De la chirurgie thoracique qui requiert une précision d’horloger suisse à l’écriture d’un livre, il y a un énorme fossé. Le Pr Sadio Yena, un as du bistouri et chef du département de chirurgie thoracique à l’Hôpital du Mali a allègrement franchi le pas avec son livre intitulé : Critique de la chirurgie : « une main, une philosophie, un combat ».
L’ouvrage est un point de vue critique sur la pratique actuelle de la chirurgie parce que l’auteur s’essaie à un jeu de vérité qu’il exprime parfois avec un art consommé de la pédagogique (on y reconnaît l’enseignant). Il pense que les chirurgiens, parfois s’écrasent contre un mur de difficultés et appelle à une action commune de l’ensemble des intervenants de la politique de santé pour les aplanir. C’est dans cette vision que « Critique de la chirurgie » défend la philosophie qui doit sous-tendre les actions liées à la chirurgie pour qu’elle soit plutôt une solution au lieu de continuer à vivre des jours difficiles.
L’auteur rappelle la nécessité de se construire perpétuellement une conscience pour une meilleure existence et de faire preuve d’humilité et de rigueur dans la pratique de la chirurgie qui s’exerce sur une matière extrêmement sensible : l’humain. Il rend hommage à ses maîtres, notamment ceux qui l’ont plus ou moins façonné dans l’exercice de son art. Il doit fière chandelle à ces têtes couronnées de la chirurgie dans notre pays, notamment les professeurs feu Mamadou Dembélé (ancien Premier ministre qui a « importé » la chirurgie du cœur et du thorax dans notre pays), Sambou Soumaré (un des précurseurs de la cœliochirurgie), Abdoul Kader Traoré dit Diop (un brillant scientifique qui s’est éteint il y a quelques années et qui émerveillait par son immense culture générale).
Bien sûr, il y a d’autres mains expertes maliennes, européennes et africaines qui ont joué un rôle prépondérant dans l’essor de la chirurgie en générale et de la chirurgie thoracique, à travers la formation et l’encadrement de la jeune garde de chirurgiens.
Le livre se veut une interrogation pour les chirurgiens qui doivent évaluer leur communication avec les autres. Ils doivent, selon l’auteur, s’interroger à quel degré, ils arrivent à se faire comprendre des patients, de la communauté, des administrations et d’autres décideurs.
Dans son ouvrage, le Pr Sadio Yena, qui fait autorité dans la chirurgie thoracique, pense simplement que l’efficacité de la chirurgie requiert une équipe pluridisciplinaire, un plateau technique, de la disponibilité constante, des intrants et des consommables. Il rappelle que la chirurgie est plus qu’un art parce qu’elle nécessite une gymnastique qui doit mettre en harmonie l’intellect, l’esprit et le cœur pour agir. Cette symbiose doit prévaloir dans l’acte chirurgical.
L’ouvrage invite les chirurgiens à s’inscrire dans l’esprit initial de la chirurgie qui ne vise pas à transformer un corps humain mais juste le réparer et lui redonner ses fonctionnalités.
« Un professionnel, doit faire preuve de bon sens et de sang-froid sans pour autant manquer d’instinct ou de tempérament chirurgical, disposer d’une grande habilité manuelle, résister à la fatigue, être d’un dévouement absolu. Ajouter à cela de la bonté et comprendre la société qui l’abrite ». Cette exigence est rappelée aux chirurgiens dans l’ouvrage.
Le livre de Sadio Yena remet sur le tapis la question essentielle de l’amélioration de la pratique de la chirurgie et des conditions d’exercice de cette discipline pour circonscrire les difficultés, mais surtout atténuer les frustrations de plus en plus grandissantes, entre praticiens, (notamment les chirurgiens) et patients. Le Pr Sadio Yena exprime également dans les pages de son ouvrage, une colère contre certains manquements dans les établissements hospitaliers de 3ème référence, y compris le sien.
Bréhima DOUMBIA
Source: Essor