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Un jour, un événement, Coupe d’Afrique des clubs champions : À Yaoundé, le Réal et «Domingo» sans pitié pour Oryx de Douala

Nous sommes le 30 octobre 1966 : sous la houlette de Salif Keïta «Domingo» auteur d’un quadruplé, le Réal domine Oryx de Douala (4-2) à Yaoundé en demi-finale aller de la deuxième édition de la Coupe d’Afrique des clubs champions. Deux semaines plus tard, les Réalistes remettent ça, en s’imposant 3-2 au stade Modibo Keïta, se qualifiant ainsi pour la finale de la prestigieuse compétition. Voici le compte-rendu de Pierre Capmas

 

Devant un public évalué à 10.000 spectateurs et de nombreuses personnalités dont le vice-président de la République et le Premier ministre de la République fédérale du Cameroun, le Réal de Bamako s’est imposé irrésistiblement par 4 buts à 2 devant Oryx de Douala qui a frôlé la catastrophe et sans l’aide de l’arbitre en première période, serait déjà arrivé à la mi-temps avec un passif de 3 buts. Il faut dire tout d’abord que deux jours avant le match, et alors qu’il pleuvait depuis un mois, le temps s’était levé et grâce au soleil, le terrain avait pu sécher, ce qui paraissait difficile la veille du match.

LA PARTIE- Après la présentation des deux équipes aux personnalités et l’exécution des hymnes nationaux, c’est Oryx qui engage, mais le Réal s’empare vite de la balle. Sur une jolie passe d’Idrissa Kanté, Salif Keïta «Domingo» tire de 7 à 8 mètres, mais un défenseur camerounais dévie la balle en corner. Dans l’espace de ces six premières minutes, le Réal qui impose son jeu obtient deux corners qui ne donnent rien. Peu après, une très belle action d’Idrissa Kanté, qui jongle avec la balle au milieu de trois adversaires, soulève les applaudissements du public.

Mais Oryx se reprend et obtient un corner à son tour. Les attaques du Réal s’avèrent très dangereuses. Sur l’une d’entre elles «Domingo» s’infiltre sur la gauche, sert Idrissa Kanté qui tire et marque, mais l’arbitre refuse le but pour hors-jeu. Ce n’est que partie remise car «Domingo» quoique serré de près par Mounkoko, se révèle en très grande forme et perce chaque fois qu’il est mis en possession de la balle. Dans un espace très réduit, il évite successivement trois joueurs, et son tir expédié de 7 à 8 mètres ne laisse aucune chance à Tokoto. Réal : 1, Oryx : 0.

Oryx réagit et sur un envoi d’Ebelé, Sidiki Sacko effectue une très belle déviation en corner au-dessus de la transversale. Oryx se fait pressant, mais les attaques maliennes sont très dangereuses. Suite à un une-deux Domingo-Kanté, celui-ci en excellente position de tir, temporise et manque le but, la balle étant dégagée in extremis en corner. Le corner très bien tiré par Idrissa Kanté est magnifiquement repris de la tête par Salif Keïta «Domingo», qui marque le deuxième but à la 21è minute de jeu. Réal : 2, Oryx : 0.

Oryx modifie sa défense où Mounkoko passe à la place d’Epete. Les joueurs de Douala forcent l’allure et font de très grands efforts pour passer, mais la défense malienne est intraitable et les avants maliens jettent l’affolement dans la défense camerounaise chaque fois qu’ils sont en possession de la balle. Prenant la balle sur la droite, Domingo se rabat vers le centre, évite deux joueurs et tire. Tokoko est battu, la balle heurte la barre transversale, rebondit sur le sol à l’intérieur du but et revient en jeu.

L’arbitre siffle, le juge de touche indique le centre du terrain, mais l’arbitre se reprend, consulte son juge de touche qui revient sur sa décision et en définitive, étant donné qu’il avait sifflé, ordonne un entre-deux ! Si nous avons souligné plus haut : à l’intérieur du but, ce que nous étions particulièrement bien placés pour juger avec nos collègues camerounais, lesquels reconnaissaient sportivement que le ballon avait bien rebondi derrière la ligne. Peu après, à la 39è minute de jeu, l’arbitre prend une nouvelle décision stupéfiante. Alors que Sidiki Sacko a bloqué sa balle en plongeant devant sa ligne de but et qu’il garde la balle sous lui, l’arbitre estime qu’il a franchi la ligne ! Les joueurs maliens protestent mais l’arbitre maintient sa décision. Réal : 2, Oryx : 1.

La fin de la première période intervient peu après. Dès le début de la seconde mi-temps, Oryx presse le Réal sur ses buts, mais la défense malienne ne s’affole jamais, éloigne le danger à tout coup, tandis que les contre-attaques maliennes sont extrêmement dangereuses. Sur une balle en profondeur de Toumani Sissoko, «Domingo» prend de vitesse Moukoko, évite Tokoko venu à sa rencontre et marque dans les buts vides à la 55è minute de jeu. Réal : 3, Oryx : 1.

Malgré ses efforts, Oryx ne parvient pas à passer, et à la 65è minute de jeu, sur une jolie passe d’Idrissa Kanté, Salif Keïta «Domingo» bat à nouveau Tokoto d’un tir croisé. Réal : 4, Oryx : 1. à partir de ce but, le Réal va temporiser, garder la balle tout en conduisant deux attaques dont Idrissa Kanté, fatigué et manquant de compétition, manque la conclusion d’extrême justesse. Oryx domine nettement mais devant une défense regroupée, ne parvient pas à passer. Cependant à trois minutes de la fin, à la suite d’un cafouillage devant les buts du Réal, Moukoko, passé en attaque, marque de près. Réal : 4, Oryx : 2. Peu après l’arbitre siffle la fin du match.

LE JEU ET LES JOUEURS- Compte tenu de l’état du terrain sur lequel de la terre et du sable avaient été apportés le matin même du match, la rencontre fut de bonne qualité. Les deux équipes ne fermèrent jamais le jeu, bien au contraire, et les occasions de but furent très nombreuses, surtout du côté du Réal. Le Réal opéra selon son 4-2-4 habituel, tandis que Oryx qui débuta en 4-2-4, joua par la suite le béton avec Moukoko en bétonneur, Epete étant passé en attaque. Par la suite, lorsque le score fut de 4-1, Oryx modifia encore son système, en se portant massivement en attaque.

LES JOUEURS- Oryx fut loin de fournir sa partie habituelle, mais s’il est possible que certaines défaillances individuelles y aient contribué, la raison essentielle réside dans la grande partie fournie par le Réal de Bamako. Tokoko, le gardien de but, parut lourd et sans reflexes. En défense, seuls Priso-Kunts et Moukoko parvinrent à faire leur partie. Epete fut franchement mauvais, Ndjoh moyen, ainsi que Djoky; Mbappé accomplit un gros travail de liaison mais ne fit qu’une partie moyenne. Devant, J. P. Tokoto a des qualités, mais ne parvint jamais à s’imposer ainsi qu’Ebele qui vaut mieux que son match. N’King passa inaperçu et à côté de bonnes actions, Eleme manqua de réalisme.

Au Réal, «Domingo» fut incontestablement le meilleur. Non seulement «Domingo» a marqué 4 but à Yaoundé, mais il en eut un cinquième refusé, et sans la fatigue d’Idrissa Kanté, il est certain que Domingo aurait encore marqué deux ou trois autres buts. Devant le public camerounais qui l’attendait avec impatience, mais qui comptait sur Mbappé et Moukoko pour le contrer, Domingo a fait un très grand match, l’un des meilleurs que nous lui ayons vu jouer.

Dans son style coulé, élégant, facile, Domingo a constitué un danger permanent pour Oryx et quoique suivi par un adversaire durant tout le match, il parvient à s’imposer avec aisance. Mais si Domingo mérite des éloges spéciaux, toute l’équipe du Réal est à créditer d’un excellent match. Sidiki Sacko se confirme comme un grand gardien de but. Il détourna deux tirs en corner de façon splendide, notamment en 2è période un tir extraordinaire de Moukoko.

Aliou Bocar Diallo, Fatogoma Ouattara et Adama Camara furent remarquables. Labass Diakité, qui manqua d’entraînement et qui ne fut incorporé dans l’équipe que le dimanche matin, eut un début de match très difficile, mais se reprit bien par la suite. Ousmane Traoré et Toumani Sissoko abattirent un travail considérable et en première période Ousmane Traoré fut absolument remarquable. Devant, Moctar Maïga qui remplaçait Adama Haïdara malade, fit ce que l’on attendait de lui. Idrissa Touré «Nani» fit un très bon match, utilisant parfaitement ses balles et faisant de très bonnes ouvertures à ses partenaires. Idrissa Kanté eut un début de match extraordinaire, mais faiblit beaucoup par la suite.

À sa décharge, il faut dire qu’Idrissa Kanté manquait de compétition puisqu’il n’avait pas joué depuis trois mois. Il ne fait pas de doute qu’avec un Idrissa Kanté entraîné, le Réal, dimanche à Yaoundé, aurait marqué deux ou trois buts de plus. Mais ne nous plaignons pas. Devant Oryx de Douala qui est une grande équipe et sur le terrain de l’adversaire, le Réal de Bamako a fait la preuve à Yaoundé qu’il était lui aussi une grande équipe et que quelle que soit la valeur de l’équipe qui lui sera opposée, celle-ci devra compter avec lui.

Pierre CAPMAS

Les deux équipes

Oryx de Douala : Rodolphe Tokoto, Priso-Kunts, Epete, Djoky, Moukoko, Ndjoh, Mbappé, Nking, Ebele, J.P. Tokoto, Eleme.

Réal de Bamako : Sidiki Sacko, Labass Diakité, Adama Camara, Fatogoma Ouattara, Aliou Diallo, Toumani Sissoko, Ousmane Traoré, Moctar Maïga, Idrissa Kanté, Salif Keïta «Domingo», Idrissa Touré «Nani».

Source : L’ESSOR

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