RETOUR D’AMOUR ENTRE BAMAKO ET NOUAKCHOTT
Pourquoi pas les mêmes ingrédients avec la CÉDÉAO ?
Certes, en diplomatie, le principe est connu : à chaque situation sa recette spécifique. Nonobstant, il aura fallu 48 heures à Abdoulaye Diop et ses collègues stratèges pour éteindre le feu de l’embrouillamini naissant entre notre pays et la Mauritanie. Une performance diplomatique à saluer. Mais qui suscite une autre question légitime : pourquoi alors « ça coince » de manière aussi irrésoluble avec la CÉDÉAO ? Là-dessus, espérons que notre très modeste plume sera digne d’une réponse de Monsieur le Ministre.
Ouf ! Au vu des poussées de fièvre de ces derniers jours, on avait craint que la tension naissante dans les relations Mali-Mauritanie n’atteigne le climax. Heureusement, les missi dominici dépêchés par le Mali à Nouakchott ont su trouver, semble-t-il, la phraséologie diplomatique qu’il faut afin de ramener le partenaire mauritanien à des sentiments plus apaisés. A la bonne heure ! Surtout à quelques encablures seulement du mois de ramadan où, cette année, l’itinéraire mauritanien va constituer un véritable pont de survie pour notre patrie. Avec les sanctions de la CÉDÉAO et leurs effets de cravate d’étranglement serrée autour du cou de notre économie, Bamako (on ne le sait que trop bien) ne peut aucunement se permettre le luxe d’une fâcherie avec un allié nouakchottois devenu trop précieux pour être froissé.
En visite de 48 heures en terres sablonneuses mauritaniennes (du vendredi 11 au samedi 12 mars), le ministre Abdoulaye Diop et son équipe ont (il faut s’en réjouir) développé des arguments qui ont eu l’effet lénifiant escompté. Un réel ballon de soulagement ! D’autant plus qu’à la fin de la visite « très spéciale », Bamako et Nouakchott ont accordé les violons de leur coopération jusqu’à instituer « Une commission d’enquête mixte, ainsi que des patrouilles conjointes le long de leur frontière commune ». Chez les observateurs les mieux imprégnés des questions géopolitiques et géostratégiques dans le Sahel, on est bien entendu réalistes : attendre qu’une enquête, même menée à pas de charge, fasse rapidement la lumière sur les « disparitions de ressortissants » qui ont mis l’opinion mauritanienne en vif émoi, est peu probable. Dans une zone frontalière (à l’instar du reste du Sahel d’ailleurs) où les rapports entre communautés, les trafics (dans le sens positif du terme), les agissements et les influences répondent à des réalités fort complexes ; pouvoir tenir vite la promesse de « la lumière faite » sur des actes aussi sombres, relèverait véritablement de l’exploit.
Mais une chose est sûre : il n’y a pas de faisceaux d’indices qui permettent de mettre en cause les FAMA. Et le ministre malien des Affaires étrangères l’a rappelé : « Notre armée nationale malienne n’est pas impliquée dans ces événements ». Et cela est bienheureux.
Le second point éminemment positif qui a résulté de la mission d’urgence de la diplomatie malienne à Nouakchott, c’est la mise en branle annoncée « des patrouilles conjointes ». Ce dispositif, dont on espère qu’il sera opérationnel le plus vite possible, est plus que souhaitable dans une zone où écument les narcotrafiquants, les trafiquants d’organes humains, ainsi que les nébuleuses jihadistes d’Al Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) et du Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM ou JNIM).
Dans la même logique, il est essentiel voire indispensable que le Mali ravive sans délai la flamme diversifiée sa coopération avec ses autres voisins. Car, dans le nécessaire partage renforcé qu’exige la guerre contre le terrorisme, il faut que notre pays s’accorde avec les Etats limitrophes. Or, la situation d’accord introuvable avec la CÉDÉAO de même que la quasi-guerre froide née avec le Niger font, qu’on l’admette ou pas, le lit des terroristes qui sont passés maîtres dans l’art d’exploiter les dissensions entre alliés dans la région.
La mission de deux jours conduite à Nouakchott a prouvé, s’il en est besoin, que la diplomatie malienne dispose d’atouts étendus dont elle sait magistralement se servir pour : un : transformer les défiances en rassurances ; deux : changer les risques en opportunités.
Mais dans ce cas, qu’est-ce qui fait qu’avec les frères de la CÉDÉAO, la pente des incompréhensions est toujours si raide qu’elle paraît insurmontable ? Pourquoi le ministre Diop ne met-il pas en avant les mêmes recettes « nouakchottoises » de diligent compromis avec l’instance sous-régionale ?
Voilà une double interrogation majeure à laquelle le Ministre Abdoulaye Diop daignera peut-être, si cela agrée à son Excellence, répondre dans les colonnes du quotidien Les ECHOS.
MOHAMD MEBA TEMBELY
Source: Les échos Mali