La transition sera prorogée. Ce qui n’était qu’une possibilité évoquée par le premier ministre Choguel Maïga est devenu une quasi certitude après l’adoption en conseil des ministres, le 20 octobre dernier, du chronogramme des Assises nationales de la refondation de l’Etat. Lesquelles, selon le chef du gouvernement, sont censées annoncer le futur calendrier électoral. Or si, dans sa version initiale, la phase finale de ces Assises devait se tenir du 15 au 21 novembre prochain, on relève dans le document adopté par le gouvernement qu’elle est repoussée d’un mois soit du 20 au 26 décembre. Ce qui laisse un laps de temps relativement court pour le maintien des scrutins présidentiel et législatifs couplés à la date du 27 février, même si le premier ministre a assuré par ailleurs que les préparatifs de ces élections se déroulent séparément des Assises.
La visite à Bamako du président en exercice de la CEDEAO, Nana Akuffo-Addo, suivie une semaine après de celle du Conseil de sécurité de l’ONU, ont été également des indicateurs sur un probable allongement de la durée de la transition, ces partenaires de premier ordre ayant dû subir de la part des deux chefs de l’exécutif transitoire de longs plaidoyers visant à justifier par anticipation une telle décision. Notamment sur la situation sécuritaire qui ne cesse de se dégrader dans le centre (cercle de Niono) et une partie du sud (région de Sikasso). Colonel Assimi Goïta et Choguel Maïga n’hésitent plus à faire savoir publiquement que la sécurité des Maliens est leur surpriorité et qu’à côté de cet impératif les élections peuvent attendre.
Par ailleurs l’on a noté, ces derniers jours, une vive campagne d’opinion mêlant média, réseaux sociaux, personnalités, associations voire certains partis politiques invitant les Maliens à montrer qu’ils savent s’unir pour défendre l’indépendance et la souveraineté de leur pays quel qu’en soit le prix. Certains n’hésitant pas à déclarer que le Mali peut survivre sans la CEDEAO, l’ONU, la France et que d’ailleurs c’est dans ce sens qu’il faut aller. Cette campagne ne doit rien au hasard. Elle a été minutieusement préparée dans un but précis: faire reculer les partenaires stratégiques du Mali (États et organisations) sur le sujet du maintien de la durée de la transition.
Ces développements font désordre avec la vocation prêtée aux Assises nationales de la refondation de l’Etat de décider de la prorogation de la transition et créditent du coup l’accusation du Cadre d’Echange pour une Transition Réussie selon laquelle lesdites Assises sont un pur échafaudage destiné à maquiller une option préalablement arrêtée par Choguel Maïga qui a fini par obtenir la caution du colonel Assimi Goïta. Ils devraient donc conforter le Cadre à matérialiser son engagement à contrer, par tous les moyens légaux, la tenue desdites Assises. Lesquelles, déjà par son seul refus d’y participer, ont perdu l’inclusivité censée fonder leur légitimité.
A côté de ce défi à relever Assimi Goïta et Choguel Maïga vont devoir faire face à d’éventuelles sanctions ciblées de la communauté internationale si elle décidait de suivre la CEDEAO dans son positionnement sur la transition malienne, lors du sommet d’Accra du 16 septembre dernier. C’est ce positionnement qui a été rappelé par le président ghanéen, au cours de son séjour bamakois de 24 heures, le 17 octobre. Il se résume à la tenue de la présidentielle couplée aux législatives le 27 février 2022, faute de quoi les hauts dirigeants du Mali ne pourront plus voyager dans l’espace communautaire et leurs avoirs bancaires seront gelés. Pour rappel le Mali est déjà suspendu de la CEDEAO depuis le coup d’Etat de trop du 24 mai dernier.
La prorogation de la transition, liée à la situation sécuritaire plus qu’alarmante du pays, crée une autre problématique : durera-t-elle aussi longtemps que durera la crise sécuritaire qui ne sera sûrement pas résorbée avant plusieurs années, certains évoquant même des décennies ?
«La meilleure transition, c’est la transition la plus courte» a rappelé la délégation du Conseil de sécurité au duo Assimi Goïta-Choguel Maïga. Dans un Mali en proie à d’incessants soubresauts, c’est une parole à méditer.
Saouti HAIDARA
Source: l’Indépendant