Une fois de plus, le sommet d’Accra du 25 mars 2022 vient le confirmer. Il est désormais clair, même pour les plus optimistes, que le Mali n’a plus grand-chose à attendre de la Cedeao par rapport à la durée de sa Transition. Si la Cedeao voulait inciter le Mali à claquer les portes de l’organisation, elle ne saurait s’y prendre autrement. Derrière la façade des textes communautaires qu’ils piétinent sans scrupule ni état d’âme et sous l’apparat des formules diplomatiques grossières dans lesquelles se terre leur dessein malsain et téléguidé de Paris, les chefs d’Etat vassalisés de la Cedeao vagabondent, en errance institutionnelle et délirante, continuent d’agir en bande organisée téléguidée pour mettre au pas le Mali afin d’étancher la soif de vengeance de la France de Macron.
Le président de la transition privé de son droit légitime de se faire représenter
Dans le communiqué final de la session extraordinaire du 25 mars 2022 de la Cedeao tenue à Accra, consacrée à l’examen de la situation politique du Mali, de la Guinée et du Burkina Faso, un passage en apparence anodin, a retenu notre attention au niveau du Point 11 du communiqué sous le chapitre relatif au Mali : « La Conférence regrette l’indisponibilité du Président de la Transition à honorer en personne l’invitation qui lui a été faite de participer au Sommet en vue de trouver une solution à la situation actuelle au Mali ». Le Communiqué précise cependant qu’« étaient présents à cette session, les chefs d’État et de Gouvernement ci-après, ou leurs représentants dûment mandatés ».
Ce qui signifie que l’éventualité de la non-participation physique d’un chef d’État n’était pas écartée par la Cedeao elle-même. C’est ainsi que des personnalités avaient été dûment mandatées par le Président Assimi Goïta pour le représenter au sommet, conformément aux textes et à la pratique diplomatique de la Cedeao, aux termes de la lettre n°00151/Maeci-D.AF-SP du 24 mars 2022 : les ministres chargés de l’Administration territoriale, de la Refondation de l’Etat et la ministre déléguée chargée des réformes politiques et institutionnelles. Cependant, les chefs d’Etat vassalisés se sont assis sur les textes de la Cedeao et sa pratique diplomatique en la matière, comme cela ressort du tweet en date du 24 mars 2022 du ministre Diop des Affaires étrangères : « Suite aux consultations avec la Cedeao, il est retenu que le format du sommet est à huis clos entre Chefs d’Etats. Dès lors, la participation de la délégation ministérielle n’est plus nécessaire ».
De quel huis clos s’agissait-il, qui aurait pu justifier que la représentation dûment qualifiée du chef de l’Etat du Mali soit écartée de la session d’Accra du 25 mars 2022 ? Que signifie le huis clos sinon qu’il exclut la présence de l’œil extérieur du public ? La Cedeao a-t-elle jamais tenu des sessions publiques de chefs d’Etat ouverts à tous, y compris à la presse du monde entier ? C’est proprement ridicule, bien que le ridicule soit devenu la seconde nature des chefs d’Etat vassalisés de la Cedeao congénitalement amputée de la moindre faculté d’auto-décision institutionnelle autonome. Il est vrai qu’une marionnette n’a jamais tenu que par les ficelles de celui qui la tripote.
L’histoire retiendra qu’au fameux sommet d’Accra du 25 mars 2022 convoqué sur instruction donnée par Macron aux chefs d’Etat vassalisées de la Cedeao sommés de durcir la punition de leur pays frère du Mali, n’étaient physiquement présents en fin de compte, que cinq (05) Présidents et deux ½ Présidents si l’on comptabilise les vice-présidents Touray de Gambie et Osinbajo du Nigéria. Tous les autres participants étaient constitués de représentants dûment mandatés de chefs d’Etat empêchés comme celui du Mali, avec des titres de ministre des Affaires étrangères, de directeur de cabinet, de conseiller spécial, d’ambassadeur ! Le chef d’Etat du Mali Assimi Goïta n’a pas eu le droit comme les autres chefs d’État, de se faire représenter à Accra.
L’ordonnance de suspension des sanctions de l’Uemoa superbement ignorée
Le 24 mars 2022, soit un jour avant la tenue du sommet d’Accra du 25 mars 2022, est tombée la décision n°06/20221/CJ qui « ordonne le sursis à l’exécution des sanctions prononcées par la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Uemoa lors de la session extraordinaire tenue à Accra, le 9 janvier 2022 … »
Mais comme ils ont pris goût à le faire en bons Nègres de service programmés pour exécuter les ordres parachutés de chez Macron, les chefs d’Etat de la Cedeao se sont une fois de plus assis sur l’Ordonnance n°06/20221/CJ du 24 mars 2022 superbement ignorée au sommet d’Accra. Pire, la Conférence, comme pour se moquer des juges de l’Uemoa, décide au Point 14- a) de son Communiqué final de « maintenir les sanctions prises le 9 janvier 2022 », y compris donc naturellement, celles prises au nom et pour le compte de l’Uemoa.
La Cour de justice de l’Uemoa et son Ordonnance priées d’aller se faire voir ailleurs ?
Certes, la Cour vise expressément les sanctions prononcées par la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’Uemoa lors de sa session extraordinaire d’Accra du 9 janvier 2021. Il ne faudrait toutefois pas perdre de vue que c’est justement ce sommet qui a consacré l’ingérence de l’Uemoa dans le dossier malien qui relève avant tout de la Cedeao. Les sanctions au titre de l’Uemoa qui sont visées par l’Ordonnance de la Cour et qui n’ont de fondement juridique dans aucun des textes fondateurs des deux organisations, n’ont été décrétées que par l’abus d’instrumentalisation de l’Uemoa par la Cedeao. L’Uemoa dont tous les membres appartiennent à la Cedeao a été phagocytée par cette dernière. Comment dès lors expliquer le mépris de la décision judiciaire de la Cour de l’Uemoa de la part des chefs d’Etat de la Cedeao/Uemoa sinon qu’elle paraît d’ores et déjà présager d’un refus catégorique des chefs d’Etat de la Cedeao d’obtempérer à ladite Ordonnance de sursis à exécution.
Un soupçon de « guet-apens » contre le Président Assimi Goïta ?
A priori, on a beau l’accueillir d’un air plutôt amusé et la qualifier à la limite de farfelue, l’hypothèse rocambolesque d’un « guet-apens » tendu par la Cedeao au Président Assimi Goïta ne peut, au regard de certaines bizarreries, être définitivement écartée. Véritablement, la question se pose de savoir pourquoi cette fixation sur la présence physique du Président de la Transition malienne au sommet d’Accra du 25 mars 2022.
Pourquoi Assimi Goïta seul devait-il faire le voyage d’Accra, alors que les Présidents des autres pays dits « récalcitrants », comme le Burkinabè et le Guinéen dont les dossiers étaient pourtant en apparence à l’ordre du jour, n’avaient pas été conviés ?
Quelle signification peut-on donner au “traitement de faveur » réservé au Président de la Transition du Mali, sinon qu’il paraît à tous égards découler des instructions du Président Macron qui n’avait exigé la tenue improvisée de ce sommet que pour durcir la punition du Mali qui a osé chassé RFI et France 24 de ses ondes. En fidèle béni-oui-oui, au même titre que ses pairs vassalisés, Nana Akufo ADO savait parfaitement que le sommet Macron d’Accra du 25 mars 2022 n’avait qu’un seul et unique ordre du jour : punir le Mali. Mais jusqu’à attenter à son chef d’Etat ? Nul ne saurait le dire. Même si ce scénario plutôt digne d’un autre âge ne fait plus mystère pour une bonne partie de l’opinion publique malienne et africaine notamment.
La Cedeao a déjà dit son dernier mot
Ceux qui de toute bonne foi, probablement par naïveté, mais sans doute aussi par insuffisance d’appréciation du contexte réel, s’évertuaient à convaincre de la pertinence de la présence physique de Assimi Goïta à Accra, en sont pour leurs frais. C’était clair comme l’eau de roche pourtant. Le sommet d’Accra ne pouvait avoir d’autre objectif que d’humilier le Mali à travers son Chef d’Etat Assimi Goïta qualifié de « récalcitrant » qui n’y était convoqué que pour être réprimandé et même dans le pire des cas, y être probablement pris dans un traquenard. Comme il fallait naturellement s’y attendre, les ordres donnés depuis Paris ont été exécutés à Accra par nos chefs d’Etat vassalisés dans le but de donner davantage de gage à la soif maladive de vengeance du Président Macron contre le Mali. Dans la logique des dernières intransigeances mesquines de la Médiation Goodluck à Bamako, la Conférence a décidé de maintenir les sanctions illicites et illégitimes prises le 9 janvier 2022. Dans un style encore plus martial, « la Conférence engage les autorités de la Transition à s’inscrire dans une période complémentaire de 12 à 16 mois arrêtée par l’équipe technique de la Cedeao/UA/NU pour l’extension de la Transition. Ce délai complémentaire court à partir du 15 mars 2022 ». On ne saurait être plus clair. En d’autres termes, le sommet a tout simplement anéanti les derniers espoirs de ceux qui continuaient de rêver d’un compromis possible entre le Mali et la Cedeao.
Autorités de la Transition : « To be or not to be »
Certes, il a été constaté ici que le Président de la transition Assimi Goïta a été privé de son droit légitime de se faire représenter ; que l’ordonnance de suspension des sanctions de l’Uemoa a été superbement ignorée ; qu’un soupçon de « guet-apens » contre le Président Assimi Goïta a pesé sur la convocation d’Accra ; que la Cedeao a dit son dernier mot.
Cependant, même quand on a dit tout cela, qu’on l’a bien dit, et qu’on pourrait d’ailleurs à juste titre continuer de le chanter, les Maliens restent encore loin du compte. Leurs attentes majoritaires peinent à se matérialiser. Ils restent dubitatifs, tant que les autorités de la Transition n’arrêteront pas avec la posture assise à la fois sur deux chaises. Ils restent sceptiques tant qu’ils entendent que le Mali ne quittera pas la Cedeao qui serait soi-disant son enfant. Ils continuent de s’interroger tant qu’on exhibe la Constitution pour justifier les impostures de la construction de l’Afrique. Les autorités de la Transition reviennent tellement de loin avec leur parcours de compte à rebours en compagnie de la médiation Goodluck : 5 ans, 4 ans, 36 mois, 29 mois, 24 mois de Transition! Jusqu’à 12 mois peut-être ?
Car, pendant ce temps, la Cedeao n’a même pas daigné considérer les 16 mois de l’Union africaine. Elle est restée figée sur ses 12 mois comme pour provoquer le Mali. L’inflexibilité de la Cedeao n’aurait-elle pas en définitive été alimentée par les inflexions des autorités de la Transition sur sa durée?
Le gouvernement du Mali a beau témoigner de sa bonne foi que son opinion publique majoritaire assimile d’ailleurs de plus en plus à de la couardise, c’est toujours par une arrogance téléguidée de l’étranger que les chefs d’Etat vassalisés de la Cedeao ont répondu en s’arc-boutant sur leur calendrier électoraliste clés en main. A quoi sert-il d’opposer en permanence, le discours martial de la souveraineté à l’humiliation permanente de la part de la Cedeao, si celui-ci se trouve en permanence balloté par du vagabondage diplomatique stérile dont on voit qu’il est de nouveau projeté par le sommet d’Accra. Celui-ci ne vient-il pas de « décider de l’envoi du médiateur pour poursuivre et finaliser les discussions avec les autorités de la Transition sur le chronogramme » et de la « poursuite du dialogue en vue d’arriver à un accord qui permettrait la levée progressive des sanctions »?
La Cedeao ne donne-t-elle pas l’apparence d’être ouverte, tout en restant ferme sur une durée de Transition n’allant pas au-delà de 16 mois?
Les autorités de la Transition ne pourront plus davantage se complaire dans les tergiversations. Loin de nous l’idée de jouer les cassandre, il paraît tout de même évident que les autorités de la Transition désormais à la croisée des chemins, font face au défi du « To be or not to be » (être ou ne pas être) ne pouvant plus s’accommoder du confort des hésitations, du double langage voire du silence. De deux choses l’une : soit le Mali se plie une fois pour toute aux désidératas de la Cedeao vassalisée ; soit le Mali affirme courageusement sa détermination à payer le prix de sa souveraineté et de sa dignité de peuple. Soit le Mali claque les portes de la Cedeao, soit le Mali rétropédale et se plie aux injonctions dictées à la Cedeao par Macron.
Le Mali se doit de se montrer capable d’identifier ses propres intérêts et de les assumer une fois pour toute. Il ne sert à rien de continuer à gaspiller le temps si précieux de la Transition dans des pseudos négociations avec la Cedeao. L’inconfort de la posture assise entre deux chaises de la Transition commence sérieusement à bien faire. Après tout et entre autres, les portes de la Cedeao ne sont-elles pas grandes ouvertes par l’article 91 de son Traité révisé ?
Dr Brahima FOMBA, Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako (USJPB)
Source: Le Démocrate