Le marabout fut tué vers les années 1890 à Tiakadougou par des Noirs au service du colonisateur qu’il combattait auprès de l’empereur du Wassoulou, Almamy Samory Touré, une figure de proue de la résistance à la pénétration coloniale
Les chérif (familles Haïdara) de Niaréla, Bozola et Sokorodji ont sacrifié, la semaine dernière, à une tradition établie depuis des années. Ils ont effectué une «ziarra» ou «ziyârah», c’est-à-dire une visite pieuse, sur la tombe de feu Cheick Moulaye Souleymane Haïdara à Tiakadoudougou Faraban (Ouéléssebougou) pour s’y recueillir mais surtout apprendre de la vie de ce saint homme qui reste une référence pour eux.
Cette 45è ziyârah a enregistré la participation de nombreuses familles Haïdara et des personnes doctes venues des quatre coins du monde pour des rituels bien connus : lecture du Saint Coran et prières collectives. Selon Ibrahim Haïdara, la ziyârah est une visite pieuse périodique, très souvent annuelle, que les musulmans rendent aux saints hommes dans leurs tombes ou dans des lieux saints. Pour lui, il s’agit d’une journée de recueillement et de prière, mais surtout de renouvellement du pacte de confiance et d’allégeance avec le guide. Ce rituel est un grand honneur et une grande satisfaction pour les fidèles qui y prennent part dans la mesure où, les vœux qu’ils formulent sont le plus souvent exaucés.
La famille Haïdara organise cette visite pieuse sur ressources propres en réunissant toutes les conditions nécessaires au maintien de la sécurité des personnes, à leur prise en charge alimentaire. « C’est un honneur et une fierté pour nos familles d’organiser cette cérémonie », dira Ibrahim Haïdara.
Astan Kamissoko qui participait à sa troisième ziyârah, justifie sa présence par un devoir de gratitude. Elle explique avoir invoqué la grâce d’Allah, le Très-Haut, à travers l’esprit de ce saint homme pour pouvoir enfanter et mettre fin à 7 ans de stérilité dans son foyer conjugal. Et ce vœu a été exaucé cette année avec la naissance d’un petit garçon que «le cercle de famille a applaudi». Elle a aussi exprimé une pensée pieuse pour le Prophète Mohamed (paix et salut sur lui) et sa descendance.
Mamadou Medyou Haïdara, un des organisateurs principaux, témoignera que cette ziyârah ne vise rien d’autre qu’à faire des prières et des bénédictions pour le repos éternel de l’âme de ce défunt marabout, aïeul des familles Haïdara de Bozola, Niaréla et Sokorodji, qui s’est illustré par la quête continue de perfectionnement de son comportement et de celui de tous les fidèles musulmans. Il s’agit aussi pour «les pèlerins» eux-mêmes de se faire des bénédictions pour se préserver des maux d’ici-bas, requérir la protection d’Allah, le Clément et Miséricordieux pour notre pays mais aussi s’attirer ses faveurs dans l’autre monde.
Il ressort d’un récit que Moulaye Souleymane Haïdara naquit à Djenné où il fit avec succès ses études coraniques. Il y quitta pour s’installer à Bamako, d’où sa réputation parvint à l’oreille de l’Almamy Samory Touré qui fit appel à ses services dans sa double lutte pour l’expansion de l’islam et contre la pénétration coloniale. Conseiller de l’Almamy Samory Touré, il aurait été tué sur ordre du colonisateur vers les années 1890 à Tiakadougou où il repose depuis.
Feu El Hadj Idrissa Haïdara découvrit dans son rêve une nuit de jeudi à vendredi de 1976 la tombe de ce saint homme après des prières surérogatoires «nafilas». Dans ledit songe, il affirma avoir cheminé main dans la main avec feu Cheick Moulaye Souleymane Haïdara dans la traversée du fleuve Niger et voyagea avec lui jusque dans sa tombe à Tiakadougou Faraban. Arrivé dans la demeure du serviteur vertueux d’Allah, l’esprit de ce dernier lui souffla de s’assoir et de faire des prières et bénédictions.
Après le songe, El Hadj Idrissa Haïdara, lui aussi n’est plus de ce monde, commença à fréquenter avec les siens la dernière demeure de l’homme de foi à Tiakadougou Faraban à partir de la même année, bien sûr avec le consentement des autorités politiques et religieuses de la circonscription.
Quelques années avant sa disparition, il avait prédit la disparition de son dernier enfant, feu Cherif Ibrahim Haïdara, qui devrait s’installer en ses lieux et place à Bozola. Cheick Moulaye Souleymane aurait été tué par des Noirs au service du colonisateur qu’il combattait auprès de l’empereur du Wassoulou, Almamy Samory Touré, une figure de proue de la résistance à la pénétration coloniale.
Son dernier fils fut porté disparu, avant d’être retrouvé par son frère aîné, Mamadou Lamine Haïdara, mais surtout ramené à la maison paternelle à Bozola, conformément à la volonté du saint homme. Cette maison lui a été donnée par les Touré, plus précisément par feu Abdoul Kaffar Touré.
La Ziarra de Tiakadoudougou Faraban commence par une lecture du Coran, notamment la sourate «Yassine» ou «Ya-sin», suivie de la prière et du recueillement sur la tombe du marabout. Le programme prévoit aussi des prêches sur différents thèmes par les érudits. Le discours de clôture de la cérémonie est prononcé par le chef de la grande famille chérifienne,Ouzoumana Haïdara.
Aminata HAÏDARA
Source : L’ESSOR