Le Mali, du fond des âges jusqu’à l’époque contemporaine, a su briller par ses richesses culturelles et artistiques. Une vaste contrée de civilisation ayant substantiellement participé à l’édification historique et identitaire de la personnalité africaine. Cependant, un paramètre important de cette prestigieuse culture est entrain de s’effilocher dangereusement au vu et su de tous : il s’agit des manifestations « SUMU », l’une de nos réjouissances légendaires qui de nos jours, a fini par se transformer en un véritable terreau de débauche, une pratique profondément aliénante visant à orienter la conscience individuelle et collective vers tout sauf les bonnes mœurs. Une vraie dérive identitaire !
Autrefois, en effet, ces manifestations avaient lieu non seulement pour divertir les masses mais aussi interpeller les consciences sur un ensemble de faits sociaux qui minaient notre humanisme. Les artistes au centre de ces activités folkloriques, étaient des porte-étendards des valeurs fondatrices de nos sociétés. Ils incarnaient la commune vision, la lumière de toute une génération vaillamment déterminée à asseoir les bases d’un lendemain meilleur. L’art, notamment celui pratiqué par les griots, constituait un immense réservoir de merveilles esthétiques, faisant ressortir toute la force d’une civilisation. Aujourd’hui, ces données ont quasiment volé en éclat, laissant libre cours à une série de déviations absolument pernicieuses pour les générations futures. Les nombreux attroupements autour des manifestions « SUMU » sont devenus pour la plupart des occasions propices à la concurrence démesurée, des surenchérissements répétitifs orchestrés par les artistes eux-mêmes et bien encouragés des fois par le public. Ces rivalités stériles et déraisonnables consistent dans la majeure partie des cas pour des personnes dont on chante les louanges, à pouvoir distribuer ou déverser sur scène, la plus grosse quantité d’argent rien que pour se faire mieux remarquer. Pour quel réel intérêt ? Elles seules en savent quelque chose ! Dans certains cas, ces personnes gravement assoiffées de popularité iraient jusqu’à promettre des biens matériels de grande valeur à leurs louangeurs pour le simple plaisir de paraître « riches » ou « puissants » aux yeux des autres ; chercher coûte que coûte à paraître pour ensuite finir par disparaître… Quel sens de l’existence ! Une dépravation sociale, qui, étant en réalité, l’un des produits des relations capitalistes de notre ère, tend très vite à créer les bases d’une nouvelle bourgeoisie, un nouvel instrument d’asservissement et d’aliénation des rapports interhumains. Pis, certains clubs de « SUMU » à Bamako encouragent systématiquement la débauche, la prostitution, l’homosexualité, la pédophilie etc. Au cours de ces manifestions vicieuses dont certaines sont retransmises sur des chaînes de télévision, les messages qui sont véhiculés par les artistes ou animateurs sont sans doute moralement malsains et cruellement choquants ; des scènes impudiques largement exécutées devant un public complice qui n’en exprime aucune gêne. Dans les cabarets et autres lieux nocturnes, c’est de nos jours, le principal moyen pour attirer un plus grand nombre de clients ou spectateurs. Des obscénités de toutes imaginations pratiquées devant tous sans distinction d’âge où le plus offrant aura droit à une partie d’orgie. Quelle évolution ! Nul n’est besoin de dire que ces manifestations, aussi ostentatoires qu’exhibitionnistes sont à la base de nombreux problèmes de couple notamment l’infidélité de l’un ou l’autre partenaire. Des zizanies ou brouilles conjugales à répétition susceptibles d’entrainer finalement la triste séparation des conjoints. Quant aux homosexuels, bons nombres parmi eux détiennent de vastes réseaux à Bamako dont pleins servent à faire fonctionner ou financer l’animation des émissions « SUMU ». Ou encore, organiser des manifestations populaires de grande envergure et réussir à attirer plus d’adeptes. Des clubs hautement mafieux et suffisamment puissants pour pouvoir s’assurer encore une longue pérennité. Aux dires de certains adhérents à l’univers de ces « bailleurs » de manifestations « SUMU », « Quand l’on y entre, toutes les portes de sorties se ferment automatiquement ». Et c’est essentiellement à cause de conditions sociales avilissantes que plusieurs de nos frères et sœurs tombent aussi facilement dans une telle bassesse susceptible de compromettre à jamais leur avenir au profit d’un monde abject et méprisable.
Voilà, le vrai visage des manifestations « SUMU » dans le Mali d’aujourd’hui, particulièrement à Bamako la capitale. Les choses sont donc bien loin d’être telles que nous les apercevons. Et tant que des mesures drastiques ne seront pas adoptées contre un phénomène socioculturel extrêmement dégradant pour la jeunesse, l’une de ses plus graves conséquences consisterait à l’enraciner dans les consciences et le présenter comme un modèle d’identification pour les jeunes générations. Une pratique totalement régressiste et fossoyeuse pour l’un des pays les plus pauvres de la planète.
Modibo Kane DIALLO
source : La Sirène