Les besoins d’assistance humanitaire ne cessent d’augmenter et atteindront 29 milliards de dollars (26,1 milliards d’euros) en 2020, ont annoncé les Nations unies, mercredi 4 décembre, en lançant leur appel de fonds annuel. Cet argent doit permettre de faire face à une cinquantaine de crises dans le monde touchant un nombre record de 168 millions de personnes, dont la moitié en Afrique. Faute de moyens suffisants, l’ONU prévoit déjà qu’elle devra cibler son aide sur celles qui se trouvent dans les situations les plus difficiles.
A côté des drames du Yémen (80 % de la population touchée) et de la Syrie (près de 12 millions de déplacés internes et externes), le Sahel (du Mali à la Somalie) et l’Afrique centrale concentrent les plus lourdes opérations programmées par les agences humanitaires. En un an, le nombre de personnes ayant besoin d’assistance a augmenté de près de 15 millions en Afrique subsaharienne. Il s’agit de la plus forte hausse régionale, relève les experts d’OCHA (Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU).
Au Burkina Faso, les besoins ont tout simplement doublé sous l’effet d’une insécurité croissante allant de pair avec la fermeture des services de base dans les régions du nord et de l’est du pays, frontalières du Mali et du Niger. « La situation se détériore très vite. La crise a provoqué le déplacement de 500 000 personnes », précisent les experts onusiens. Il y a quelques semaines, le Programme alimentaire mondial (PAM) avait également attiré l’attention sur la dégradation de la situation alimentaire.
« Nos équipes sur le terrain voient les niveaux de malnutrition dépasser largement les seuils d’urgence. Les jeunes enfants et les nouvelles mères sont dans une situation extrêmement critique. Si la communauté internationale veut vraiment sauver des vies, c’est maintenant qu’il faut agir », avait mis en garde David Beasley, le directeur exécutif du PAM. L’ONU, qui qualifie l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale de zone « la plus risquée au monde » dans ces scénarios humanitaires, redoute que la violence propagée par les groupes insurrectionnels dans le Sahel central ne déborde sur les pays côtiers.
Soudan du Sud, Somalie et RDC
Si les conflits restent la première cause des crises, l’ONU insiste sur le rôle grandissant des événements climatiques extrêmes en décrivant un cercle vicieux dans lequel la répétition des inondations et des sécheresses piège les populations les plus vulnérables. Les huit plus graves crises alimentaires – dont la majorité située en Afrique – sont survenues dans des pays où se combinent conflits armés et accidents climatiques. Les inondations observées ces dernières semaines dans la région allant de la Corne de l’Afrique à la Côte d’Ivoire sont la plus récente manifestation de cet engrenage. Au Soudan du Sud, en guerre civile depuis 2013 et où plus d’une personne sur trois reçoit une aide humanitaire, elles ont touché un million de personnes.
Plus à l’est, en Somalie, les pluies torrentielles ont contraint plusieurs dizaines de milliers de personnes à se déplacer. Depuis le début de l’année, la population en majorité rurale avait déjà subi « de maigres et erratiques saisons des pluies et une saison sèche particulièrement chaude conduisant à la récolte la plus faible depuis 1995 », détaille l’ONU. La violence persistante sur le terrain rend plus difficile encore que dans d’autres pays l’accès des équipes humanitaires aux communautés. Même si les fonds collectés auprès de la communauté internationale sont davantage orientés qu’avant vers des ONG locales. En 2020, l’ONU anticipe une nouvelle dégradation de la situation dans ce pays, avec plus de six millions de personnes souffrant de faim, dont un million d’enfants de moins de 5 ans.
Avec 16 millions de personnes concernées dont 5 millions de déplacés, la République démocratique du Congo continue de représenter le plus grand défi humanitaire au cœur de l’Afrique. Si les tensions politiques ont baissé depuis l’élection de Félix Tshisekedi, la violence rythme toujours le quotidien dans l’est du pays où sévissent de nombreux groupes armés. L’épidémie d’Ebola, qui avait débuté en mai 2018 dans la province de l’Equateur, s’est déplacée vers l’est où l’insécurité entrave l’intervention des services de santé. Fin octobre, l’épidémie avait fait 2 170 victimes.
Dans leurs conclusions, les experts de l’ONU livrent sans illusion leurs craintes : « Sans action politique, économique, sans stratégie de développement pour s’attaquer aux causes profondes de ces urgences humanitaires, nos organisations continueront de devoir répondre à des besoins croissants pendant les décennies à venir. »
Le Monde