La reprise tant attendue du procès du Général Amadou Haya et co-accusés aura finalement lieu le 13 janvier 2020 à Bamako. Ouvert à Sikasso le 16 octobre 2016 à l’occasion du transport dans la capitale du Kénédougou de la Cour d’Assises de Bamako, le procès consacré à l’affaire dite des bérets rouges, avait dû être ajourné quelques heures à peine après le démarrage de ses travaux, suite à des moyens de procédure soulevés par les avocats de la défense.
La cour avait ordonné alors le renvoi de l’affaire pour les besoins de réalisation d’une expertise destinée à déterminer l’identité des 21 corps exhumés à Diago, près de Kati, et présentés comme étant ceux des bérets rouges arrêtés après les événements du 31 avril 2012. C’est ainsi que depuis près de quatre années, la Cour d’Assises n’avait pu reprendre ses travaux.
Cette lacune sera désormais comblée et on pouvait déceler déjà une évolution sur la question avec la déclaration faite le mercredi 20 novembre 2019 par Idrissa Arizo Maïga, Procureur général près la Cour d’Appel de Bamako, lequel en procédant à la clôture de la deuxième session de la cour d’Assises de Bamako au titre de l’année judiciaire 2019, disait ceci: « il est urgent et impérieux que la prochaine session d’assises soit consacrée à l’affaire Amadou Aya Sanogo et autres. Simplement parce qu’il faut reconnaître que le dossier est en état d’être jugé depuis, et que la détention provisoire a franchi le seuil de tolérable et qu’enfin la crédibilité de la justice est en jeu».
On peut supposer qu’en fixant et annonçant une nouvelle date de reprise du procès, le ministère de la Justice s’est assuré de la levée des obstacles qui en avaient motivé le report.
Du fait de l’extrême polarisation de cette affaire autour du personnage du Général Sanogo, les autres protagonistes de l’affaire dite des bérets rouges ont tendance à être relégués au second plan par les médias. Après un rappel sommaire des faits retenus dans l’arrêt de renvoi à la charge des accusés, le Prétoire dresse ici un portrait rapide des principaux d’entre eux.
Les crimes reprochés aux accusés
Il est reproché au général et ses 16 co-accusés les faits d’enlèvement, de séquestration, d’assassinat et de complicité. Il s’agit bien entendu ici de faits qui sont tous criminels et passibles au Mali de la peine de mort.
Concrètement, la Cour d’Assises s’emploiera à déterminer quel a été le rôle précis que chacun des accusés a eu à jouer. Elle espère y parvenir en procédant à l’interrogatoire de chacun d’entre eux à l’audition des témoins, aux confrontations à la barre, par l’écoute attentive du réquisitoire du parquet général et des plaidoiries des avocats, parties civiles et défense.
Les principaux accusés
Amadou Haya Sanogo
C’est bien entendu le plus célèbre des accusés. Sans avoir été particulièrement en vue dans la conception et la préparation des événements ayant abouti le 22 mars 2012 au renversement du régime démocratiquement élu du Président ATT, il s’est retrouvé à la surprise générale à la tête du Cndre, la junte qui a pris le pouvoir à la suite de cette journée mouvementée. Celui qui n’était alors que le Capitaine Sanogo ne perdra pas de temps et fera vite de l’ombre aux vrais planificateurs du coup de force du 22 mars 2012. Devenu le principal bénéficiaire du putsch en un temps record, il va s’évertuer à concentrer à Kati tout le pouvoir entre ses mains. Au point que lorsque qu’éclateront le 30 avril les affrontements entre soldats, bérets rouges et bérets verts, et que sera connu par la suite le massacre des premiers par les seconds, sa responsabilité n’a guère semblé poser de difficultés.
Général Yamoussa Camara
Après Amadou Haya Sanogo, il s’affirme très vite comme l’un des personnages les plus importants de la junte. Très écouté des jeunes putschistes, il ne tardera pas à s’affirmer comme l’homme lige du jeune capitaine auquel il obéit au doigt et à l’œil. Ministre de la défense au moment des faits, les poursuites engagées contre lui après l’assassinat des bérets rouges sont, aux yeux de beaucoup, davantage dues à sa proximité avec Sanogo qu’à son implication personnelle dans la tragédie.
Général Dahirou Dembélé
Aux dires de nombreuses personnes proches du dossier, l’inculpation de l’actuel ministre de la Défense dans l’affaire dite des bérets rouges est tout simplement incompréhensible. En effet, selon des sources dignes de foi, en temps réel il n’a joué aucun rôle dans l’affrontement survenu le 30 avril 2012. Fraîchement rappelé de son poste à Djakarta (Indonésie) pour occuper les fonctions de chef d’état-major général des armées, le Général Dembélé n’avait en effet pas pris fonction au moment des faits. Selon de nombreux témoins, les combats du 30 avril l’ont surpris dans les locaux du ministère qu’il n’a pu quitter que le soir pour rejoindre son domicile.
Est-il besoin de rappeler qu’une dizaine d’éléments des bérets rouges accompagnent ces trois généraux dans les box des accusés.
Les questions qui taraudent les esprits sont aujourd’hui de savoir si l’actuel ministre de la Défense répondra à l’appel le jour procès. Quel sera le sort de Yamoussa Camara en liberté depuis deux ans sinon plus ?
Birama FALL
Source: Le Prétoire