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Correction des données biométriques : Le saut d’obstacles pour les Sikassois

En troisième région, il faut s’armer de courage et de détermination lorsque l’on se lance dans des démarches pour corriger la carte NINA. Vous devez faire la navette entre Bamako et la capitale du Kénédougou. Et le résultat n’est pas garanti

 

La carte NINA (numéro d’identification nationale) constitue l’une des pièces les plus importantes et incontournables dans la vie de chaque citoyen. En plus de l’aspect biométrique, cette carte peut jouer le rôle de carte d’identité nationale. Elle porte le numéro d’identification nationale du citoyen. C’est elle qui permet aux citoyens de voter.

Ladite carte est délivrée suite au Recensement administratif à vocation d’état civil (RAVEC). à Sikasso, une grande partie des populations ont des erreurs sur leurs cartes NINA, notamment des fautes d’orthographe dans les noms et prénoms ou des erreurs sur la date et le lieu de naissance. Une fois que l’intéressé a connaissance de cette erreur, il s’adresse à la structure compétente en la matière pour la corriger. La prise en charge de ces réclamations relève du parcours du combattant dans la cité du Kénédougou. Les témoignages dans ce sens corroborent les inquiétudes de ceux qui sont confrontés à cette épreuve.

«Sur ma carte NINA, les agents recenseurs ont fait des erreurs. Mon prénom c’est Modibo, ils l’ont non seulement écrit «Modibbo», mais ils ont également prénommé mon père Modibo, or, lui, il s’appelle Fousseyni. De 2019 à nos jours, je remue ciel et terre pour corriger ces erreurs mais en vain», détaille Modibo Diabaté, un jeune étudiant. Il explique que lorsqu’il s’est rendu au Cercle de Sikasso pour faire ses réclamations, on lui a fait savoir que la situation se règle au niveau du Centre de traitement des données de l’état civil (CTDEC) à Bamako à Korofina Nord. Quand il s’est rendu dans la capitale, il s’est entendu dire que l’erreur doit être corrigée plutôt à Sikasso. C’est à ne rien comprendre.

Depuis lors, sa situation n’a guère évolué, malgré le fait qu’il a rempli et déposé la fiche de réclamation au niveau du Cercle de Sikasso. «Je ne peux qu’espérer que la réclamation aboutisse sinon je ne sais pas comment constituer mes dossiers en cas de besoin. Cette carte représente beaucoup pour moi», regrette Modibo avec une pointe de découragement. Zoumana Drabo est aussi victime de la même situation. «Depuis le premier enrôlement en 2008-2009, je n’ai toujours pas reçu ma carte NINA.

J’ai fait tout pour l’avoir mais, je n’y arrive pas», a déploré M. Drabo. Le Cercle de Sikasso l’a envoyé lui aussi au CTDEC de Bamako. Là-bas, on m’a dit que ma carte se trouve à Sikasso depuis longtemps. De retour à Sikasso, on n’a pas pu retrouver ma carte. Or, à l’époque j’étais sur le point de partir à La Mecque pour le pèlerinage, j’étais contraint d’abandonner mon projet, car le passeport est établi à partir de la carte NINA», révèle-t-il. Le cas d’Adama Fané est un peu différent des deux précédents interlocuteurs.

PROCÉDURE INTERMINABLE- Adama ne disposait que de sa fiche individuelle. Il a tenté de corriger le nom de sa mère sur sa carte NINA. Après de multiples va-et-vient au centre de traitement de Bamako sans succès, des intermédiaires lui ont proposé de payer 30.000 Fcfa pour résoudre le problème. «Une fois que j’ai payé l’argent, les agents ont corrigé l’erreur. Comme j’étais en déplacement, j’ai demandé à ce qu’on m’envoie la fiche corrigée. Malheureusement, celui qui devait me l’envoyer l’a perdu», détaille-t-il.

Le cas de Karim Traoré est tout aussi émouvant. «Il y avait une erreur sur le lieu de ma naissance. Au lieu de Kadiolo, ils ont écrit «Pindougou». Avant de poursuivre : «cela fait plus de deux ans que j’ai déposé ma carte pour correction mais toujours rien. Ils m’ont dit qu’ils ont envoyé ma carte à Bamako mais elle est introuvable là-bas. Je ne la retrouve pas non plus ici à Sikasso. Finalement, j’ai tout abandonné, car je suis sûr que ma carte est perdue», ajoute-t-il.

De leur côté, Fodé Diarra et Mariam Kanté se sont finalement résignés. Ils ont peur d’entamer «la procédure interminable». Ils estiment que ça ne vaut pas la peine, car ils doutent de la prise en charge de leurs réclamations. Sinon, les erreurs les concernant portent sur l’âge et le lieu de naissance.

à Sikasso, la question des cartes NINA se gère au niveau du cercle sous la direction du 2è adjoint du préfet, Mahmoudou Diallo. Qui avoue que les difficultés liées au problème de la carte NINA proviennent du recensement de la population. Le premier recensement a été fait en 2008-2009. à l’en croire, lors du premier passage de l’équipe du RAVEC, certains agents recenseurs avaient du mal à écrire les références de certaines personnes, sûrement parce qu’ils ne maîtrisaient pas les langues vernaculaires de la localité.

«Une fois qu’on fait une erreur dans la machine, on ne peut plus revenir là-dessus», explique-il, ajoutant que la correction se fait uniquement au niveau du CTDEC de Bamako. Se prononçant sur les difficultés auxquelles la population du Kénédougou est confrontée en matière de correction de la carte NINA, M. Diallo évoquera notamment le changement de domicile, de profession, de date de naissance et des changements sur les informations des parents.

TRICHERIE-Une fois que l’usager apporte sa carte pour des motifs de correction ou de réclamation, le 2è adjoint au préfet explique qu’une fiche de correction est remise à l’intéressé qui la remplit en corrigeant les parties erronées. Ainsi, précise-t-il, nous joignons la fiche de réclamation, la copie de l’acte de naissance et la copie de la carte NINA, nous vérifions l’authenticité des documents, l’autorité signe et nous envoyons le document au CTDEC à Bamako.

«C’est le même scénario pour toutes les régions», assure-t-il. «Nous sommes une courroie de transmission pour faciliter la prise en charge de la correction au niveau du centre de traitement à Bamako. Ce sont eux qui peuvent modifier les données personnelles, car ils ont les machines adaptées pour cela», révèle le 2è adjoint du préfet.

Auparavant, Bamako renvoyait les cartes corrigées, mais, actuellement, tel n’est plus le cas. «Nous ne recevons plus de cartes depuis 2017», déclare-t-il. Actuellement, nous ne recevons que les fiches individuelles.

Une autre difficulté qui subsiste dans l’opération de correction des cartes NINA, est la réclamation relative à la diminution de l’âge effectif de l’intéressé. Quand des concours sont annoncés, beaucoup de jeunes ont tendance à réduire leur âge. Ils évoquent des soit disant erreurs dans les données les concernant, et introduisent des requêtes de correction. Pour cela, ils apportent de faux actes de naissance. Ils essayent au travers de cette astuce de profiter de la correction pour réduire leur âge afin de pouvoir postuler aux différents concours. Ce qu’ils oublient, c’est que leur vrai âge se trouve dans la base de données du centre de traitement.

à ceux-là, s’ajoutent ceux qui essayent de se faire enrôler de nouveau pour bénéficier d’une nouvelle fiche individuelle, mais toujours dans l’intention de réduire leur âge. «La plupart de ces demandes n’aboutissent pas», précise-t-il. Les adeptes de cette «tricherie» doivent se résoudre à l’évidence que leur supercherie ne passera pas.

SANS PIÈCE JUSTIFICATIVE-Pour trouver une solution définitive aux problèmes de réclamation, le 2è adjoint au préfet, Mahmoudou Diallo, propose la décentralisation des centres. Elle aura pour avantage de raccourcir l’opération de réclamation et permettra de mettre dans leurs droits ceux qui ont été victimes d’erreurs d’orthographe dans leur nom ou prénom ou date ou lieu de naissance. Car si la correction doit s’éterniser comme c’est le cas actuellement, beaucoup de demandeurs risqueront de rester sans données d’état civil fiables.

Ce qui, à n’en pas douter, sera préjudiciable pour leurs opérations administratives futures (élections, pièces administratives à fournir pour établir des dossiers administratifs, financiers ou de retraite, de prêts bancaires, d’assurance, etc). L’intéressé risquera de se retrouver sans pièce justificative prouvant son identité. C’est pourquoi, le 2è adjoint au préfet de Sikasso invite la population du Kénédougou à ne pas hésiter à déposer ses réclamations. «On s’investira pour que les réclamations soient prises en charge», assure-t-il.

à Bamako, cette invite du 2è adjoint au préfet de Sikasso ne semble pas préoccuper les équipes locales déployées au niveau des mairies pour recenser les nouveaux majeurs et apporter les corrections sur les données biométriques. En se rendant dans ces endroits, il est très facile pour le citoyen de se convaincre qu’ici aussi l’obtention de la fiche descriptive ou le souci de prendre en charge les corrections relèvent d’un véritable parcours du combattant.

Si au Mali on a du mal à accéder aux corrections, que dire des difficultés des Maliens de l’extérieur ? Point n’est besoin de grandes démonstrations pour comprendre que ces derniers font face non pas seulement à un saut d’obstacles mais carrément à un mur.

Mariam F. DIABATÉ
Amap-Sikasso

Source : L’ESSOR

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