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Trois actions clés pour sécuriser le processus de maintien de la paix au Mali

De nombreux dysfonctionnements mettent en danger l’opération de maintien de la paix mené par la Minusma sur le territoire malien. Trois actions prioritaires permettraient d’y remédier.

  1. Placer l’armée malienne au cœur de la stratégie de contre-insurrection, aux côtés de la population, pour isoler les Groupes Armés Terroristes. 2. Renforcer la collaboration opérationnelle entre les autorités maliennes et la Minusma pour sécuriser durablement le théâtre des opérations. 3. Rétablir les institutions sécuritaires et judiciaires au niveau de l’Etat pour protéger la population d’elle-même.

La Minusma aura notamment permis : de poursuivre le dialogue entre le gouvernement du Mali et les groupes armés avec la signature d’un accord de paix en 2015 ; de mettre en œuvre le processus «Désarmement, Démobilisation, Réinsertion» ; de mieux prendre en compte les populations touchées par la crise, à travers plusieurs projets sociaux.

Malgré ces avancées, six ans après la mise en œuvre d’actions diverses, de nombreux dysfonctionnements sont apparus. La situation actuelle exige de dresser un état des lieux de la situation et de proposer des solutions. Nous identifions trois actions prioritaires à mener à bien pour sécuriser le processus de maintien de la paix.

Action 1 : Placer l’armée malienne au cœur de la stratégie de contre-insurrection, aux côtés de la population, pour isoler les groupes armés terroristes

De 2013 à 2018, avec près de 100 morts, la Minusma a perdu plus de militaires que la MONUSCO sur 20 ans. Le théâtre malien est devenu le plus meurtrier et le plus instable de toutes les missions onusiennes. Le nombre de morts dans la population civile et militaire a été multiplié par cinq en trois ans. Selon un rapport du groupe de recherche Armed Conflict Location & Event Data Project, 320 décès étaient imputables au conflit en 2016, 949 en 2017 et 1686 en 2018. L’accroissement du danger a eu pour conséquence d’aggraver l’instabilité de la situation globale. Selon les chiffres du gouvernement malien, l’insécurité alimentaire concerne désormais 5,2 millions de personnes contre 3 millions en 2015.

L’Unicef affirme par ailleurs, que 817 écoles sont restées fermées dans le nord et le centre du pays pour cause d’insécurité en 2018. De l’avis des cadres militaires, la privation de relais au sein de la population représente la solution la plus efficace pour isoler les groupes armés terroristes. Pour cela, il est crucial de mettre en œuvre une véritable stratégie de contre-insurrection, avec en première ligne l’armée malienne, qui devra renforcer la relation de confiance avec les populations locales.

Action 2 : Renforcer la collaboration opérationnelle entre les autorités maliennes et la Minusma pour sécuriser durablement le théâtre des opérations

Le manque de coordination entre les experts maliens et onusiens représente non seulement un dysfonctionnement interne majeur du dispositif de maintien de la paix, mais il est également à l’origine directe de l’isolement des forces armées et de drames qui pourraient être évités sur le théâtre des opérations. En mai 2014, les groupes armés ont mené une offensive à l’occasion de la visite du Premier ministre Mara à Kidal. L’attaque a fait plus de 50 victimes parmi les militaires et administrateurs civils maliens.

Les autorités maliennes et la Minusma n’ont cessé de se renvoyer la responsabilité, la partie malienne se plaignant de n’avoir pas reçu toutes les informations, tandis que la force onusienne déclarait avoir mis en garde la délégation malienne du risque élevé de la visite. Il est nécessaire de rétablir les conditions d’une collaboration durable entre autorités maliennes et la Minusma, en mettant en place une gouvernance adaptée à une situation de crise majeure. À minima, il est indispensable d’établir des briefings quotidiens, à l’occasion desquels, seront partagés l’avancement quant à l’atteinte des objectifs, l’identification des principaux risques et les façons d’y remédier.

Action 3 : Rétablir les institutions sécuritaires et judiciaires au niveau de l’Etat pour protéger la population d’elle-même

Le premier défi de la Minusma a été de ré-légitimer l’Etat en organisant une élection présidentielle pour sortir de la transition. L’atteinte de cet objectif, dès septembre 2013, a permis de poursuivre les négociations en faveur de la mise en œuvre de l’accord de paix. Cependant, l’Etat n’a pas repris à ce jour le contrôle de l’ensemble de ses prérogatives régaliennes, notamment celles relevant de la sécurité publique et du pouvoir judiciaire.

Suite à la signature de l’accord de paix, les groupes armés ont certes cessé de s’affronter entre eux, mais des conflits intercommunautaires, amplifiés par des implications djihadistes, sont apparus. À titre d’exemple, les communautés daoussahak de la région de Kidal et peules de la région de Mopti et Ségou sont régulièrement victimes d’attaques et d’assassinats comme ce fut le cas le 1er janvier 2019, où 37 Peuls ont été tués dans le centre du pays, y compris femmes et enfants. Il est important de comprendre que la crise, jadis présente au nord du Mali, s’est aujourd’hui déplacée vers le centre du pays, jusqu’au cœur des grands centres urbains, en prenant de nouvelles formes.

À Bamako, dans la capitale, comme dans de nombreuses villes du pays, les crimes de droit communs se sont développés et il n’est pas rare d’assister à des scènes de lynchage public. Confronté à la vacance du pouvoir sur les questions sécuritaires et judiciaires, le peuple se fait désormais justice lui-même. L’Etat malien se doit de reprendre rapidement le contrôle de la situation en s’employant à rétablir les institutions sécuritaires et judiciaires. C’est notamment par ce biais qu’il parviendra à retrouver progressivement la confiance de la population.

 Boubacar TRAORE

Boubacar est le directeur du cabinet Afriglob, conseil spécialisé sur les questions de développement dans le Sahel. Il est diplômé en relations internationales, en économie et gestion ainsi qu’en management stratégique et intelligence économique. Intervenant à l’Institut Catholique de Paris et auditeur à l’Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale (IHEDN).

Source: Le Reporter

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