La crise migratoire qui secoue l’Europe depuis plus d’une décennie a profondément marqué le paysage politique et social du continent. Depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en Libye en 2011, les flux migratoires en provenance d’Afrique ont connu une augmentation significative. La déstabilisation de ce pays, qui jouait auparavant un rôle de verrou sur la route migratoire de la Méditerranée centrale, a ouvert la voie à des réseaux de passeurs organisés. Cette situation a engendré un afflux massif de migrants vers les côtes européennes, principalement en Italie et en Grèce, mettant à rude épreuve les systèmes d’accueil et d’asile de l’Union européenne.
Face à cette pression migratoire croissante, l’UE cherche à renforcer sa politique de gestion des flux et de retour des migrants en situation irrégulière. Une nouvelle approche se dessine, axée sur la restriction de l’octroi de visas pour les pays peu coopératifs.
Un durcissement ciblé de la politique des visas
L‘Union européenne envisage désormais de durcir sa politique en matière de visas envers certains pays, notamment africains, qui ne collaborent pas suffisamment au retour de leurs ressortissants en situation irrégulière. Cette stratégie vise à exercer une pression diplomatique sur les gouvernements réticents à réadmettre leurs citoyens expulsés d’Europe.
Parmi les pays potentiellement concernés, on peut citer certains États du Maghreb, comme le Maroc ou l’Algérie, qui ont parfois montré des réticences à faciliter le retour de leurs ressortissants. Ces pays, historiquement liés à l’Europe par des accords de coopération, se trouvent aujourd’hui dans une position délicate, entre la volonté de maintenir de bonnes relations avec l’UE et les pressions internes liées aux difficultés économiques et sociales.
La Commission européenne, sous l’impulsion de sa présidente Ursula von der Leyen, propose une législation visant à « rationaliser efficacement le processus de retour ». Cette approche inclut la mise en place d’une reconnaissance mutuelle des décisions d’expulsion entre États membres, afin d’éviter que les migrants ne profitent des disparités entre les systèmes nationaux pour échapper aux procédures de retour.
Vers une stratégie globale de gestion migratoire
Au-delà de la simple restriction des visas, l’UE cherche à développer une approche plus large et intégrée de la gestion des flux migratoires. Cette stratégie passe par le renforcement des partenariats avec les pays d’origine et de transit des migrants, notamment en Afrique du Nord et en Afrique subsaharienne.
Des accords ont déjà été conclus avec des pays comme la Libye et la Tunisie pour tenter de freiner les départs vers l’Europe. Ces partenariats, qui combinent aide au développement, formation des garde-côtes et renforcement des contrôles aux frontières, ont permis de réduire significativement les arrivées par la Méditerranée centrale. Cependant, cette approche a également suscité des critiques, notamment concernant les conditions de détention des migrants en Libye.
L‘Union européenne envisage maintenant d’étendre ces partenariats à d’autres pays, comme la Mauritanie, pour faire face à l’augmentation des flux migratoires vers l’Espagne via la Méditerranée occidentale et l’Atlantique. Cette stratégie globale vise à agir en amont des flux migratoires, en s’attaquant aux causes profondes de l’émigration dans les pays d’origine.
La politique des visas comme levier diplomatique
L’utilisation de la politique des visas comme outil de négociation diplomatique n’est pas nouvelle, mais son application dans le cadre de la gestion migratoire marque un tournant dans les relations entre l’UE et les pays africains. Cette approche soulève des questions sur l’équilibre entre la nécessité de contrôler les flux migratoires et le maintien de relations diplomatiques et économiques constructives avec les pays concernés.
Le cas du Ghana, cité par Ursula von der Leyen, illustre l’efficacité potentielle de cette stratégie. L’alignement de la politique des visas sur les objectifs de gestion migratoire aurait permis de réduire les mouvements irréguliers vers l’UE en provenance de ce pays. Cependant, l’extension de cette approche à d’autres pays africains pourrait avoir des répercussions complexes sur les relations diplomatiques, les échanges économiques et les programmes de coopération existants.
La nouvelle politique européenne en matière de visas et de gestion migratoire reflète la volonté de l’UE de reprendre le contrôle sur ses frontières extérieures. Toutefois, elle souligne également les défis auxquels le continent est confronté pour concilier ses intérêts sécuritaires avec ses valeurs humanitaires et ses engagements internationaux. L’efficacité de cette approche et ses conséquences à long terme sur les relations euro-africaines restent à évaluer, alors que l’Europe cherche à naviguer dans les eaux troubles de la crise migratoire persistante.
Source: https://lanouvelletribune.info/