Le Procureur du Pôle Économique et Financier peut se targuer d’avoir réveillé les démons à Bamako : en plus de l’avion présidentiel qui selon des documents d’enquête a connu une surfacturation de 9 milliards FCFA, les deniers publics ont servi pour l’achat des équipements militaires.
Selon le rapport définitif du Vérificateur, l’ex Ministre de l’Économie et des Finances, Mme Bouaré Fily Sissoko, a fait une interprétation erronée et une application inappropriée de la disposition réglementaire relative à l’exclusion de certaines commandes publiques du champ d’application du CMP. Mieux, elle a irrégulièrement accordé une garantie au titulaire du marché dans le cadre de la fourniture des matériels et équipements destinés aux forces armées. Ainsi, le titulaire du protocole d’accord à l’appui de la garantie autonome a effectué des opérations frauduleuses. Et comble de la fraude, l’ex Ministre malien de l’Économie et des Finances en accommodant le financement des deux acquisitions n’a pas respecté les dispositions relatives à la comptabilité publique et à la Loi des Finances.
Mme Bouaré prise en flagrant délit
Le rapport définitif des enquêtes glisse littéralement sur un aspect : une personne du nom de Monsieur Ousmane Bouaré s’est fait payer la somme de 900 millions de francs CFA par la Banque Atlantique. Mais qui est ce fameux personnage inconnu ?
En tout cas, son nom est mentionné, noir sur blanc, sur les mystérieux chèques payés à lui (voir les photos d’illustration) par la Banque Atlantique au nom de Guo-Star. C’est bien les déductions faites par les enquêteurs dans leur rapport définitif sur l’achat des équipements militaires.
En effet, le premier chèque portant le n°0270837 d’un montant de 200 millions de francs CFA a été payé à la date du 12/02/2014. Le second, avec le n°0270841 également de 200 millions, a été payé le 13/02/2014 ; et le troisième chèque émis avec le n°0270839 d’un montant de 500 millions de nos francs a été exécuté le 02/03/2014.
Qui est donc le Sieur Ousmane Bouaré ? Surtout que du début à la fin des enquêtes, il ne figure nullement parmi les personnes interrogées par le Vérificateur et n’occupe aucun poste ou rôle dans la procédure d’exécution des marchés. Et pourquoi l’émission d’un chèque en son nom ?
En tout cas, le fameux Ousmane Bouaré, selon le rapport définitif d’enquête a touché le premier chèque de 200 millions de francs CFA à la date du 12 Février 2014 à la Banque Atlantique. Et le billet de change en question a été émis par Guo-Star. Et à la veille de l’opération, c’est-à-dire le 11 Février 2014, la même banque a procédé, sur ordre de Guo-Star, à un virement de 4,2 milliards de francs CFA comme « frais d’approche » sur le compte de GOLDENROD INVESTISMENT. Et c’est ce même vocable qui a permis de faire des versements à des intermédiaires, dont la société SKY Color, Afrijet, Akira Investments etc.
Mais pour ce qui est de l’achat des équipements militaires, une société avait déjà été sélectionnée conformément à un protocole d’accord. Mieux, la lettre de recommandation de l’ancien Directeur de cabinet de la présidence de la République, Mahamadou Camara et non moins ex-ministre de la Communication, a mandaté Guo-Star. Et pourquoi le paiement des frais d’approche ? En tout cas, cette lettre N°0001 de Mahamadou Camara en date du 03 novembre 2013 est claire: «Je soussigné, M. Camara, Directeur de Cabinet du président de la République, certifie que Monsieur Sidi Mohamed Kagnassy et toutes les sociétés qu’il représente sont mandatés par la présidence de la République du Mali pour traiter avec tout fournisseur ou intermédiaire que ce soit, des affaires d’équipements des Forces de défense et de sécurité malienne. Fait pour valoir ce que de droit».
Pour les besoins du dossier, l’adjudicateur dudit marché (le promoteur de la société Guo-Star) a été nommé Conseiller Spécial à la Présidence de la République, avec rang et prérogatives de ministre… après que l’ancien Directeur de cabinet du président IBK, Mamadou Camara, eusse envoyé sa fameuse lettre de recommandation à qui de droit.
Plus grave encore, l’ex ministre des Finances, Mme Bouaré Fily Sissoko, a accordé une garantie de 100 milliards de francs CFA à Guo-Star qui a reversé à son tour la somme de 4,2 milliards à la mystérieuse société GOLDENROD INVESTMENT, puis 900 millions à Ousmane Bouaré. D’ailleurs, le rapport d’enquête juge abusive la lettre de garantie de 100 milliards de francs CFA de Mme l’ex ministre de l’Économie et des Finances à Guo-Star. Dans quel pays un État sérieux garanti le marché d’une entreprise privée ? En français facile, cela veut dire que si l’entreprise en question devenait défaillante, c’est le gouvernement de la république du Mali qui allait rembourser cet argent perdu pour la Banque Atlantique.
Mais pourquoi Guo-Star a émis trois chèques d’un montant cumulé de 900 millions de nos francs à Ousmane Bouaré, après la lettre de garantie de 100 milliards de l’ex ministre des Finances, Mme Bouaré Fily Sissoko ? Une question que Mme Bouaré et Guo-Star devraient donner des réponses.
En revanche, des sources attestent que le Sieur Ousmane Bouaré serait le frère du mari de l’ex Ministre des Finances, Mme Bouaré Fily Sissoko. D’où l’émission de chèques en son nom.
Sur la question, l’ex ministre de l’Économie et des Finances s’en défend sans convaincre. Cependant, dans un communiqué laconique qu’elle a rendue public, à la suite des rumeurs, Mme Bouaré précise qu’elle n’a aucun lien de parenté ou d’alliance avec M. Ousmane Bouaré qu’elle présente comme étant l’Assistant comptable du Groupe Kouma et non un agent de Guo-Star. Par la même occasion, la société Guo-Star revient à la charge et présente cette fois-ci M. Bouaré comme le Gérant de la société Guo-Star. Des contradictions qui lèvent toute équivoque quant aux rapprochements et accointances entre l’ex ministre de l’Économie et des Finances et la société Guo-Star représentée par Ousmane Bouaré.
Pour d’amples informations, nous avons tenté de joindre M. Bouaré qui a son contact sur le verso des fameux chèques qu’il a encaissé. En vain.
En attendant, seule la Justice nous édifiera davantage sur ce sulfureux dossier.
Jean Pierre James
Source: Nouveau Réveil