Les armées françaises ont débuté le redéploiement de certaines de leurs unités du nord malien vers la zone des trois frontières entre le Burkina, le Niger et le Mali. En amont, l’Élysée fait-il pression sur ses alliés sahéliens pour contrer l’arrivée toujours présumée du groupe russe Wagner en renfort pour la sécurité du Mali?
Ce 17 octobre, Nana Akufo-Addo, président en exercice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en visite à Bamako, a fait “passer un message ferme au Président Assimi Goïta” contre tout projet de report des élections de février 2022 devant sortir le Mali de la transition née du coup d’État du 18 août 2020. Auparavant, la même CEDEAO et trois autres pays frontaliers du Mali que sont le Niger, la Mauritanie et le Sénégal avaient mis en garde la junte militaro-civile contre toute coopération militaire avec le groupe russe Wagner, évoquée par des rapports médiatiques, mais jamais confirmée officiellement. Le reproche lié à l’absence de consultations avec la France est même lâché. Un tir groupé qui survient peu après la passe d’armes médiatique entre le Premier ministre malien Choguel Maïga et le Président français Emmanuel Macron. La France a-t-elle fait pression sur ses amis pour décourager le vœu d’émancipation exprimé par le gouvernement malien?
“Pas la première fois”
“Il est difficile de le savoir. Il est probable toutefois que des discussions entre Paris et le Niger, la Mauritanie, le Sénégal et possiblement d’autres pays aient porté sur cette question relative à Wagner. Du reste, ce ne serait pas la première fois que cela surviendrait”, rappelle Leslie Varenne, directrice de l’Institut de veille et d’étude des relations internationales et stratégiques (IVERIS) interrogée par Sputnik.
Selon Jeune Afrique, le Président Emmanuel Macron s’est entretenu récemment avec plusieurs chefs d’État dont Mohamed Bazoum du Niger, Alassane Ouattara de Côte d’Ivoire, Macky Sall du Sénégal, Umaro Sissoco Embalo de Guinée-Bissau et Nana Akufo-Addo du Ghana pour “partager ses craintes” devant la perspective d’installation du groupe de sécurité russe “en mettant [ses homologues, ndlr] en garde contre [sa] possible arrivée au Mali”.
Les autorités maliennes projettent de rendre plus efficace leur politique de sécurité en élargissant la liste de leurs partenaires dans ce domaine. Pour Choguel Maïga, chef du gouvernement de transition, le Mali doit avoir “la possibilité de regarder vers d’autres horizons”, autres que le seul parapluie militaire français afin de “maîtriser [sa] défense nationale”.Une éventualité que le Président mauritanien Mohamed Ould Ghazouani estime devoir être lié à des préalables.
“Si un pays du G5 Sahel souhaite faire intervenir un nouvel acteur militaire, il devrait au préalable consulter ses partenaires de la région et avoir une approche concertée”, a lancé le chef d’État mauritanien au média français L’Opinion le 4 octobre dernier.
“La sécurité et les stratégies de sécurité doivent être un élément partagé, de façon consensuelle, arrêtée ensemble et entre nous. La chose que nous avons déplorée tout en respectant [la] volonté [du Mali] d’avoir [sa] souveraineté sécuritaire, c’est que nous n’ayons pas discuté de cela. Quand je dis nous, c’est aussi bien la France, le Sénégal, tous les partenaires engagés au Mali dans le cadre de la MINUSMA”, a déclaré la chef de la diplomatie sénégalaise le 7 octobre en marge du lancement du Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique.
“Respecter l’intégrité et la souveraineté” du Mali
“Quels que soient les acteurs sur le terrain, le Mali doit être un espace ouvert où tous les partenaires étrangers sont tenus de contribuer au développement économique et social du pays. Tous doivent en respecter l’intégrité et la souveraineté en restant dans le cadre légal qui structure leurs relations avec l’État malien. Ils doivent contribuer au renforcement de l’État de droit, de la sécurité des populations. Cette coopération doit se faire par le respect par tous des obligations internationales en matière de droits humains”, indique l’expert indépendant des Nations unies approché par Sputnik.
“Quoi d’étonnant à ce que l’on souhaite renforcer notre collaboration avec la Russie?”
“Si une collaboration venait à se concrétiser entre cette société militaire russe et le Mali, elle bouleverserait profondément le schéma de lutte actuel de la communauté internationale et de la France contre le terrorisme et l’insécurité au Sahel”, met-il en valeur pour Sputnik, sans préciser la teneur de ce “bouleversement”. Il rajoute toutefois:
“En aucun cas, le Sénégal et la Mauritanie ne seraient impactés par une venue éventuelle des Russes au Mali”, insiste pour sa part Leslie Varenne.
Source : sputniknews