Meurtrie dans sa chair par 18 mois d’occupation djihadiste, Tombouctou sort de sa léthargie. Les activités reprennent dans la ville. Et timidement, les habitants renouent avec leurs activités d’antan.
Une vue de la ville de Tombouctou (photo archives)
Mahmoud Maiga se frotte les mains. Il vient de vendre son dernier gigot de viande. « Dibitier » au quartier Amango de Tombouctou, Maiga est tout content. Après une longue période de misère et d’occupation djihadiste, sa ville reprend un nouveau souffle et sa dibiterie (rotisserie) ne désemplit plus. « Pendant l’occupation djihadiste, je vendais à perte. Les activités tournaient vraiment au ralenti. Mais maintenant, ma rôtisserie ferme à 22 heures », explique-t-il. A Tombouctou, la ville aux 333 saints, les activités reprennent timidement. Les enfants vont de nouveau à l’école et les banques sont de retour. L’agence locale de la BIM-SA, sise au quartier Amabangou, vient de rouvrir ses portes.
Les rues de la ville grouillent à nouveau de véhicules et de personnes qui vaquent à leurs occupations habituelles. Les boutiques, les buvettes et les restaurants rouvrent leurs portes. « C’est inimaginable. Tellement que les affaires marchent, beaucoup de clients sont obligés de commander à l’avance », explique Aliou Maiga, restaurateur au rond-point Farikeina. En effet, la ville historique pullule d’organisations humanitaires (CICR, Care, Plan Mali, Handicap International, PAM, Jeunes volontaires…). « Ils sont partout. Impossible de faire une rue sans rencontrer un véhicule de type 4×4 d’une ONG. C’est normal. Les besoins des populations sont grands et l’Etat n’est pas totalement de retour», déclare Moussa Maiga, un habitant de la ville. Même si ce n’est pas encore la grande affluence, les devantures de certaines boutiques du grand marché de la ville sont garnies d’objet divers (thé, dattes, couscous…). Choses interdites, il y a quelques mois, il n’est pas rare de voir les jeunes jouer de la musique et fumer dans les rues. « Avant on ne pouvait écouter que le coran. Maintenant nous avons des programmes radiophoniques dédiés uniquement à la musique », témoigne Idrissa Touré, jeune lycéen. L’électricité n’est disponible dans la ville qu’entre 18h et minuit. Et cela oblige les habitants à faire le plein des batteries de leurs téléphones et de leurs ordinateurs portables avant la levée du jour.
Nonobstant, ce retour timide de la «normalité », les habitants de la ville restent sur le qui-vive. Les abords des hôtels, les endroits où se trouvent les militaires et les lieux d’attroupements sont craints par les tombouctouciens. Le souvenir de l’attentat meurtrier du 23 septembre hante encore les esprits. « Après ce qui s’est passé, il faut être prudent. Sauf nécessité, je vais rarement au marché. Et pas question que je m’aventure dans les hôtels et les endroits fréquentés par les militaires », affirme Aichatou Cissé, une habitante de la ville. Et pourtant, l’entrée de la ville est filtrée par les militaires maliens et de la Minusma. L’arrêt au check point est obligatoire. Il faut montrer patte blanche et toutes les voitures sont inspectées avant d’entrer dans la ville. Dès 18 heures, les portes de la ville sont fermées. Impossible d’y entrer ou d’en sortir et des rondes sont effectuées, dans la ville, par les militaires maliens et ceux de la Minusma. Le maire de la commune rurale de Bourem Sidi Amar, Mohamed Touré en a fait l’amère expérience. « Lors d’une de mes récents voyages sur Tombouctou, je suis arrivé à l’entrée de la ville à 18 heures. Il m’a été impossible d’y entrer. Et j’ai été obligé d’aller passer la nuit à Kabara», nous a confié l’élu.
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