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Tribune : au Mali, que valent vraiment les partis politiques ?

 

Si l’élection présidentielle de 2018 a permis de raviver le débat sur le système électoral malien avec la vive contestation des résultats qui s’en est suivie, la problématique liée au rôle des partis politiques dans l’animation de la vie publique malienne mérite également une attention particulière. De la mobilisation aux différents scrutins, à l’éducation citoyenne, les partis politiques maliens n’ont pu véritablement apporter une plus-value au jeu démocratique.

 

En février 2017, le paysage politique malien comprenait 187 partis. Depuis 1992 à 2018, les taux de participation aux élections n’ont pas dépassé les 50%. Cette absence de corrélation positive entre le nombre de partis et les taux de participation, interroge la double fonction pédagogique et politique des partis.

D’une part, la faiblesse des taux de participation démontre leurs difficultés à éduquer et à mobiliser les citoyens pendant les compétions politiques et, de l’autre, la disproportion entre les formations politiques présentes à l’Assemblée nationale (moins de vingt) et le nombre total de partis, renseigne sur leur degré de compétitivité. De fait, il y a cette perte de confiance dans le processus de démocratisation et une méfiance vis-à-vis des entrepreneurs et de leurs entreprises politiques.

Que vaut la démocratie tant le sociologue allemand Max Weber considère les partis politiques comme « les enfants de la démocratie et de l’extension du suffrage » ? À quoi servent les élections si les partis n’expriment pas la volonté politique plurielle des citoyens ? Quelle est la qualité du personnel politique dans la mesure où les partis constituent un espace de socialisation et de recrutement des acteurs politiques ? Car la question sur la valeur des partis en soulève d’autres.

Image déprimante

Les Maliens n’affectionnent pas les partis politiques. Ils ont une image assez déprimante de leur nombre que certains appellent à limiter. Pourtant, ce n’est pas une solution. La force d’une démocratie ne réside pas spécifiquement dans le nombre de partis mais, d’abord et surtout, dans la pleine participation des citoyens aux affaires publiques, ensuite dans la qualité du personnel politique. Dès lors, il s’agit moins de limiter le nombre de partis ou de prédire leur fin que de s’intéresser à leur fonctionnement, leur ancrage et leur politique partisane.

Dans son livre Négrologie : Pourquoi l’Afrique meurt (2012), Stephen Smith, de manière excessive et caricaturale, réduit les partis politiques africains à une « démultiplication scissipare de partis uniques sous la férule de « chefaillons » sans démocratie interne. » L’analyse est recevable mais elle est partielle. Il est vrai que les textes du parti sont souvent contournés et violés pour favoriser l’arrivée ou le maintien d’une personnalité – en général le créateur – à la tête de [son] l’organisation politique.

Toutefois, la multiplicité des partis politiques pose également des questions relatives à leur discipline interne et à l’esprit de parti chez leurs responsables. Dans un espace politique dominé par les réseaux clientélistes et très axé sur la personnalité des dirigeants, il est très facile pour des entrepreneurs de créer des entreprises politiques aux identités floues et aux programmes vagues que de se plier aux règles qui encadrent la vie d’un parti.

Des pratiques peu démocratiques de la part de probables gouvernants dont les objectifs sont la conquête du pouvoir et l’accès aux ressources publiques plutôt que la promotion des valeurs démocratiques. Ali Cissé, dans Mali : Une démocratie à refonder (2006), décrit en ces termes, la personnalisation et la personnification de la vie publique que la négation des partis ne peut qu’accentuer : « Les partis ont perdu leurs attributs de structures associatives et se sont mués en entités bureaucratiques dirigées par des présidents inamovibles. De l’instauration du multipartisme à nos jours, nous ne connaissons aucun cas d’alternance à la tête d’un parti politique, c’est-à-dire le remplacement d’un président sortant, candidat à sa propre succession, par un président entrant, nouvellement élu. Les querelles de leadership au sein des partis ont tendance à dégénérer en véritables guerres de tranchées où le vainqueur garde jalousement sa « chose » et chasse le vaincu qui crée à son tour sa « chose », c’est-à-dire un nouveau parti dont il s’auto-proclame président et le cycle reprend. Il vaut mieux être le « grand chef » d’un petit parti que le « petit chef » d’un grand parti. »

Sourcebenbere

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