Elle s’appelle Agnès Callamard, c’est une Française et c’est elle la nouvelle patronne de l’ONG Amnesty International, l’une des plus importantes organisations mondiales de défense des droits de l’homme. Elle n’est pas diplomate et elle ne veut pas de cette étiquette. Elle se revendique militante, femme de terrain et s’est fait connaître à l’ONU par ses enquêtes sans concessions visant aussi bien les forts que les faibles. Portrait.
Si l’on écoute ceux qui l’ont croisée, c’est une pile électrique, un petit bout de femme gonflé à l’énergie, bourrée d’humour et qui parle anglais parfaitement avec un accent français épouvantable. Veuillez accueillir Agnès Callamard, 56 ans, nouvelle secrétaire générale d’Amnesty International, une maison qu’elle connaît bien puisqu’elle y a travaillé entre 1995 et 2001 jusqu’à devenir la cheffe de cabinet du patron de l’époque, le Sénégalais Pierre Sané.
« Elle va apporter une expertise et un réseau au niveau international inégalée, dit-il. Agnès est la synthèse d’un nexus ONG-Nations unies-université. Elle vient du monde universitaire. Elle a travaillé pour les Nations unies et pour Amnesty International. Elle réunit les trois expériences des acteurs clés du système mondial des droits humains. Une fois que vous avez cette expérience-là, vous pouvez avoir une réflexion d’ensemble sur la problématique des droits humains et de l’action qu’il faut entreprendre. Et je crois que, vraiment, c’est le meilleur choix qu’Amnesty pouvait faire. »
Une militante qui n’épargne personne
C’est une militante qui a labouré le terrain pour l’ONU avant d’être nommée en 2017 rapporteure spéciale des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires. Et là, elle n’a épargné personne : elle a taclé les États-Unis pour la frappe de drone illégale qui a tué le général iranien Qassem Soleimani. Elle a tancé la France pour l’abandon des jihadistes français arrêtés en Irak et s’est aussi mobilisée contre l’impunité des crimes commis envers les journalistes.
« Malheureusement, au cours d’une conférence vidéo de notre association, nous avons perdu notre secrétaire général Pierre-Yves Schneider, qui a fait une crise cardiaque sous nos yeux », raconte Danièle Gonod, la présidente de l’Association des amis de Ghislaine Dupont et Claude Verlon, nos deux confrères assassinés au Mali en 2013. « C’était quelque chose pour nous de dramatique et elle est venue à ses obsèques. On parle beaucoup d’elle pour son combat, son énergie, sa détermination, son courage, mais tout cela est sous-tendu par une véritable empathie. Elle ne traite pas de dossiers, elle parle de personnes. »
« Réduire les fractures »
Son combat le plus retentissant, c’est sans doute celui qu’elle a mené à la mémoire de Jamal Khashoggi, ce journaliste saoudien exécuté dans des conditions atroces en Turquie en 2018. Dans le rapport qu’elle remet au nom de l’ONU, Agnès Callamard n’hésite pas à parler d’acte prémédité par l’État saoudien, ce qui lui vaut harcèlement et menaces de mort. Aujourd’hui, son mandat onusien se termine, mais la suite ne sera pas non plus de tout repos, souligne Pierre Sané.
« Amnesty a traversé une période difficile parce qu’il y a eu des problèmes de gestion, des problèmes de traitement du staff qui étaient un peu la manifestation d’un malaise très profond. Et ce malaise existe toujours donc je crois que c’est sa première priorité. C’est de réduire les fractures, d’unir le mouvement et de redéfinir les domaines de travail : la lutte contre la pauvreté, le changement climatique… C’est-à-dire des domaines qui ne sont pas nécessairement ceux d’Amnesty. Mais les droits humains évoluent et Amnesty doit évoluer pour continuer d’être pertinent et apporter de l’espoir aux victimes », affirme Pierre Sané.
Agnès Callamard l’a bien compris et s’est déjà approprié ce travail. Revenir chez Amnesty International, « ce n’est pas un retour aux sources, dit-elle. J’ai beaucoup changé et je pense qu’Amnesty a beaucoup changé aussi. »
RFI