Alors que la consommation du tabac diminue dans d’autres parties du monde, elle augmente dans sur le continent africain, posant un « grave défi » en matière de sécurité alimentaire et nutritionnelle, imposé par l’augmentation de cette culture du tabac dans la région, a alerté mercredi la branche africaine de l’agence sanitaire mondiale de l’ONU, à l’occasion de la Journée mondiale sans tabac.
Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), les données disponibles montrent que si la superficie consacrée à la culture du tabac a diminué de 15,7% au niveau mondial, elle a augmenté de 3,4% en Afrique, entre 2012 et 2018. Au cours de cette période, la production de feuilles de tabac a diminué de 13,9% au niveau mondial, alors qu’elle a augmenté de 10,6% en Afrique.
« Ces dernières années, la culture du tabac s’est déplacée vers l’Afrique en raison d’un environnement réglementaire plus favorable à l’industrie du tabac et d’une demande croissante de tabac », a déclaré dans une note à la presse Dre. Matshidiso Moeti, Directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique.
Davantage de produits du tabac et « marketing agressif » de l’industrie du tabac
Cela se traduit aussi par une hausse de la consommation du tabac. Le nombre de consommateurs de tabac dans la région africaine de l’OMS est passé d’environ 64 millions de consommateurs adultes en 2000 à 73 millions en 2018. Selon l’OMS, cela est dû en partie à l’augmentation de la production de produits du tabac et au « marketing agressif » de l’industrie du tabac.
Or la culture et la production de tabac exacerbent l’insécurité alimentaire et nutritionnelle. L’OMS note que la culture du tabac détruit les écosystèmes, épuise la fertilité des sols, contamine les masses d’eau et pollue l’environnement.
L’abandon du tabac au profit de cultures vivrières nutritives pourrait permettre de nourrir des millions de familles et d’améliorer les moyens de subsistance des communautés agricoles en Afrique
Près de 828 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde. Parmi elles, 278 millions (20%) se trouvent en Afrique. En outre, 57,9% des Africains souffrent d’une insécurité alimentaire modérée à grave.
« L’intensification des principaux facteurs à l’origine des récentes tendances en matière d’insécurité alimentaire et de malnutrition, tels que les conflits, les extrêmes climatiques et les chocs économiques, ne fait qu’aggraver la situation. C’est pourquoi nos actions concertées sont essentielles pour que tout le monde ait suffisamment à manger », a insisté la Dre Moeti.
Face à cette situation, l’OMS collabore avec les États membres et d’autres partenaires pour aider les agriculteurs à passer de la culture du tabac à d’autres cultures.
Au cours des deux dernières années, une initiative menée au Kenya a aidé plus de 2.000 cultivateurs de tabac à se tourner vers d’autres cultures. Cela a permis d’améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle, d’augmenter les revenus des agriculteurs, de rendre les activités agricoles plus saines et de réhabiliter l’environnement.
Permettre aux producteurs de tabac de se tourner vers des cultures vivrières
L’extension de cette initiative à l’Ouganda et à la Zambie a commencé et devrait être encouragée pour tous les pays producteurs de tabac en Afrique, selon l’OMS.
Les gouvernements devraient aider les cultivateurs de tabac à passer à des cultures alternatives en mettant fin aux subventions à la culture du tabac et en utilisant les économies réalisées pour des programmes de substitution de cultures visant à améliorer la sécurité alimentaire et la nutrition, explique l’agence sanitaire.
« L’abandon du tabac au profit de cultures vivrières nutritives pourrait permettre de nourrir des millions de familles et d’améliorer les moyens de subsistance des communautés agricoles en Afrique », a fait valoir la Dre Moeti.
Une façon de rappeler que de telles initiatives permettront également de lutter contre la désertification et la dégradation de l’environnement, mais aussi de sensibiliser les communautés de cultivateurs de tabac aux avantages de l’abandon du tabac et de la culture de produits durables. Il s’agit ainsi de dénoncer les efforts déployés par l’industrie du tabac pour entraver le travail sur les moyens de subsistance durables dans la région africaine.
Plus largement, l’OMS exhorte les pays producteurs de tabac de la région Afrique à accélérer la mise en œuvre des articles 17 et 18 de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT). Ce qui permettra de mettant en œuvre des politiques appropriées, et de créer des conditions de marché permettant aux producteurs de tabac de se tourner vers « des cultures vivrières qui leur assureraient, ainsi qu’à leurs familles, une vie meilleure, tout en renforçant la protection de l’environnement et de la santé des populations ».
Source : un.org