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Vote de la motion de censure: Quand le Premier ministre escamote le débat

La motion de censure déposée par l’opposition à l’Assemblée nationale contre   le gouvernement a été rejetée le mercredi  18 juin 2014 à une très large majorité par les députés. Incontestablement, le vote qui a sanctionné le débat parlementaire organisé pour l’occasion a tourné, comme il fallait s’y attendre, à  l’avantage du  pouvoir.

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Ce dénouement doit sans doute  être considéré comme une victoire politique à mettre à l’actif de la majorité et du gouvernement, même s’il était attendu. Est-ce pour autant une victoire probante ? Est-ce surtout une victoire convaincante ? La majorité a certes gagné  le vote, mais  sur le fond du débat peut- on honnêtement dire qu’elle a eu raison ? Peut-on dire que le couple majorité – gouvernement sort politiquement renforcé de cette première grande confrontation parlementaire avec l’opposition ? Pour répondre à ces questions, il convient d’analyser le débat de lundi sur le double plan de la  forme et du fond.

Dans la  forme, un débat décevant

On peut en rire ou en pleurer, mais le débat sur la motion de censure a été à bien des égards affligeant. Face à une opposition formulant des interpellations graves mettant en cause des choix gouvernementaux politiquement sensibles, l’on se serait attendu de la part de la majorité à une attitude moins désinvolte, plus consciente des enjeux de l’heure. A cet égard, l’attitude du Premier ministre, qui a choisi le ton de l’invective et de la suffisance là ou une réfutation méthodique et rigoureuse s’imposait, n’a pas contribué à instaurer au sein de l’hémicycle un climat propice à un débat serein et documenté.

En effet, le Premier ministre est descendu dans l’arène sans grand discernement, allant jusqu’à se faire le porte-voix de propos de café de commerce, en répondant au député Soumaïla Cissé qu’il a traité de fuyard.

Lorsqu’on y ajoute les applaudissements mécaniques des députés de la majorité, et parfois même ceux des badauds venus bruyamment supporter leurs champions respectifs, la police calamiteuse des débats conduite par le Président Issaka Sidibé et les vociférations du député de l’opposition Mamadou Hawa Gassama, l’on en vient à se demander si quelque part il n’y avait pas une erreur de casting, surtout dans le banc du Gouvernement et au perchoir.

La discussion parlementaire sur une  motion de censure est un exercice démocratique et républicain, à ce titre elle mérite tous les égards, surtout s’agissant du comportement des députés et de celui du chef du gouvernement. Tel   n’était pas malheureusement pas le cas mercredi dernier à l’hémicycle de Bagadadji.

Dans le fond, un débat escamoté

Invité à répondre au réquisitoire implacable d’une opposition enfin remise  de la lourde  défaite électorale de ses dirigeants aux derniers scrutins législatif et présidentiel et mettant en cause la gestion gouvernementale de plusieurs dossiers sensibles, le Premier ministre a rarement été convaincant dans ses interventions. Pour la plupart des observateurs, ses réponses ont été marquées par de nombreuses incohérences, des contrevérités grossières et des hors – sujet. L’impression dominante est que les débats ont été sciemment escamotés par Mara, notamment en ce qui concerne la fameuse expédition du chef du gouvernement à Kidal, qui s’est soldée par des dizaines de morts et la perte de positions stratégiques sur le plan militaire.

Bottant en permanence en touche et s’adonnant à  un véritable exercice incantatoire, le Premier ministre  a semblé ne pas avoir  encore pleinement pris toute la mesure des conséquences sur sa responsabilité personnelle, il ne semble pas non plus avoir tiré de leçons, se réfugiant dans le déni de réalité et affirmant, contre l’évidence, n’avoir pas été au courant des périls sécuritaires inhérents à son voyage mouvementé, alors qu’il est maintenant établi qu’il en avait été dissuadé par l’ensemble des services de renseignement, les forces Serval et Minusma, et les députés de la région de Kidal.

Le même déni de réalité a prévalu chez le chef du gouvernement lorsqu’il s’est agi des deux autres affaires qui défraient la chronique depuis quelque temps, celle dite de l’avion présidentiel et celle des fraudes aux examens du DEF et du Baccalauréat. Sur toutes ces questions cruciales par leurs implications directes ou indirectes, le Premier ministre a été incomplet ou imprécis dans ses explications.

C’est pourquoi, l’on peut se demander si finalement, et en dépit de l’air de satisfaction qu’il arborait après les débats, Moussa Mara n’est pas sorti affaibli de l’épreuve et s’il n’en est pas le grand perdant tant sa performance personnelle a été sujette à caution. Comme l’atteste à suffisance la réplique à l’appel à la démission que lui ont lancé les députés de l’opposition  à travers le texte de la motion de censure : «Je ne démissionnerai pas. N’tè, n’téta Yorossi !».

Ces propos ont choqué moins par leur contenu que par le ton et l’attitude pleins de morgue avec lesquels  ils ont été tenus. A la fin des débats, et en privé, certains  députés de la majorité n’ont d’ailleurs pas manqué d’émettre des critiques acerbes sur le comportement désinvolte du Premier ministre à l’égard de leurs collègues de l’opposition, au nom du respect dû à la représentation nationale.

 On le voit donc, si l’on peut dire que le Premier ministre a remporté une victoire à l’issue des débats, c’est plus une victoire arithmétique due au poids  et à l’implication personnelle du Président IBK, qui a tenu à s’assurer du soutien du RPM et de ses alliés de l’APM au  gouvernement. La  tiédeur manifestée par bon nombre de députés de la majorité pour défendre le bilan d’un gouvernement alignant échec sur échec dans la gestion des dossiers les plus importants de l’heure en dit long sur la réalité de leur soutien à Moussa Mara. A cet égard, le chiffre exceptionnellement élevé de députés ayant  préféré voter par procuration devrait inciter à la réflexion.

Bakary SOGODOGO

SOURCE: Le Prétoire

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