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Vie chère, protection des consommateurs… : le président de l’ALCOM alerte et interpelle

’La Grande interview du mois’’, votre rubrique mensuelle de l’hebdomadaire d’analyses, d’enquêtes et d’informations générales ‘’Ziré’’, reçoit Abdoulaye Ballo, président de l’Association Libre des Consommateurs du Mali (ALCOM). Dans ce face-à-face, réalisé le 24 juin 2021, nous abordons la question relative à la flambée des prix des denrées alimentaires. Lisez plutôt !

 

Bonjour monsieur le président ! Présentez-vous à nos chers lecteurs.

Abdoulaye Ballo : Je m’appelle Abdoulaye Ballo, je suis le président de l’Association Libre des Consommateurs du Mali (ALCOM).

Parlez-nous d’abord des rôles et missions de l’Association Libre des Consommateurs du Mali (ALCOM).

Je dirais que notre association a un rôle transversal, en ce sens que nous intervenons dans tous les domaines, en dehors de la Cybercriminalité. Notre champ d’intervention est surtout commerce et service.

Alors dites-nous, quelles sont les grandes actions que vous avez entreprises jusqu’ici ?

L’ALCOM, de sa création à nos jours, a mené beaucoup d’actions. Aujourd’hui, quelqu’un peut dire qu’il ne connaît pas ses responsables, mais il ne peut pas dire qu’il n’a jamais entendu parler d’ALCOM. Je suis sûr que, sur cent (100) personnes, au moins quatre-vingt-cinq (85) connaissent déjà ALCOM, la forme abrégée d’Association Libre des Consommateurs du Mali. Depuis sa création il y a à peine trois ans maintenant, nous travaillons à améliorer les conditions de vie des populations maliennes. Quand je suis venu de la Guinée Conakry où j’ai eu la chance d’être le président d’une des associations des consommateurs et coordinateur des associations régionales pendant cinq ans, j’ai décidé de mettre toutes ces expériences au service de mon pays et de mes concitoyens.

Alors, je dirais que de sa création à nos jours, l’association a mené des actions concrètes conformément à ses objectifs. Je peux, par exemple, citer le cas de la société ‘’Malilait’’ que nous avons attaquée devant la justice. Parce qu’elle ne mettait pas les dates de fabrication et d’expiration sur ses produits consommés par la population. Aujourd’hui, je suis satisfait de cette lutte que nous avons menée, car depuis notre procès, Malilait est en règle et les boutiquiers nous témoignent que la qualité du produit a changé. Les mêmes boutiquiers nous précisent que ledit lait peut-être longtemps conservé, ce qui n’était pas le cas auparavant.

Deuxièmement, nous avons attaqué Shell devant la justice. Parce que là aussi, il y avait un sérieux problème. A l’époque, quand tu achetais dix (10) litres à la station Shell on t’en mettait seulement sept (07). Beaucoup ne s’en rendaient pas compte, mais nous avons mené des enquêtes et nous avons découvert qu’effectivement il y avait ce problème.  Aujourd’hui, Shell et beaucoup d’autres stations-services se sont mises en règle grâce à notre lutte.

En plus de cela, nous avons récemment attaqué la SONATAM qui est en train d’aggraver la situation des fumeurs. D’abord, nous sommes contre la fabrication même de la cigarette, mais aller jusqu’à faire sa publicité, c’est encore plus grave. Certes, nous ne pouvons pas les empêcher de fabriquer de la cigarette, mais nous ne pouvons pas non plus accepter l’apologie du produit qui sert à  attirer de nouveaux clients à la mort. Donc, nous venons d’attaquer la SONATAM au tribunal du commerce et nous sommes en attente du verdict. On avait aussi attaqué l’EDM-Sa concernant l’éclairage public. On a dit qu’on n’est pas d’accord avec le fait que le prix auquel l’EDM est en train de vendre l’électricité aux consommateurs, ne respecte pas le barème fixé par la loi. Mais, ce procès a été déclaré sans suite et nous sommes en train de nous préparer pour aller en appel. Donc, nous sommes intervenus dans beaucoup de sujets, dans beaucoup de situations, jusqu’au problème des matelas casses.

Actuellement, je suis en train de préparer une lettre pour informer les autorités, surtout l’Institut d’Economie Rurale (IER) qui s’occupe de nos semences. Il faut savoir une chose, les Blancs ont réussi à nous dominer sur beaucoup de plans, y compris sur les plans militaire et économique. Maintenant, ils veulent nous retirer notre indépendance alimentaire et cela est extrêmement dangereux.

 Expliquez-nous mieux la situation relative aux semences ?

On nous impose des types de semences appelés OGM (organismes génétiquement modifiés). Avec ces OGM, quand vous semez cette année, il faut encore en acheter pour le prochain hivernage. Alors qu’on peut réserver nos semences traditionnelles pendant plus de quarante, cinquante ans, sans problème. Et bizarrement, des projets sont là maintenant pour faire disparaître nos semences au profit des OGM. Aujourd’hui, politiquement et financièrement, nous dépendons déjà des Blancs, mais le jour où nous dépendrons d’eux sur le plan alimentaire, ce sera notre fin. Parce que là, ils auront le contrôle total sur nous. Donc, j’alerte et j’interpelle les autorités face au danger d’une colonisation sur le plan alimentaire.

Aujourd’hui, nous parlons de la vie chère, mais quand toutes nos races de semences vont disparaître au profit des OGM, ce sera la mort pour nous. Il nous faut être extrêmement prudents. Voilà pourquoi, je suis en train de préparer cette lettre pour alerter l’IER, l’APCAM, le ministère de l’Agriculture et celui de l’Environnement, sur toutes ces situations. Donc, comme je l’ai dit tantôt, nous sommes une association transversale qui agit dans tous les domaines. Voilà pourquoi, nous élargissons nos contrôles sur tout y compris même ceux qui travaillent dans les usines dont les droits sont bafoués. Nous leur accordons de l’accompagnement en les orientant vers l’inspection de travail. Ce qu’il faut noter, c’est que nous sommes une structure de veille, de constat et de dénonciation à qui de droit. Donc, notre rôle est de défendre l’intérêt général des consommateurs du Mali pour le plus grand bonheur des Maliens.

Monsieur le président, actuellement les consommateurs maliens sont confrontés à une flambée de prix de denrées de premières nécessités, dites-nous comment comprendre cela et qu’est-ce que l’ALCOM fait pour plaider la cause des populations ?

Merci beaucoup pour cette question. Tout d’abord, il faut que les populations sachent que nous sommes permanemment en contact avec le ministère du Commerce et de l’Industrie depuis le gouvernement passé. Aussi, sommes-nous permanemment en contact avec les services techniques concernés pour pouvoir tout faire afin de ramener les prix des denrées de premières nécessités aux prix normaux. C’est-à-dire aux prix habituels ou du moins à des prix raisonnables.

Effectivement, cette flambée n’est cachée à personne, mais il faut comprendre  qu’il y a des raisons. Les raisons pour les deux dernières années peuvent être liées à la pandémie de COVID-19. Il faut aussi savoir que les produits qu’on importe ne sont plus à leurs prix habituels. Depuis l’extérieur, tout a augmenté. Par exemple, les produits qu’on pouvait avoir à 10 euros dans le passé sont désormais à 30, jusqu’à 35 euros ou alors valent de 30 à 35 dollars au lieu de 10 dollars. Donc, quand le prix augmente à l’extérieur, aussi bien que les frais de transport, cela devient un problème au niveau du pays de consommation. C’est ce qui peut expliquer, en partie, cette flambée de prix au Mali.

Au Mali, parmi les produits de grande consommation, il faut compter le riz et jusqu’à présent le gouvernement a pu en maîtriser le prix. Parce que le ministre du Commerce a dit que le prix du kilo du riz ne doit pas dépasser les 350 francs CFA pour ce qui concerne le riz importé non parfumé que le gouvernement a subventionné. On peut aussi parler du sucre importé : le ministre a précisé que le prix plafond est à 500 francs CFA le kilogramme. Selon nos constats, ce prix est actuellement respecté sur le marché. Cependant, les prix de certains produits ne sont pas du tout respectés sur le marché. C’est le cas de l’huile. Fixé à 650 francs CFA par le gouvernement, le prix de l’huile a grimpé jusqu’à mille 1000f francs CFA, le litre.

On voit aussi que l’huile Dinor importée qui vient généralement de la Côte d’Ivoire dont le gouvernement a fixé le prix du litre à 900 francs CFA, coûte par endroits entre 1100 et mille 1200 francs CFA. Je rappelle que c’est surtout le prix de la viande qui est actuellement excessif, selon nos enquêtes et cela est déplorable. Le Mali est un pays de grande production de bœufs et le prix de la viande ne devrait pas augmenter jusqu’à ce niveau. Cependant là aussi, il y a des explications, ce qui ne veut pas dire que nous trouvons la situation normale, bien au contraire. L’explication qu’il y a, c’est que la majeure partie de nos bétails, notamment les bœufs, vient du nord et du centre du pays et cette zone est aujourd’hui en proie à l’insécurité. C’est la raison pour laquelle vous trouverez que tous les grands éleveurs de bœufs sont allés près des frontières d’autres pays. Cela fait que souvent le prix de la viande devient plus abordable dans certains pays voisins que chez nous ici au Mali.

En plus, il y a les difficultés pour acheminer les bétails dans les grandes villes. Des animaux sont souvent perdus dans des attaques. Donc, il faut nécessairement prendre des mesures pouvant pallier tous ces aléas. Souvent, on entend les gens dire que l’État laisse les bétails sortir de nos frontières. Ce n’est pas tout à fait le cas. Certainement, les vendeurs trouvent des moyens pour échapper aux contrôles et pour contourner les services de contrôle des frontières. Mais, ce qui est vrai, c’est que l’insécurité a un impact colossal sur le prix des denrées de premières nécessités.

Cependant, il n’y a pas longtemps nous avons rencontré les acteurs de la filière tels que les bouchers, les vendeurs de bœuf… et chacun a donné une explication. Après cette rencontre, nous avons dit au gouvernement, sur la demande des consommateurs, qu’il faut que le prix de la viande revienne à 2200 francs CFA le kilo, parce qu’actuellement, le prix du  kilo de la viande sans os a augmenté jusqu’à 6 500 francs  par endroits dans le District de Bamako et cela est vraiment exagéré. Mais en dehors du District de Bamako, environ à une centaine de kilomètres, le kilo de la viande est souvent cédé à 1 800 francs ou même à 1 700 francs CFA. En réalité, nous avons fait des enquêtes un peu partout et c’est cela qui nous a permis d’avoir ces informations.

Il est aussi important de souligner que l’ALCOM et le gouvernement sont en train de faire des efforts ensemble pour que le prix de la viande puisse revenir à la baisse. Nous avons écouté un peu toutes les parties prenantes et l’actuel ministre du Commerce et de l’Industrie a été très clair envers le peuple en disant que le vœu du Premier ministre, Dr Choguel Kokalla Maïga, et celui du président de la transition, Col. Assimi Goïta, est que le prix revienne à 2 200 francs. Mieux, le gouvernement est prêt à subventionner pour que le prix à ce niveau. Là où il faut insister, c’est de dire que pour lutter contre la vie chère, il faut qu’on se donne la main pour accompagner le gouvernement dans ses initiatives. Moi personnellement, je vous le dis, aucun président ne vient dans le pays pour empirer expressément la situation des citoyens et le gouvernement actuel nous a témoigné de sa bonne volonté sur ce point. Certains penseront peut-être que nous, défenseurs des consommateurs, sommes corrompus, mais ce n’est pas le cas. Je dis cela parce que je suis un peu témoin de tout. Donc, il est aussi bon de dire ce qui est vrai. Ce que nous voulons, ce n’est pas de faire sortir nos muscles ou de faire du tapage. Non. Nous voulons surtout des résultats, nous voulons que la situation change. Pour ce faire, il faut diagnostiquer le problème ensemble et trouver des initiatives efficaces qui touchent toutes les couches. Voilà notre combat.

Concrètement, qu’est-ce qu’on peut espérer dans un bref délai parce que la situation, elle est alarmante ?

Je dirais aux gens de garder espoir. Ce qui est sûr, il y aura du changement et très prochainement. Nous avons touché tout le monde et l’État est en train de prendre des dispositions parce qu’eux aussi ont rencontré tous les acteurs de la filière. Que ce soit l’huile ou tous les autres produits alimentaires et même au-delà. En effet, nous avons aussi eu des discussions autour du ciment qui est prise en compte dans les démarches. Plus concrètement, pour ce qui concerne la viande, le prix va baisser et ce n’est qu’une question de jours. A la fin de ce mois, la flambée du prix de la viande ne sera qu’un mauvais souvenir.

Vous avez loué les actions de l’État, mais une action n’est jamais trop grande. Quel est votre cri de cœur à l’endroit du gouvernement actuel en tant que président d’une association des consommateurs ?

En tant que président d’une des organisations des consommateurs, je demande aux autorités de penser aux consommateurs maliens. C’est vrai, le Mali a de nombreuses ressources naturelles comme l’or, le diamant, le gaz, et bien d’autres encore, mais la priorité doit être de faire en sorte que les consommateurs n’aient pas faim. Il faut que le ventre soit plein. Comme on le dit souvent chez nous ‘’Celui qui n’a rien dans le ventre n’entend rien et il réfléchit moins’’.

Donc, l’État doit faire en sorte que les Maliens puissent avoir à manger à moindre coût. C’est d’ailleurs bon pour le développement à tous les niveaux. Beaucoup de jeunes aujourd’hui s’intéressent au secteur agropastoral : agriculture, élevage et pêche. Cela explique une certaine prise de conscience et il revient à l’État d’accompagner ces initiatives pour que ces initiatives puissent contribuer à l’autosuffisance alimentaire. Donc, nous demandons à tous les dirigeants, que ce soit ceux de maintenant ou ceux qui vont venir, de donner la priorité à l’alimentation. Nous savons tous que le revenu moyen d’un Malien est très peu et qu’avec le prix de la viande à 3 000 ou 3 500 francs CFA le kilo, ce n’est pas tout le monde qui pourra en trouver à manger et cela est regrettable dans un pays comme le Mali. Nous demandons de penser d’abord au panier de la ménagère et de le revoir à la baisse, surtout de mettre les cultivateurs dans les meilleures conditions, en leur donnant de la considération et en les accompagnant.

Aussi, comme cri de cœur, je voudrais évoquer quelque chose dans votre journal. Il faut que les Maliens comprennent que la vie chère au Mali est, à 85%, due à la crise au nord et à ses répercussions sur le centre. Mais, beaucoup ne comprennent pas cela et nous le disons à haute voix. Aujourd’hui, nos opérateurs sont obligés d’aller acheter le blé en Russie pour venir le transformer en farine afin qu’on puisse avoir des aliments comme le pain, parce qu’il y a l’insécurité au nord qui est un grand centre de production de blé. Le blé réussit énormément bien au nord, tout comme le riz et la pomme de terre. Alors qu’est-ce qu’on constate maintenant ? Quand les gens cultivent leurs champs, au moment de la moisson, les bandits armés y mettent du feu. Pire encore, ils partent dans les villages avoisinants et ils mettent du feu aux réserves ou stocks. Même à Niono, ils ont de la difficulté à cultiver comme dans beaucoup d’autres zones. Donc, les Maliens doivent plus que jamais se mobiliser pour résoudre ce problème, pour lutter contre ce fléau, pour combattre ces bandits appelés terroristes, afin qu’ils puissent avoir la paix dans l’esprit et dans le cœur.

Sur ce point, de passage, j’engage la responsabilité de la France. C’est vrai, la responsabilité première revient à nos autorités, mais la France a été sollicitée pour nous aider dans cette lutte. Cette présence assez forte des forces françaises n’a rien changé dans la situation au Mali. Bien au contraire, elle n’a fait qu’aggraver la crise. Voilà pourquoi, je rejoins la lutte de ‘’Yèrèwolo debout sur les remparts’’, pour exiger le départ de l’armée française du territoire malien. Nous souhaitons que les autorités maliennes signent des accords avec ceux qui peuvent apporter une vraie aide à l’armée malienne pour assurer la sécurité du pays.

Interview réalisée par Amadou Kodio

Source : Ziré

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