opposants aux travaux et du matériel détruit.

Sur le plan social, Golend Beach Mali SARL, n’est pas en reste, selon Kouyaté. Ses actions portent sur l’octroi d’une enveloppe de plusieurs millions de FCFA à l’école, la dotation du Cscom d’une ambulance de plusieurs dizaines de FCFA et le lancement des travaux de construction d’un complexe sportif. “La parcelle de ce complexe sportif a déjà été nivelée. N’eut été l’arrêt temporaire des travaux par les autorités administratives de Koulikoro maintenant allait trouver que le chantier a progressé”, confie Kouyaté qui compte reprendre l’exploitation du site après la suspension.

Si la société Golend Beach Mali est décidée à poursuivre les travaux, les opposants à l’exploitation sont aussi farouchement décidés à l’en empêcher. Toutes choses qui présagent des échauffourées dans les jours à venir si les autorités ne trouvent pas une solution définitive et un compromis entre les parties dans ce bras de fer dont le bilan est déjà lourd, avec des blessés graves, des matériels lourds détruits, mort d’homme par accidents et surtout la fracture du tissu social, familial sérieusement ébranlé.

Pour sa part, le Réseau des défenseurs des droits humains (RDDH) prend fait et cause pour les opposants à l’exploitation du site. D’où la saisine du président de la Transition, le chef de l’Etat le colonel Assimi Goïta avec une lettre de dénonciation des pratiques de la société Golend Beach Mali SARL. Une correspondance étayée par des images des sites que le réseau considère contaminés avec “l’eau des cours d’eau impropre à la consommation des personnes et des animaux de Naréna à cause des produits nocifs utilisés par les exploitants d’or venus de la Chine”.

Nos différentes tentatives pour avoir des interlocuteurs au ministère des Mines, de l’Energie et de l’Eau afin de voir plus clair sur les conditions d’attribution du permis à la société Golend Beach Mali ont été vaines.

                             Kassoum Théra

Source: Aujourd’hui-Mali
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