Il a dit : «Pas de grade pour ceux qui b… les femmes de leurs camarades»
«Colonel Youssouf Traoré ne voulait pas lâcher» – Capitaine Drissa Coulibaly ? «Un bandit de grands chemins»
«Aujourd’hui, le Général Sanogo dort tranquille !»
Il est lieutenant de l’armée malienne et fait office de chargé de communication auprès du Général Amadou Haya Sanogo. Mohamed Coulibaly, c’est son nom, est journaliste de formation. Il affirme avoir été témoin de la plupart des incidents et drames survenus depuis le 22 mars 2012 à Kati, y compris ceux du 30 septembre dernier. Dans un entretien téléphonique d’une trentaine de minutes, il nous a livré la version de son employeur dans les récents événements. Un témoignage poignant, on le devine, rendu avec la bénédiction du Général lui-même. Voici la synthèse de ses déclarations.
Le Lieutenant Coulibaly a tout d’abord regretté les drames récemment survenus lors de la mutinerie du 30 septembre dernier suivis des disparitions de personnes. «A la suite du Général Haya, Je déplore les morts et prie pour le repos de l’âme des défunts. C’est tout simplement regrettable que des frères d’armes, voire des frères tout court, se tirent dessus en ce moment crucial de la vie de la nation surtout quand l’ennemi se trouve ailleurs».
Ceci dit, poursuit-il, «le Général Haya n’est nullement responsable de ces drames». Et d’ajouter : «il n’a jamais pris une seule fois les armes depuis le coup d’Etat de mars 2012… Sa seule arme reste à présent son bâton… Il n’a jamais ordonné un quelconque massacre enlèvement. Jamais ! »
Parlant de l’affaire Boukary Daou, notre confrère du journal «Le Républicain», le porte-parole du Général se veut formel : «Par rapport à votre confrère Boukary Daou, je vous surprendrai en disant c’est le Général en personne qui a ordonné sa libération pure et simple. Et c’est justement, pour cette raison, qu’il y a une brouille entre Dioncounda et le ministre de la justice M. Malick Coulibaly. Approchez donc cet ancien ministre, il vous le concédera ! Le Général a estimé ce jour (j’étais dans la salle), que la détention d’un journaliste ne pouvait aucunement arranger la situation si elle n’était, au contraire, de nature à l’envenimer. Il a alors joué de son influence pour obtenir la libération de M. Daou. Il n’a jamais ordonné son arrestation. Jamais !»
Qu’à cela ne tienne, il a cependant fallu plusieurs audiences du tribunal pour obtenir l’abandon des poursuites, non ?
«Oui », rétorque notre interlocuteur, «c’est parce que le directeur de la sécurité d’Etat était en déplacement à l’extérieur du pays. Et la libération a trainé. Personne ne voulait prendre la responsabilité de le libérer en l’absence du chef. Et l’irréparable est arrivé. Le Général l’a profondément déploré».
Evoquant les relations avec les hommes politiques, le lieutenant Coulibaly affirme que c’est bien le Général qui a réconcilié Soumeylou et IBK. «Comme vous le savez, ce n’était pas la lune de miel entre les deux hommes».
Et d’ajouter que «beaucoup de gens ont défilé à Kati… Nous avions des caméras de surveillance et des caméras cachées. Nous avons les preuves».
Parlant du Colonel Youssouf Traoré aujourd’hui porté disparu, M. Coulibaly regrette fortement cette disparition et espère que l’intéressé soit encore en vie. Un chagrin qi ne doit cependant pas occulté la vérité, ajoute-t-il.
«Youssouf ne voulait pas le retour à l’ordre constitutionnel. Je me souviens lors d’une réunion qu’Haya a clairement dit qu’il faille impérativement retourner à la démocratie et à l’ordre constitutionnel. Le Colonel Youssouf Traoré a alors rétorqué qu’il n’en était pas question. Qu’il était impensable pour un militaire de rétrocéder le pouvoir aux civils immédiatement après un coup d’Etat. Ce jour là, il y a eu des injures graves dans la salle de réunion. La majorité des participants n’étaient pas d’avis avec Haya. Ils ont insisté et il a persisté… Haya a donné des instructions pour un retour à la vie constitutionnelle normale. Les Maliens ont trop souffert, ne cessait-il de répéter. Et il le disait à la faveur de toutes nos réunions… Et même lorsque les notabilités du pays sont allées le voir en vue de la libération des membres du gouvernement détenus, c’est lui qui a estimé ce jour, contrairement à la majorité des participants, qu’il ne pouvait outrepasser les injonctions de ses ainés et pères ; qu’il ne pouvait endosser la responsabilité d’être un enfant maudit. Ce n’était pas l’avis du colonel Youssouf, ce jour».
Que pense le porte-parole du Général à propos des cas de disparitions d’éléments du bataillon-para communément appelés «Bérets-rouges» ? Là aussi, précise-t-il, le Général n’a aucune responsabilité dans ces drames présumés.
«Je suis journaliste de formation et je suis soucieux du respect des normes du métier. Il n’est pas dans mon honneur que vous veniez me dire un jour que j’ai menti. Je vous dirai donc la vérité : Ce jour, ma voiture a été criblée de balles lorsque je descendais de Kati pour me rendre à l’ORTM afin d’y déposer un message. C’est pour vous dire que c’est Kati qui a été attaqué. Pas le camp-para. Et il fallait bien se défendre. Une question de survie ! Le Général Haya n’a jamais ordonné à quiconque de tuer qui que ce soit, encore moins les «bérets rouges», des frères d’armes, par surcroît. Certes, il y a eu des combats et des morts qu’il a lui-même déplorés. Ce qui est différent d’un crime et d’un assassinat. Lui aussi, aurait pu y laisser la vie. C’était donc une question de survie. J’insiste : Haya n’a jamais donné instruction de tuer qui que ce soit à la suite de ces malheureux événements! ».
Parlant du Colonel Diallo, grièvement blessé lors de la récente mutinerie, le lieutenant Mohamed Coulibaly précise : «J’y étais… C’est Ganda-Koy qui le tenait en joue mais c’est Moussa-ba qui a tiré. Et ce dernier n’avait pas l’intention de tuer. Il tirait à côté pour l’effrayer. Mais comme il est mauvais tireur, il l’a atteint sans le vouloir. Je me souviens encore ce jour que je suis l’un des rares témoins qui soit sorti par la porte quand Ganda Koy s’est pointé avec un fusil mitrailleur (F.M)».
Et par rapport à l’adjudant-chef Dramane Sissoko, chef de a Sécurité du Général, interrogeons-nous ?
«DRA m’était très proche. J’avais beaucoup d’estime pour lui. Et comme le cas des autres, je déplore sa mort. En parlant des faits, je dirai en toute honnêteté qu’il n’a jamais été le chef de la sécurité de HAYA comme on le prétend. Le chef de la sécurité est le capitaine B. Koné. Dra était plutôt un des cinq (05) chef de postes… Selon les rumeurs, il a été aperçu avec les mutins en détention d’armes au moment des faits».
– Des rumeurs, vous dites ?
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– «Je ne saurai affirmer avec certitude. Je suis journaliste. Je m’en tiens aux faits dont j’ai la certitude. C’est, en tout cas, ce qu’on m’a dit».
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Ceci expliquerait-il son exécution demandions-nous ?
«Je ne saurais le dire», ajoute notre interlocuteur.
Que s’est-il réellement passé avec les mutins ? Que voulaient-ils ?
Avant toute réponse, Monsieur Coulibaly note avec stupéfaction que tous [les mutins] ont été libérés«comme si le coupable était trouvé ailleurs».
Ceci dit, ajoute-t-il, «je peux témoigner, là aussi. Haya a été, on ne peut plus clair : il leur a clairement fait savoir que les grades se méritaient par leur présence au nord, pour défendre le pays. Pas à Bamako ! La promotion, c’est, a-t-il dit, à cette seule et unique condition ! Il a d’ailleurs fait augmenter les primes de 6.000 à 50.000 F CFA pour tous ceux qui iraient se battre. Et je témoigne qu’il y a, à ce jour 200 volontaires qui sont partis. A ceux qui se sont abstenus, il a dit ceci : «vous ne pouvez obtenir une quelconque promotion en restant ici juste pour b… les femmes de ceux qui y vont se battre ! Pas question ! Pas de vagabondage !» La majeure partie des mutins lui en veulent pour çà. Je dois dire que 80 % des récipiendaires (promus aux grades supérieurs) sont justement ceux-là qui sont partis se battre. Personnellement, je n’ai rien reçu, moi. J’estime que je ne le mérite pas».
Le Capitaine Amadou Konaré figure-t-il parmi les mutins libérés, avions-nous demandé ?
Pour Monsieur Coulibaly, «le capitaine Konaré est un officier que je respecte, un officier de valeur ! Quoique les autres pensent de lui, je le respecte. Je ne saurais dire s’il est responsable de quoi que ce soit lors de la mutinerie. Lui n’a pas été libéré. Je dois l’admettre. C’est, peut-être, mieux ainsi. Si sa sécurité dépend de sa détention, alors, pourquoi ne pas le garder en lieu sûr ?».
Au contraire du capitaine Konaré, le capitaine Drissa Coulibaly n’inspire pas confiance à notre interlocuteur. Le capitaine Drissa Coulibaly, c’est celui-là même à l’origine de «fracassantes déclarations» dans les colonnes de notre confrère «Le Sphinx».
«Drissa, un bandit de grands chemins », note avec amertume le lieutenant Coulibaly. «Il a semé le b… au Libéria suite à de nombreuses exactions sur les populations civiles et il est même recherché pour ces faits par les autorités du pays. J’ai fait le Libéria et j’en sais quelque chose. Il est à la tête d’une vingtaine d’homme, tous des mercenaires maliens. Il n’a jamais, une seule fois, franchi le seuil du bureau du capitaine Haya au moment des faits. Et lui, ne l’a jamais accueilli dans ses installations et il a toujours recommandé de le chasser des lieux. Je témoigne parce que j’étais présent… Cet homme qui se dit capitaine fait partie d’une machination pour salir le Général… Par ailleurs, il n’a jamais, jamais, été invité par le Général à une prétendue soirée avec le chanteur Dozo Sekoubani. Le Général le détestait même. Il ne lui faisait pas confiance».
Qu’en est-il du CNRDRE ? Le Général semble bien le contrôler, du moins, à en croire les mutins lesquels ont demandé son éviction. Pour le lieutenant Mohamed Coulibaly, jusqu’au 30 septembre 2013, date de la récente mutinerie, cela faisait déjà six (06) mois que le Général Haya ne fréquentait pas le siège du Comité (CNRDRE). Et pour cause. «Il ne pouvait y travailler paisiblement. Dire donc qu’il contrôlait là la situation, n’est pas fondé».
Et maintenant, que devient-il ? Est-il arrêté comme le prétendent certaines sources ? Réponse sans ambigüité de notre interlocuteur : «Il dort profondément, parce qu’il a la conscience tranquille. Il n’a rien à se reprocher. Rien, en ma connaissance. Autrement, je vous le dirai».
Entretien réalisé par B.S. Diarra