L’avènement de la démocratie au Mali est le fruit d’un grand sacrifice de la jeunesse et du peuple tout entier. Mais aujourd’hui, nous sommes au regret de constater que les autorités maliennes sont dans l’impasse quant à la gestion des différentes crises multiformes qui traversent le pays. En effet, le Mali fait face à des crises socioéconomiques, politiques et surtout sécuritaires. Les dirigeants semblent impuissants à proposer des solutions à ces différents problèmes.
Face à ces différentes crises, les citoyens en tant qu’acteurs de la vie de leur société, comme le consacre la Constitution, ont le droit d’être informés et de donner leur point de vue sur toutes les questions qui concernent la vie de la nation. La liberté d’expression, dans une démocratie, est un droit inaliénable. On se demande si, au Mali, certaines personnes n’ont pas tout simplement envie d’empêcher le peuple d’être informé si on voit l’acharnement qui est fait contre les hommes de médias sans lesquels on resterait dans l’obscurité sur tout ce qui se passe. Dans ce sens, il faut se rappeler la disparition du journaliste Birama TOURE, sur lequel on n’a aucune information. Aujourd’hui c’est le tour de Mohamed Youssouf Bathily dit Ras Bath qui est entre les mains de la justice.
L’analyse qui est faite ici ne va pas dans le sens de dire que tout ce que ce dernier fait est bon, mais de comprendre réellement quelle direction prend cette affaire et quelles leçons en tirer. Jusqu’à quelles limites peut-on critiquer les cadres de l’Etat en mission ? Ces missions ne sont-elles pas au bénéfice des populations ? Est-ce que critiquer veut dire forcément être contre les intérêts du pays ?
En parlant du cas Ras Bath, de quoi l’accuse-t-on ? On l’accuse d’ « outrage à l’endroit des cadres de l’Etat ; de heurter la conscience nationale, de démoraliser les troupes, d’atteinte à la morale ». Laissons la justice faire son travail pour le déculpabiliser ou le condamner. Mais nous nous contenterons de réfléchir sur la manière dont les forces de l’ordre gèrent les différentes marches dans ce pays. L’utilisation de la force est disproportionnée face à des civils désarmés. Hier, c’était à Gao où des jeunes sont morts sous les balles de la police. Aujourd’hui, c’est à Bamako qu’elle tire sur des jeunes qui manifestent contre l’arrestation de Ras Bath. Il y a eu un mort et des blessés. Dans un Etat de droit véritable, qu’est-ce qu’on aurait fait ? Il reste à situer la responsabilité de tout un chacun. Qu’est-ce qui s’est réellement passé pendant les manifestations ? Si on cherche à arrêter ceux des manifestants qui sont responsables des troubles, est-ce qu’il n’y a pas en plus à savoir, au sein de la police, qui a tiré sur des jeunes avec des balles réelles. Peut-on accepter, dans un Etat de droit, que des forces de l’ordre décident de l’exécution des Maliens dans une manifestation, qu’elle soit autorisée ou non, car ils savent mieux que quiconque que leurs actes vont entraîner inévitablement des morts.
Ces pratiques montrent à suffisance que nos forces de l’ordre sont en panne de formation professionnelle en technique de maintien de l’ordre et en connaissance des droits fondamentaux des citoyens. Pour cela, il est urgent que l’Etat corrige ce mal avant de connaître encore des situations plus catastrophiques, surtout que nous sommes en crise.
Les comportements des forces de l’ordre et des autorités nous donnent l’impression que nous ne sommes pas dans une société égalitaire. On se souvient, dans ce pays, qu’il y a eu des gens qui se sont mis à insulter les autorités, parfois même des présidents, mais rien ne s’est passé. Certains ont organisé des grandes manifestations en plein état d’urgence. Des ministres ont qualifié certains opposants de fils indignes du pays sur l’O.R.T.M. Rien ne s’est passé. Sont-ils au dessus du commun des mortels ? Ou bien, au Mali, il faut attendre d’être une autorité pour pouvoir s’exprimer sur les questions nationales ? Que fait-on de l’égalité entre les citoyens ?
En réalité, tous ces faits sont la démonstration que la démocratie a reculé au Mali. Mais une chose est sûre, avec la manifestation pour soutenir Ras Bath, nous apprenons que la jeunesse malienne ne dort pas, elle a surtout besoin de leaders pour se mobiliser à tout moment afin de défendre la justice sociale, la liberté d’expression et l’égalité. Ce qui nous amène à poser des questions sur le sens de l’existence de la société civile au Mali. Elle est totalement absente sur les questions de lutte pour les droits des citoyens. Que font réellement les associations de défense des droits de l’homme quand on voit tout ce qui se passe ? Elles accusent les citoyens d’inertie mais la manifestation de soutien à Ras Bath démontre à suffisance que le peuple ne leur fait pas confiance, sinon, il est prêt à se mobiliser avec des leaders sérieux.
Enfin, on peut dire que pour que la démocratie survive au Mali et pour que l’égalité entre citoyens soit une réalité, il faut que le peuple reste en veille et soit prêt à défendre sa liberté, sans exclure la désobéissance civile. Car, Rousseau nous apprend que quand on laisse les affaires de la république entre les mains de nos représentants, on se réveillera un jour avec des maîtres et nous en tant qu’esclaves.
- Professeur de Philosophie
Source: journaldumali