Quand la haine pour un homme vous empêche de réfléchir vous ne ferez que vous mettre le doigt à l’œil, cette vérité, nos hommes politiques l’apprennent à leurs dépens. En focalisant tout le débat sur la personne du Dr Choguel Kokalla Maïga, Premier ministre de la transition, nos conseillers du Conseil national de transition (CNT) qui jouent aujourd’hui le rôle de l’Assemblée nationale, ont voté une loi qui écarte carrément les politiques qu’ils sont du jeu électoral car, au final, tout le pouvoir vient se retrouver dans les mains du président de la transition, Son Excellence, le colonel Assimi Goïta.
Le gouvernement de transition, avec à sa tête le Premier ministre, Dr Choguel kokalla Maïga, après analyse et synthèse des résolutions et recommandations des Assises nationales de refondation (ANR), avait élaboré et adopté un projet de loi portant loi électorale dans l’optique qu’elle reflétait les aspirations profondes des Maliens, aspirations exprimées et portées par le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP). Dans l’esprit du gouvernement, l’adoption d’une telle loi permettrait à notre pays de connaître enfin des élections transparentes, crédibles, apaisées et dont les résultats seraient acceptés par tous. De ce fait, il aurait épargné à notre pays des interminables crises post- électorales aux conséquences désastreuses. Ce projet de loi, après avoir respecté tous les chemins à parcourir et surtout approuvé par le président de la transition, le colonel Assimi Goïta, s’est vu tout simplement jeter dans les poubelles par les membres du CNT pour principale raison invoquée quelle est taillée à la mesure d’un seul homme, le docteur Choguel kokalla Maïga, Premier ministre.
Ont- ils réellement lu le texte avec conscience et responsabilité avant d’agir de la sorte ? En tout cas, les évènements survenus lors du vote de cette loi au CNT, ne nous permettent pas de répondre par l’affirmative.
Un projet de loi de plus d’une centaine d’articles, les Maliens n’ont eu droit qu’à ce que l’on pourrait qualifier de combat de catch dont l’arbitre fut le colonel président du CNT, Malick Diaw, au tour d’un seul article portant désignation des membres du collège de désignation des membres qui devrait siéger au sein de l’Autorité indépendante de gestion des élections (AIGE) dont la mise en place et la garantie de son indépendance totale furent une demandé forte des Assises nationales de refondation (ANR). Depuis que nos conseillers ont pris connaissance, dans la disposition d’un article que la commission serait composée de sept membres dont quatre (04) proposés par le Premier ministre et trois par le président du CNT, cela leur a suffi comme raison pour chercher à abattre le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga et le bouter de la tête de la primature. Sans y réfléchir, chacun est parti de ses commentaires. Certains disent que c’est une loi taillée à la mesure d’un homme qui a ses ambitions, d’autres disent que le Premier ministre veut élire le futur président de la République à partir de Djicoroni, etc. Les conseillers nationaux n’ont pas voulu voir. D’abord un, que les quatre membres désignés par le Premier ministre et les trois (03) désignés par le président du CNT ne sont tous que des propositions et que le choix final relève du pouvoir discrétionnaire du président de la transition, qui, par un décret présidentiel nommerait qui lui enchantera.
Deuxièmement, les conseillers n’ont pas voulu voir que ces sept (07) membres ne constituent que la commission de sélection des neuf membres qui siégeront au sein de l’AIGE pendant sept ans non renouvelable et une fois choisis sur la base des critères bien définis, la commission de sélection disparaît. Tout le processus électoral serait piloté par cette autorité. En aucun moment, aucun membre de la commission n’est impliqué dans l’organisation des élections. Et pour s’assurer de leur totale indépendance et leur totale impartialité, il était prévu que chacun de ces neuf (9) membres choisi prêterait serment sur sa confession avant d’entrer en fonction. Ce qui couperait le cordon ombilical d’avec les membres de la commission de sélection, cela veut dire qu’une fois nommés par décret présidentiel, ils n’auront plus à avoir avec ceux qui les auraient choisis.
Dans leur désir de vengeance et leur rage de faire du mal au chef du gouvernement, les conseillers nationaux ont tout simplement gommé cette disposition et l’ont remplacé par une autre dans laquelle tous les pouvoirs se retrouvent dans les mains du colonel président. En effet, en écartant d’un revers de main la commission de sélection des dossiers de candidature pour siéger dans l’AIGE et son remplacement par une commission électorale de quinze membres composée de trois (03) membres choisis par le président de la transition, deux (02) par le président du CNT, un (01) par le chef du gouvernement, un (01) par le président du Conseil économique et social et culturel, un (01) par le président du Haut Conseil des collectivités, trois de la société civile et quatre (04) des partis politiques, les membres du CNT se sont- ils rendus compte qu’ils offraient sur un plateau d’argent toute la l’attitude au pouvoir public de faire des élections ce qu’ils veulent de manière démocratique ? Ou bien, c’est par simple calcul politique qu’ils ont décidé de faciliter l’accès au pouvoir aux militaires tout en espérant en tirer profit à travers le parrainage puisqu’ils ne sont pas sûr de pouvoir leur tenir tête, surtout au moment où ils se voient décriés par la majorité des Maliens qui les accuse à tort ou à raison d’être la cause de tous les malheurs qu’ils connaissent aujourd’hui ?
Tout s’est passé comme si c’était une occasion en or à ne pas rater pour pousser le Premier ministre à la sortie. Il est clair que derrière ce choix des conseillers du CNT, qu’il existait une volonté inavouée de créer une crise institutionnelle poussant ainsi le président Goïta à faire le choix entre deux options : soit le Premier ministre démissionne de lui-même ou le colonel président choisirait entre son chef du gouvernement et le Conseil national de transition.
Et notre président a choisi la deuxième option en promulguant cette loi fabriquée de toutes pièces par les conseillers du CNT. Ainsi, depuis lors, beaucoup parmi eux s’attendaient au lendemain de la promulgation de la loi, à une démission immédiate du chef du gouvernement ou son limogeage par le président, grande fut leur déception. Car, au contraire, le président sachant bien qu’il a promulgué une loi dont le gouvernement se dit de ne pas s’y reconnaître, a tenu à renouveler à son Premier ministre toute sa confiance pour l’aider à mener à bord le bateau Mali. Alors, ceux qui, de toutes pièces, ont commandité ce que nous pourront qualifier de holdup constitutionnel, vont devoir prendre encore leur mal en patience puisque, apparemment la démission du docteur Choguel kokalla Maïga de la primature n’est pas pour demain. Il ne démissionnera pas et ne doit même pas y penser en ce temps où le pays se trouve dans une situation très délicate. Le Mali est trop avancé dans sa résistance contre les crocodiles pour s’arrêter en si bon chemin en pleine mer.
Alors, ceux qui ont pensé qu’en créant cette crise institutionnelle qu’ils allaient mettre dos à dos le président et son Premier ministre afin d’avoir la démission de ce dernier, il apparaît évident qu’ils se sont tirés eux-mêmes la balle aux pieds. Parce qu’au final, même si la loi a été promulguée, le président a renouvelé toute sa confiance à son imperturbable Premier ministre. Alors, après avoir fini de s’exalter parce que croyant avoir terrassé le Premier ministre, et quand la raison prendrait le dessus sur les passions et qu’ils se mettent à bien réfléchir, à mener une analyse critique sans complaisance sur cette loi électorale qu’ils viennent eux-mêmes de voter, et quand ils prendront conscience de leurs propres erreurs, qu’ils ne viennent pas pleurnicher après en criant à l’autocratie des militaires.
Daouda DOUMBIA