Lorsqu’on parle de viol, certains trouvent que la survivante doit tout de suite parler. Pourtant, ce que la victime a vécu est tellement traumatisant qu’il est parfois difficile pour elle de s’exprimer. Pour Samira Koultoum, qui a été survivante de viol, il faut permettre aux survivantes d’être suffisamment prêtes pour extérioriser l’enfer vécu.
Dans notre société, dès qu’un viol est signalé, les donneurs de conseils accule la survivante à parler pour que justice soit faite. Je trouve cette attitude hallucinante.
Mais, c’est quoi la justice pouvant être rendue à une femme qui a été agressée dans sa chair et dans son être ? Beaucoup me diront qu’il s’agit de mettre le violeur derrière les barreaux pour l’empêcher de faire vivre le même enfer à une autre femme. C’est normal et surtout très raisonnable. Je suis désolée, mais ce calvaire n’a rien à voir avec la raison.
Être violée va au-delà de l’agression physique et des séquelles psychologiques qui s’ensuivent. Le viol est la pire chose qui puisse arriver à une fille. C’est un cauchemar redondant. Cet enfer ne quitte jamais la femme. Souvent, notre cerveau fait juste une pause pour nous permettre de souffler un peu.
Des images récurrentes
Vous fermez les yeux et tout vous revient : son corps répugnant sur le vôtre, la force surhumaine avec laquelle il vous empêche de partir, vos hurlements qui se mélangent à ses gémissements qui deviennent par la suite un effet sonore traumatisant à vie. Vous repensez à votre faiblesse, votre incapacité à vous protéger. Et enfin, cette horreur, cette douleur qui en vaut mille. Cette sensation épouvantable que rien au monde ne pourra vous faire oublier. Cette douleur vous fera craindre la pénétration pendant toute votre vie.
Ce cauchemar vous amène par la suite à détester votre propre personne, à vous en vouloir d’avoir été si faible. Il vous arrivera d’être complètement dégoûtée par votre corps, de le sentir répugnant pour toujours.
« La pauvre fille violée »
Ceux qui ne savent rien du viol vous poussent à en parler précipitamment, comme si c’était une chose aisée. Même s’il y a justice, le violeur est condamné, la survivante continue toujours de subir les affres de ce qu’elle a vécu.
Le monde entier commencera à vous regarder, à vous parler autrement. Vous deviendrez à jamais « la pauvre fille violée », une étiquette qui ne vous quittera jamais. Les regards des autres, les mots chuchotés, ces personnes qui vous montrent du doigt chaque fois qu’elles vous voient. Pire, certains diront que c’est la faute à la fille, parce qu’elle était mal habillée.
Après toutes ces pressions, pensez-vous sincèrement que parler c’est rendre justice à la survivante ? Laissez-nous en parler lorsque nous seront prêtes. Nous avons besoin de temps pour partager avec les autres l’enfer vécu. Comprenez-nous.
Source : Benbere