Des chercheurs appellent les décideurs maliens à agir urgemment pour contrôler l’utilisation des pesticides et herbicides contenant l’atrazine, la bifenthrine, et huit autres matières actives qui constituent un danger pour l’environnement et la santé des populations.
Une matière active est une substance exerçant une action contre les organismes nuisibles. L’atrazine et la bifenthrine sont deux matières actives interdites par l’Union Européenne. En plus de ces deux, diuron, profénofos, thirame sont entre autres quelques substances, qu’on retrouve dans les pesticides au Mali, alors qu’elles sont prohibées en Europe pour leurs risques de toxicité.
Une étude réalisée par des chercheurs de l’Institut de recherche pour le développement au Mali (IRD-Mali), intitulée « Évaluation des risques liés à l’utilisation de pesticides en culture cotonnière au Mali », a révélé que, 20% des pesticides homologués par le Comité sahélien des pesticides (CSP), destinés à la culture du coton, contiennent des matières actives, présentant un risque de toxicité aigüe pour la santé et un fort niveau de toxicité pour l’environnement. L’étude a été réalisée en collaboration avec des chercheurs de l’Institut polytechnique rural de formation et de recherche appliquée et de l’Institut d’économie rurale.
Interrogé par JSTM, Dr Marjorie Le Bars, chercheure à l’IRD indique qu’«on retrouve ces matières actives interdites dans 37 pesticides homologués par le CSP.» Et, elle prend le soin de préciser que pour une question d’éthique, son équipe a fait délibérément le choix de ne pas citer le nom de ces pesticides, mais de présenter les résultats sur les différentes matières actives présentes dans ces biocides.
Exploit réalisé, conséquence nuisible…
En effet, selon la Compagnie malienne pour le développement du textile (CMDT), de 2012 à 2018, la production de coton dans le pays, est passée de 449 646 à plus de 728 000 tonnes. Soit une croissance globale de 62%. Ce qui a placé le Mali, en 2018, au rang de cinquième pays exportateur de coton dans le monde.
Cependant, si la production de coton est en hausse, les quantités de pesticides requises constituent des motifs d’inquiétude. Car, pour chaque campagne agricole, la CMDT recommande des pesticides aux producteurs de la zone cotonnière. Parmi lesquels, les chercheurs, ont pu étudier 50 matières actives. Dix (10) d’entre elles sont interdites en Europe. Dr Majorie Le Bars a insisté sur le fait que la profénofos et la thirame ont une toxicité aiguë et chronique pour la santé des agriculteurs. Par contre la promethrine et la bifenthrine impactent négativement l’environnement. « Et ce qui est plus dangereux, les agriculteurs ne sont pas les seuls exposés », s’inquiète Fatoumata Sidibé, chercheure à l’IPR/IFRA de Katibougou. D’ailleurs, un rapport publié par le Réseau des académies africaines des sciences en novembre 2019, soutient que l’utilisation accrue de pesticides à base de pyrethroides en Afrique est nocive pour l’environnement et réduit la pollinisation et le contrôle naturel des insectes nuisibles, mettant ainsi en péril la sécurité alimentaire du continent.
À cet effet, les chercheurs maliens préconisent, l’élimination des pesticides obsolètes contenant les matières actives prohibées, et qui ont un indice de risque de toxicité élevé, sur la santé des utilisateurs. De plus, une réflexion doit être menée sur l’utilisation des produits homologués qui pourraient être moins nocifs pour la santé des applicateurs et des consommateurs.
JSTM