Après une semaine au ralenti suite à la grève de 72h de l’UNTM, la vie reprend son semblant de cours normal. Pendant trois jours (du mardi au vendredi) administrations d’Etat, écoles, commerces et industries, banques et établissements financiers, centres de santé et hôpitaux… ont suivi à la lettre le mot d’ordre de leur syndicat.
Énième grève de plus dont le décompte pourrait donner des vertiges, fait divers ou sérieuse alerte au front social ?
La dernière en date fait suite à l’échec des négociations entre l’Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM) et le Gouvernement. La Centrale syndicale estime que le Gouvernement n’a pas réagi à temps pour entamer les négociations. Elle affirme qu’il s’agit de la part du Gouvernement d’une négligence, d’un manque de considération et d’un mépris à l’égard de son cahier de doléance déposé depuis le 2 mai 2018.
Selon Yacouba KATILE, secrétaire général de l’UNTM : «quinze jours après le dépôt du préavis de grève, il n y a eu aucune réaction du Gouvernement puisque, c’est le Ministre de la Fonction Publique qui devrait nous convoquer afin de mettre une Commission de conciliation. Cela n’a jamais été fait et voyant à quelques heures de notre ultimatum, aucun signe de bonne volonté, nous avons maintenu le mot d’ordre de grève des 9, 10 et 11 janvier 2019 ».
Pour sa part, le Gouvernement, à travers le ministre du Travail et de la fonction publique, chargé des relations avec les instituions, DIARRA Racky TALLA soutient que si la grève est un droit constitutionnel garanti au Mali, la loi ne lui fait aucune obligation d’entamer les négociations 15 jours avant la grève. Le Gouvernement a respecté la loi qui dit : ‘’dans l’intervalle des 15 jours le gouvernement et les parties sont tenus de dialoguer, de négocier, et les négociations doivent être sanctionnées soit par un PV de conciliation soit par un procès-verbal de non conciliation’’. Pour elle, le Gouvernement est conforme à la loi dès qu’elle ouvre les négociations à 48 heures de l’expiration du préavis.
‘’Toutes choses étant égales par ailleurs’’, certes, mais la loi 87 – 47/AN-RM du 10 août 1987 portant exercice du droit de grève dans les Services publics n’indique aucun délai au Gouvernement pour la mise en place de la Commission de Conciliation ‘’par arrêté du Ministre chargé du travail sur proposition conjointe du Ministre intéressé et de l’organisation syndicale la plus représentative sur le plan national’’ ». L’Article 4 de ladite loi se contente uniquement d’indiquer que ‘’la procédure de conciliation est engagée par le président de la Commission de conciliation qui, dans ce cas, invite chaque partie à désigner sans délai deux représentants aux fins de favoriser le règlement amiable du conflit ».
Sur la question, au change de la bonne foi, la redondance ne plaide pas en faveur du gouvernement.
D’une part, ce n’est pas la première fois que le gouvernement est accusé de négligence et de mépris par les partenaires sociaux. Pour ne donner que le seul exemple de la grande grève des magistrats dont l’une des causes est aussi le « mépris du gouvernement » que les deux syndicats (SAM et SYLIMA) ont brandi. Or, pour un climat social apaisé, les partenaires sociaux se doivent mutuellement respect, considération et tenir leurs engagements.
D’autre part, en fixant un délai de 15 jours minimum entre le dépôt du préavis et le jour de la grève, le législateur a voulu donner un temps raisonnablement suffisant aux parties pour se concilier. Conciliation qui ne peut intervenir que dans le cadre d’une Commission mise en place par la partie gouvernementale. Or, dans le cas présent, celle-ci a donné du temps au temps pour ne laisser que 48 heures à la conciliation pour un cahier de doléance comprenant 12 points. Le gouvernement a-t-il sous-estimé les points de revendication de l’UNTM ou n’avait-il simplement pas la volonté d’ouvrir avec cette dernière les négociations parce qu’il savait qu’il ne pouvait pas les satisfaire ?
L’élan de sincérité de Mme la ministre du Travail et de la fonction publique, chargée des relations avec les instituions, Diarra Racky Talla qui affirme sur Mikado Fm que «même en période normale, l’Etat n’a pas les moyens de supporter toutes ces revendications » sonne un aveu de la part d’un gouvernement qui vante quotidiennement ses performances. Aussi, quoique digestes, les contraintes mises avant, le coaching gouvernemental, en la matière, mériterait un sérieux recadrage en attendant de voir le casting dans sa globalité. Parce qu’en matière de revendications sociales, les exigences communautaires (l’UEMOA impose 35% du PIB pour les salaires) ne peuvent paraître que comme des prétextes qui peuvent difficilement émouvoir le dernier des syndicalistes. Pour cause, l’UNTM qui ne désarme pas face à ce qu’elle appelle le mépris du gouvernement annonce son intention de déposer un autre préavis à la suite de cette grève.
La montée du mercure dans le thermomètre social avec les grèves mal gérées et préavis qui s’accumulent (63 en 2015, 71 en 2016, 84 en 2017 et 81 en 2018) doit interpeler sur la nécessité d’une décrispation et d’un apaisement sur ce front. Parce que le pire à craindre, c’est de voir les syndicats se radicaliser et faire jonction avec toutes les forces négatives, un peu comme les gilets jaunes en France. Or, le Gouvernement a plus que jamais besoin des syndicats, lui qui compte sur leur accompagnement pour tenir sa Conférence sociale.
PAR BERTIN DAKOUO
Source: info-matin