Démissionnaire et reconduit le 14 mai 2021, le Premier ministre, Moctar Ouane, après dix jours de tractations, avait finalement réussi à former son gouvernement le 24 mai 2021. La publication de cette équipe de vingt-cinq ministres avec cinq femmes (contre quatre précédemment), onze nouveau entrants, quatre permutations, onze départs de l’ancienne équipe dont Col Sadio Camara, ministre de la Défense et des anciens Combattants et Col Modibo Koné, ministre de la Sécurité et de la Protection civile, a fâché les militaires de Kati qui ont aussitôt conduit de force le président de la Transition, Bah N’Daw et le Premier ministre, Moctar Ouane, au Camp Soundjata Kéita de Kati où ils ont tous passé la nuit.
La nuit a été justement longue au Mali. Jusqu’à hier vers onze heures, il était toujours difficile de dire avec certitude ce qui était en train de se dessiner au Camp de Kati. Sur les réseaux sociaux, l’on parlait de démission forcé de Moctar Ouane avec sa nouvelle équipe. Une information qui laissait croire qu’un autre Premier ministre serait nommé et chargé de former un nouveau gouvernement inclusif, prenant en compte toutes les sensibilités du pays. Aussi, d’aucuns rapportaient que le Premier ministre aurait refusé de rendre sa démission. Autant d’informations ont circulé avant la publication du communiqué du vice-président de la transition, Col. Assimi Goïta aux environs de midi.
Dans ce communiqué, Assimi Goïta affiche toute sa volonté de destituer le président de la Transition et son Premier ministre. « De par le serment prêté en même temps que le président de la transition et tenu par l’engagement patriotique pris devant le peuple malien ainsi que devant les forces de défense et de sécurité, le vice-président de la transition, s’est vu dans l’obligation d’agir pour préserver la Charte de Transition et défendre la République… », a dit vice-président de la transition, Col. Assimi Goïta, dans un communiqué publié dans la journée d’hier 25 mai 2021.
Aussi, le vice-président, accuse le président de la Transition, Bah N’Daw, d’avoir violé la Charte de la Transition en reconduisant unilatéralement le Premier ministre à son poste après que ce dernier a volontairement démissionné. «Dans les démarches de constitution d’un nouveau gouvernement le premier ministre nouvellement reconduit a établi une liste de gouvernement en accord avec le président de la Transition sans concertation avec le vice-président en charge des prérogatives à lui conférées par la Charte à savoir, la Défense et la Sécurité. Une telle démarche témoigne d’une volonté manifeste du président de la Transition et du Premier ministre d’aller vers une violation de la Charte de Transition, contrairement au serment prêté lors de son investiture le 25 septembre 2020. »
Pour témoigner davantage qu’il a le contrôle du pouvoir, Assimi Goïta a invité les populations à vaquer librement à leurs occupations et les a rassurés quant à l’engagement indéfectible des Forces de défense et de sécurité, à préserver l’intérêt supérieur du peuple malien, conformément à l’esprit et à la lettre de la Charte de Transition. « Au demeurant, le vice-président de la Transition tient à préciser que le processus de Transition suit son cours normal et que les élections prévues se tiendront courant 2022. », peut-on également lire dans le communiqué
Quoique l’on dise, quoique l’on fasse, le pays a été déjà lâché, bafouillé et humilié par ses propres fils et filles. Le patriotisme est devenu un vain mot. C’est pourquoi la situation actuelle du pays ne doit point surprendre. Si nous aimions réellement ce pays, nous aurions dû éviter cet énième coup de force. Cette transition devrait être une aubaine pour redresser le pays qui a déjà trop souffert. Mais hélas, les intérêts personnels ont toujours été privilégiés au détriment de ceux, supérieurs, de la nation.
Des personnalités aux arrêts !
Au moment où nous mettions sous presse, même si le calme était un peu revenu à Kati comme à Bamako, le président de la Transition, son Premier ministre et d’autres collaborateurs, étaient encore entre les mains des colonels. Cela, malgré les appels des organisations nationales et internationales à les relâcher. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a appelé le même jour (lundi 24 mai 2021), dans un tweet, au calme et à la libération inconditionnelle de tous les dirigeants civils arrêtés dans la journée par les militaires. «Je suis profondément préoccupé par les informations sur l’arrestation des dirigeants civils chargés de la Transition au Mali », a-t-il ajouté.
Par ailleurs, dans un communiqué conjoint, le Comité local de suivi de la Transition, composé de la CEDEAO, de l’Union Africaine et de la MINUSMA, avec des membres de la communauté internationale, y compris la France, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Union européenne, a exprimé sa profonde préoccupation face à la situation au Mali marquée par l’arrestation du président de la transition, du Premier ministre et de certains de leurs collaborateurs.
« Ils condamnent fermement la tentative de coup de force survenue à la suite de la publication du décret portant nomination des membres du gouvernement par le président de la Transition sur proposition du Premier ministre. Ils exigent la libération immédiate et inconditionnelle de ces autorités et soulignent que les éléments militaires qui les détiennent seront tenus personnellement responsables de leur sécurité. Ils réaffirment leur ferme soutien aux autorités de la Transition et demandent que la transition reprenne son cours pour se conclure dans les délais prévus. La communauté internationale rejette par avance tout acte imposé par la contrainte, y compris des démissions forcées », peut-on lire dans ledit communiqué publié le 24 mai 2021.
Ousmane BALLO
Source : Ziré