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Agrobusiness : La jeunesse de plus en plus attirée par le secteur

En dépit des efforts énormes qu’ils fournissent (généralement sur fonds propres), ces jeunes entrepreneurs passionnés pour ce secteur restent confrontés à des difficultés matérielles et financières pour concrétiser leur rêve. Faute d’appui et d’encadrement appropriés

 

L’agrobusiness, qui désigne l’ensemble des activités économiques relatives à la production, la transformation et la commercialisation des produits issus de l’agriculture, est sans doute le levier sur lequel nos autorités devraient s’appuyer pour l’émergence économique du Mali et la prospérité des Maliens. En effet, le secteur agricole occupe près de 80% de la population active. Le pays dispose d’environ 17,4 millions d’hectares de terres aptes à faiblement aptes à l’agriculture.
Les statistiques sur les terres cultivées tournent presentement autour de 4 millions d’hectares, soit 23% du potentiel des terres aptes à l’agriculture. Le potentiel de terres aménageables pour l’irrigation est estimé à 2,2 millions d’hectares, dont seulement 18% sont aménagés. Le Mali est traversé par les fleuves Niger long de 4.184 km (3è d’Afrique et le 9è au monde) et Sénégal long de 1.750 km. Le potentiel hydraulique est estimé à environ 148 milliards de m3, contre des besoins annuels évalués à 6,12 milliards de m3, soit seulement 4% du potentiel.
Le Mali est l’un des rares pays africains qui consacre depuis plusieurs années 15% de son budget d’état au secteur agricole. Cette volonté politique manifeste est appuyée par un dispositif institutionnel impressionnant pour le plein essor de ce secteur au Mali et qui représente une énorme opportunité pour les jeunes en matière de création d’emplois.

DISPOSITIF INSTITUTIONNEL IMPRESSIONNANT- Pour attirer davantage les jeunes dans cette sphère porteuse d’espoir, de prospérité durable et partagée, l’état a initié la Loi d’orientation agricole. La LOA oblige l’exécutif à attribuer un certain nombre de pourcentage des surfaces aménagées dans l’Office du Niger aux femmes et aux jeunes. Le Fonds national d’appui à l’agriculture fait également partie des dispositions prises à cet effet. Cet appui financier qui peut être sollicité par les jeunes souhaitant faire carrière dans l’agriculture, n’est pas encore opérationnel. L’Agence pour la promotion de l’emploi des jeunes (Apej), elle aussi, appuie les jeunes dans la mise en œuvre des activités entrepreneuriales dans le cadre du Projet de développement des compétences et emploi des jeunes (Procej). S’y ajoute le Fonds de garantie hypothécaire du secteur privé qui a pour mission de fournir des sûretés pour faciliter l’accès des entreprises, notamment les Très petites entreprises (TPE) et les Petites et moyennes entreprises (PME) au financement de l’investissement par les institutions de financement. Ces dispositions prises semblent inciter les jeunes à s’intéresser davantage à ce secteur. Cela, malgré leurs maigres moyens financiers et matériels et les défis énormes qui les attendent. Il s’agit, entre autres, des difficultés de financement, l’insuffisance d’infrastructures : conditionnement, conservation, logistique et de commercialisation, l’accès difficile aux marchés, l’instabilité des prix et l’irrégularité concernant l’approvisionnement en matières premières. Défis connus et surmontables pour la résolution desquels cette panoplie de structures d’appui paraît impuissante, en dépit des milliards de Fcfa mis à leur disposition. Afin d’aider des jeunes véritablement intéressés par l’agrobusiness.

DIFFICULTÉS MATÉRIELLES ET FINANCIÈRES- C’est le cas de Madina Tall, amoureuse de l’agrobusiness. «Depuis toute petite, j’aidais ma grand- mère dans la transformation du couscous sec, dont elle seule détenait les secrets des techniques de raffinage. Ainsi, peu à peu, j’ai commencé à faire de petits produits que j’essayais d’écouler dans mon quartier. Une structure a été officiellement créée à cet effet il y a une année», explique-t-elle.
Aidée par une équipe composée de trois productrices et un livreur, la trentenaire transforme les céréales locales, en bassi djalan (couscous traditionnel), kaba gnègne (brisure de maïs). Elle fabrique également de la pâte d’arachide. Ses produits sont destinés principalement à la cuisine, aux femmes, aux étudiants, aux camps de formations militaires et aux Maliens de la diaspora.
Ambition quelque peu freinée par des obstacles qui ne devraient pas exister au regard du dispositif institutionnel existant et des potentialités dont dispose le pays. «Actuellement, nous faisons face à des difficultés d’ordre matériel et financier. La cherté de la matière première nous amène souvent à changer le prix de nos produits tels que la pâte d’arachide que nous cédons à 7.500 Fcfa le seau de 5 kg pendant la période allant de juillet à octobre. Nous vendons la même quantité à 6.500 Fcfa en temps normal. Le coût du kg est de 500 Fcfa de novembre à juin, contre 850 voire 1.000 Fcfa de juillet à octobre», détaille l’entrepreneure.

Aussi faute de matériels adéquats, Madina Tall et son équipe utilisent les méthodes traditionnelles de séchage des produits, c’est-à-dire le plein air. «Si on pouvait au moins avoir des partenaires pour nous aider dans l’acquisition d’équipements de travail comme un séchoir et un moulin, cela aiderait l’entreprise à concrétiser sa vision consistant à exporter ses produits et couvrir la totalité du marché national», réclame la transformatrice. Comme Madina Tall, Mariétou Diarra est passionnée d’agrobusiness. «Depuis 2017, nous proposons des tisanes bio certifiés SPG bio local sous la marque de Kènèya Nutrition. Ces infusions sont faites à base de nos plantes locales qui ont des vertus médicinales comme le kinkeliba, la menthe, la citronnelle, le dabléni ou bissap, le gingembre, le tamarin, le moringa, l’ananas, etc. Le but est la valorisation des produits bio qui sont bons pour la santé», explique la jeune fille. Courageuse, elle arrive à conquérir de gros clients tels les grandes surfaces, les distributeurs (les supermarchés, les alimentations) mais aussi les particuliers grâce à son système de livraison à domicile.
Dans ce business, Mariétou se plaint du manque de machines performantes pour produire en quantité suffisante afin d’atteindre un large public. En vue d’aider les jeunes qui évoluent dans l’agrobusiness, elle propose de mettre en place un système de formation pour le renforcement des compétences des entrepreneurs et de leurs employés. Elle suggère aussi la mise en place d’un fonds d’amorçage destiné aux jeunes entrepreneurs et disposant de projets porteurs.

Adepte de la transformation des produits locaux comme facteur d’émergence économique pour notre pays, Harouna Diarra propose d’intensifier les mesures d’accompagnement et les campagnes de sensibilisation sur l’initiative privée. L’entrepreneur conseille de développer davantage les structures d’incubation, car ces organisations (généralement des privées) contribuent beaucoup à l’émergence de l’agrobusiness.

«Le Mali dispose d’énormes potentialités car, le pays est à vocation agro-sylvo-pastorale. Son émergence économique passera forcément par le développement de ce secteur», interpelle le jeune patron d’entreprise qui évolue dans l’agrobusiness depuis octobre 2019. Co-fondateur et gérant de l’entreprise Casa-nature, sa société offre des boissons naturelles à base de produits locaux : un cocktail à la saveur de tamarin, dabléni ou bissap, gingembre, baobab, mangue, zègène, rônier (sébé), goyave, zamba). «C’est après avoir constaté les nombreuses pertes post-récolte et le manque d’industries spécialisées pour la valorisation des produits locaux que nous avons décidé de nous lancer dans ce genre de business afin d’apporter des solutions innovantes à ces problèmes», argumente-t-il.
Toutefois, Harouna Diarra évolue jusque-là sur fonds propres. Ses produits sont écoulés auprès des restaurateurs, des hôteliers, des supermarchés, des alimentations et les particuliers. Son entreprise souffre de problème d’accompagnement. «Depuis mon entrée sur le marché, je constate que les autorités s’investissent moins en matière de soutien aux jeunes évoluant dans ce secteur. S’y ajoutent les difficultés liées à la réglementation (l’agrément) pour une entreprise qui est à ses débuts. Les procédures en vigueur peuvent décourager certains jeunes à se lancer dans l’entrepreneuriat», déplore Harouna.

BANQUE PUBLIQUE D’INVESTISSEMENT- Interpellées à maintes reprises à ce sujet, les banques estiment que les projets portés par les jeunes ne sont pas généralement bancables. Même si certaines institutions financières spécialisées ou non dans le financement du secteur ont une politique particulière d’encadrement, de suivi et de financement de jeunes entreprises. Mais la réalité, de l’avis d’experts et d’entrepreneurs séniores, est que nos banques préfèrent des crédits à très courtes durées, généralement plus avantageux et présentant moins de risques.
Pour faire face à cette situation, le Comité d’experts en charge du volet économie et finances du Dialogue national inclusif, propose la création d’une banque publique d’investissement, performante et compétitive. Elle répond, selon le duo d’experts, à un besoin impérieux de doter le Mali d’instruments financiers appropriés lui permettant de mobiliser les ressources internes nécessaires à la mise en œuvre de ses politiques publiques.

«C’est actuellement le chaînon manquant de l’architecture bancaire locale qui permettra de réduire considérablement la dépendance du pays à l’aide extérieure. La Banque publique d’investissement agira en appui des politiques publiques définies et mises en œuvre par l’État», argumentent-ils. Aussi proposent-ils de relever le taux de financement bancaire de l’économie à 50% en 2022 et à 100% à l’horizon 2030, canaliser les ressources bancaires disponibles vers les secteurs prioritaires de l’économie nationale, préserver les équilibres fondamentaux du système bancaire dans un contexte marqué par une forte pression tant interne qu’externe. «Les modalités pratiques (mécanismes, durée, etc.) de ce contrat plan pourraient faire l’objet de concertation entre l’état et le système bancaire», suggèrent-ils. Cela afin de permettre au système bancaire local de jouer son rôle d’acteur principal du financement de l’activité économique et de canal de transmission des impulsions monétaires au secteur réel de l’économie.


Aminata Dindi SISSOKO

Source : L’ESSOR

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