EN QUOI LE PROJET DE « NOUVELLE CONSTITUTION » EST MAUVAIS ? Préambule surchargé : A travers, par exemple, cet alinéa : « S’engage à entreprendre toutes actions nécessaires pour lutter contre la corruption et l’enrichissement illicite et promouvoir la bonne gouvernance », qui relève du domaine de la loi. Tant de lois et d’institutions y sont consacrées (Bureau du Vérificateur Général, Office central de lutte contre l’enrichissement illicite, les inspections sectorielles…).
TITRE PREMIER DE LA CONSTITUTION : des droits et devoirs de la personne humaine : De 24 articles actuellement, ils en proposent 29 dans le projet, alors qu’il n’y a véritablement que 3 nouveaux articles : (3, 9 et 29). Ils se sont adonnés, juste, à un jeu de permutation entre les articles : interversion entre les articles 2 et 1er (2 devenu 1 et 1 devenu 2) – ; 4 devenu 14 ; 11 devenu 8 ; 10 devenu 6 ; 12 devenu 5, 3 devenu 4, 15 devenu 22 et 25, 14 devenu 21, 22 devenu 24 ; 19 devenu 18 ; 17 devenu 10. Article 9 (nouveau) : le mariage et la famille, qui constituent le fondement naturel de la vie en société, sont protégés et promus par l’Etat.
Le mariage est l’union entre un homme et une femme. Cette disposition relève de la loi : (article 280 du Code des Personnes et de la Famille – CPF). Nul besoin d’une définition dans la constitution. Article 280 CPF : « Le mariage est un acte public, par lequel un homme et une femme, consentent d’établir entre eux une union légale dont les conditions de formation, les effets et la dissolution sont régis par les dispositions du présent livre. Il est célébré par l’officier d’état civil ou par le ministre du culte. » DE L’ETAT ET DE LA SOUVERAINETE : Article 25 : ajout de : « unitaire » aux caractéristiques de la République du Mali : « Le Mali est une République indépendante, souveraine, unitaire, indivisible, démocratique, laïque et sociale », alors qu’ils veulent instaurer un Parlement à deux chambres, caractéristique première d’un Etat Fédéral. Ceci constitue de la poudre aux yeux des citoyens. Article 32 du projet : Définition de la laïcité : La laïcité ne s’oppose pas à la religion et aux croyances. Elle a pour objectif de promouvoir et conforter le vivre-ensemble fondé sur la tolérance, le dialogue et la compréhension mutuelle.
L’Etat garantit le respect de toutes les religions, des croyances, la liberté de conscience et le libre exercice des cultes dans le respect de la loi. (Autre définition qui en rajoute à la confusion). D’abord, il y’a mille et une définitions de ce concept, qui a alimenté le débat public ces derniers temps, sans aucun consensus, au point que son abandon est devenu la principale cause de rejet du projet par une partie des musulmans du Pays. A défaut de cet abandon, il est indispensable de se donner le temps d’échanger et de se comprendre sur le concept de la laïcité par la persuasion et non de s’adonner à une fuite en avant infructueuse, dans l’illégalité, la force, le déni, etc. LES INSTITUTIONS DE LA REPUBLIQUE: Les initiateurs de ce projet inconstitutionnel en proposent 7 contre 8, sauf que les 7 seront plus budgétivores que les 8, avec la création récente, mais non opérationnelle, de multiples Cercles (circonscriptions administratives où sont élus les députés). Le mali pourrait se retrouver avec un Parlement d’au moins 400 à 500 élus à entretenir aux frais des citoyens.
Pourquoi avoir enlevé que le président de la République est élu …au scrutin majoritaire à deux tours. (Article 30) ? (L’article 45 du projet) n’énonce pas le mode de scrutin, et se met à expliquer pourtant ce mode de scrutin majoritaire. Pourtant les modes de scrutins majoritaire ou proportionnelle sont bien indiqués pour l’élection des députés. Concernant le serment du Président de la République, quelques mots sont déplacés ou supprimés dans son texte. Ainsi la nation privilégiée à peuple. Ces modifications, souvent relatives aux détails, rendent le Serment moins solennel, à mon avis. Article 73 du projet : la responsabilité du Président de la République est engagée pour haute trahison, désignant violation du serment. Mais ces faits sont soumis à une double procédure de motion de destitution instruite par une commission de l’une ou l’autre chambre du Parlement pour aboutir à un acte d’accusation, si les deux chambres voteraient favorablement la motion. Le cas échéant, la procédure s’arrête.
Sinon, l’acte d’accusation doit être voté, à la majorité des 3/4, par le Congrès ad hoc du parlement (chambres réunies) dont les sessions sont présidées par le Président de la Cour Suprême (chef de l’institution judiciaire). Et c’est une loi organique qui va déterminer les modalités d’application de cet article. Se rapportera-telle à l’assemblée nationale, au sénat, au parlement ou à la cour suprême ? Pourquoi avoir supprimé la haute cour de justice, si la haute trahison a un traitement beaucoup plus politique ? Malgré tout, ce « tout politique », soumis à des sessions du parlement présidées par le Président de la Cour suprême, (curieux), est au bout d’une procédure improbable, absurde et incongrue. Pourtant l’avant-projet de code pénal est dans une dynamique différente. Article 211-1 : Il y a haute trahison lorsque le Président de la République délibérément viole son serment, pose des actes contraires à la dignité de sa charge, est auteur, co-auteur ou complice de violations graves et caractérisées des droits humains ou de cession d’une partie du territoire national. Article 211-2 : La haute trahison est punie de mort. Article 211-3 : La prescription ne peut être invoquée par la personne poursuivie pour les faits prévus aux articles 211-1 et 241-1 lorsqu’il est établi que de par les fonctions qu’elle a occupées, elle a pu influencer le cours des poursuites ou empêcher toute poursuite contre elle. Chapitre 1er :- Attentats et complots contre le gouvernement Article 231-1 :L’attentat dont le but est soit de renverser par la force le gouvernement légal ou de changer la forme républicaine de l’État, soit d’inciter les citoyens ou les habitants à s’armer contre l’autorité, est puni de la peine de mort ou de la réclusion à perpétuité ou à temps. La tentative est punie comme le crime. L’Article 74 du projet : manque de courage en ne s’intéressant qu’aux seuls crimes et délits commis par le Président de la République en dehors de l’exercice de ses fonctions devant les juridictions de droit commun, qui ne les connaitront qu’un mois après la cessation de ses fonctions. Tous autres crimes et délits commis par le Président de la République dans l’exercice de ses fonctions ou à l’occasion de cet exercice, sont superbement ignorés. Pourtant pendant ce temps, comme ci-dessus évoqué, le code pénal cherche à prendre en charge la haute trahison et le putsch. PARLEMENT : Les modalités d’élections des députés (assemblée nationale) sont à revoir. Ne parlons pas des modalités d’élections des sénateurs qui sont à prévoir. Deux Nouvelles lois organiques sont donc à prendre pour fixer le nombre des membres, les conditions d’éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités des membres des deux chambres (assemblée nationale et sénat), ainsi que pour déterminer les conditions dont il est procédé à leur emplacement en cas de vacance de siège. Pendant ce temps, nous sommes à seulement 2 mois et 10 jours de la convocation du collège électoral pour l’élection des députés programmée pour les 29 octobre et 19 novembre 2023. Article 70 de la Constitution : L’amnistie est du domaine de la loi. Même s’ils ont enlevé l’énumération des domaines de la loi dans le projet, après un tollé sur cette question, l’article suivant abordé confirme l’amnistie dans le domaine de la loi. Article 188 du projet : Les faits antérieurs à la promulgation de la présente Constitution, couverts par des lois d’amnistie ne peuvent, en aucun cas, faire l’objet de poursuite, d’instruction ou de jugement.
Après avoir dit à l’article précédent : 187 que : « Tout coup d’Etat ou putsch est un crime imprescriptible contre le Peuple malien. Ces deux derniers articles évoqués révèlent une contradiction indescriptible. POUVOIR JUDICIAIRE : Article 82 : Les magistrats ne sont soumis, dans l’exercice de leur fonction qu’à l’autorité de la loi. Les magistrats du siège sont inamovibles. 4 Ils ont remplacé magistrats par juges. (Article 132 du projet). Une insulte au corps judiciaire, en attendant qu’ils nous disent à quoi les magistrats du Parquet sont soumis, dans l’exercice de leurs fonctions, en dehors de la loi. Tous les actes des acteurs du ministère public sont pourtant édictés et prévus par la loi. Leur mission première est de veiller à l’application de la loi, en plus d’être chargé de la poursuite. Article 131 du projet : Les jugements sont rédigés dans les délais prévus par les lois et règlements en vigueur, sous peine de sanction administrative. Article 442 du Code de Procédure Pénale : « Après avoir été signée par le président et le greffier, la minute est déposée au greffe du tribunal dans les sept jours au plus tard du prononcé du jugement. Article 464 in finé du décret n*2009- 220 portant Code de Procédure Civile Commerciale et Sociale modifié : « La délivrance du jugement ne peut excéder les quinze jours à compter de son prononcé. Cet article 131 n’avait pas sa place dans la constitution, relevant des règles de procédures et du statut de personnel réservés au domaine de la loi. Les sanctions administratives ou même disciplinaires, donc plus graves, ou des sanctions pénales ou civiles, s’imposent dès qu’il y’a inobservance des règles de procédure ou des devoirs à la charge du magistrat, des abus de droit ou de manque avéré de diligence. La faute professionnelle, traitée dans l’article 133 du projet, relève du statut de la magistrature, une loi (article 71 : faute disciplinaire et faute professionnelle). AUTRES INCONGRUITES L’article 121 : « Le fondement de tout pouvoir en République du Mali réside dans la Constitution. La forme républicaine de l’Etat ne peut être remise en cause. Le peuple a le droit à la désobéissance civile pour la préservation de la forme Républicaine de l’Etat. » (Article 186 du projet). Ils ont enlevé le deuxième alinéa cidessus. Ce qui veut dire qu’ils envisagent la remise en cause de la forme républicaine tout en empêchant le soulèvement populaire par la désobéissance civile. Sinon, pourquoi l’enlever ici alors que leur projet est intitulé : « Projet de Constitution de la République du Mali ; Que l’article 30 dit que le Mali est une République indépendante, souveraine, unitaire, indivisible, démocratique, laïque et sociale ; Que l’article 185 in finé dit que : La forme républicaine de l’Etat, la laïcité, le nombre de mandats du Président de la République et le multipartisme ne peuvent faire l’objet de révision ? » Article 190 du projet : Jusqu’à la mise en place des nouvelles institutions, les institutions établies continuent d’exercer leurs fonctions et attributions. Toutefois, les activités de la Haute cour de justice prennent fin dès la promulgation de la présente Constitution. Cet article 190 passerait inaperçu s’il n’avait pas évoqué spécifiquement la cessation des activités de la Haute cour de justice dès la promulgation de la « nouvelle constitution ».
En effet, souvenez-vous que le magistrat Cheick Mohamed Chérif KONE, alors premier Avocat général à la Cour suprême, avait dénoncé en fin août 2021 le braquage/détournement de la procédure concernant d’anciens ministres : feu Soumeylou Boubeye MAIGA, Madame BOUARE Fily SISSOKO et autres, relevant de la Haute cour de justice, par les premiers responsables de la Cour suprême, notamment son président, son procureur général et le président de la commission d’instruction illégalement mise en place, qui deviendra, entre temps, président de l’institution. En effet, monsieur KONE après avoir informé, par correspondance, le Président de la Transition et le ministre chargé de la justice des faits, sans succès, portera plainte le 7 septembre 2021 contre lesdits responsables de la cour suprême pour forfaiture devant le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance de la Commune VI du District de Bamako, Procureur compétent comme étant celui du lieu de commission de l’infraction.
Ce Procureur a bien envoyé les éléments d’enquête au Procureur général de la Cour suprême, qui reste muet. La vérité ne demandant qu’un peu de patience, et l’histoire affectionnant l’ironie du sort, c’est le rapporteur général de la commission d’élaboration de la « nouvelle constitution », président d’alors de la Cour suprême, qui écrit ici, que : « Toutefois, les activités de la Haute cour de justice prennent fin dès la promulgation de la présente Constitution. » Au lieu d’écarter ces personnes qui ont fait du tort à la justice et au pays et les mettre à la disposition de la justice, les autorités de la Transition ne trouvèrent mieux que de proroger illégalement et inconstitutionnellement l’âge d’admission à la retraite du président (admissible en décembre 2022) et du procureur général de la Cour suprême, à l’exclusion de tous les magistrats, de 3 ans (65 à 68 ans), même au prix d’un mouvement de grève de plusieurs jours.
Enfin, ce projet n’apporte pas de plusvalue à la Constitution en vigueur. Il est le résumé de la confusion, de l’iniquité, de l’absurdité, de la perversité et de l’incongruité. Le peuple malien ne devrait pas s’associer à une telle entreprise inconstitutionnelle et illégale, égoïste et impréparée qui ne lui apportera que désespoir et désolation. Samedi 20 mai 2023
Dramane DIARRA Président de l’AGDM
Source : La Nouvelle République