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Tiona Mathieu Koné, Responsable de la Communication à EDM sa: «Il n’y aura pas de délestages sauvages»

Dans cette grande interview que le Responsable en charge de la Communication de la Société EDM sa, Tiona Mathieu Koné, a bien voulu nous accorder, il s’explique sur les causes multiples des coupures d’électricité récurrentes auxquelles les abonnés doivent faire face actuellement. Selon lui, il s’agit d’ailleurs plutôt de pannes que de délestages…   

Tiona Mathieu Koné, chargé de communication de l'EDM

Tiona Mathieu Koné, chargé de communication de l’EDM

22 Septembre: Tiona Mathieu  Koné vous êtes le Responsable de la Communication d’EDM sa. On assiste, depuis un certain temps, à une multiplication des coupures d’électricité à Bamako et dans certaines villes du Mali. Peut-on en savoir la ou les causes?

Avant d’entrer dans l’explication des causes des coupures que vous constatez actuellement et qui engendrent des désagréments chez nos abonnés, je voudrais présenter à toute la clientèle de Bamako, mais aussi à celle des autres centres, qui subissent présentement des coupures, nos sincères excuses. C’est vrai que nos activités sont d’une sensibilité extraordinaire. Dès qu’il y a un disfonctionnement, cela touche à tous les niveaux. Au niveau de la famille cela impacte sur le bien-être social, les coupures ont aussi des conséquences sur le fonctionnement de l’administration. Ne parlons même pas des unités de production. Nous avons conscience de tout cela. C’est pourquoi, quand nous sommes défaillants, sans gêne et sans mentir, nous présentons nos sincères excuses. Cela dit, actuellement, nous sommes en période de fortes chaleurs. C’est en cette période que toutes nos installations de production, de transport et de distribution de l’énergie sont fortement sollicitées. Tout le système est presque surexploité. Comme l’offre est inférieure à la demande, il y a une surexploitation et, cela ne date pas d’aujourd’hui, les points de faiblesse se révèlent. Nos équipes de dépannage sont sur la brèche, jour et nuit, pour faire face à la situation. Les points de faiblesse se révèlent quand il y a surexploitation. C’est à l’image d’une corde: quand vous tirez dessus, elle se casse là où elle est faible.

En deuxième lieu, nous avons des difficultés d’approvisionnement en combustible. Autrement dit, du fait que la trésorerie est tendue, il y a des décalages dans les périodes de fourniture de combustible sur nos installations. Nous payons, bien sûr, nos fournisseurs. Mais, avec la tension de trésorerie, eux aussi éprouvent des difficultés à faire face à leurs mandants, leurs fournisseurs. Cela devient dur. Nous en avons conscience. Une situation difficile à gérer, malgré leur patriotisme, leur désir et leur disponibilité à nous accompagner, dans la mesure où il s’agit de fortes sommes, puisque nous avons à faire à de grandes quantités – nous en sommes à peu près à 300 millions de FCFA de dépense par jour en combustible, soit 5 ou 6 citernes par jour. Problème de production oui, parce que le déficit de production est là. Actuellement, nous avons le barrage de Manantali, le barrage de Sélingué et le petit barrage de Sotuba. C’est de l’hydroélectricité, mais Manantali ne nous donne que la moitié de notre consommation sur le réseau interconnecté  en période de pointe; comme actuellement. C’est-à-dire que, sur 210 MW, Manantali nous donne 105 MW, 44 MW venant de Sélingué et le reste, soit une cinquantaine de MW,  à chercher par l’intermédiaire du thermique, de Darsalam, de Balingué et de Siracoro SOPAM.

L’un dans l’autre, le mixte de production, soit plus de 40% en terme thermique, pèse sur notre trésorerie, lourdement d’ailleurs. Rien que pour l’année dernière, nous avons une ardoise de 72 milliards de FCFA de frais de combustible. En une année. Avouez que pour une société qui fait 100 milliards de FCFA de chiffre d’affaires, c’est très lourd. Vous me direz que ce n’est pas une excuse, mais ce n’est pas faute d’anticipation, les règles économiques sont ainsi faites. Nous produisons actuellement à 140 FCFA le kilowatt, pour le revendre en moyenne à 94 – 95 FCFA. Il y a un décalage structurel.  Bien sûr, on ne peut pas appliquer la vérité des prix pour des raisons simples: le social. L’Etat en tient compte, c’est pourquoi il donne des subventions. Mais, pour le moment, l’Etat ne dépasse pas 20 à 30 milliards de subvention. Enlevez 30 milliards d’une ardoise de 72 milliards de FCFA en combustible, il y a encore un écart à combler en interne, à travers des pistes d’amélioration de gestion. C’est ce que nous faisons quotidiennement. Mais je pense que les enjeux font que, objectivement, le décalage est là et cela constitue un handicap pour nous. C’est l’une des causes de la difficile situation que nous vivons en matière de combustible.

Le troisième facteur de ces coupures sur le réseau interconnecté réside dans l’interconnexion, toute nouveauté venant dans la douleur. Nous sommes interconnectés avec la Côte d’Ivoire. L’exploitation a commencé en septembre. Il était prévu que la Côte d’Ivoire nous donne 60 à 80 MW. Cela aurait pu grandement aider à résoudre nos problèmes, parce que notre gap oscille aujourd’hui entre 30 et 40 MW. Mais la Côte d’Ivoire n’a pu nous donner que 30 MW. Le projet qui a finalement vu le jour s’est concrétisé avec un grand retard. L’interconnexion était attendue en 2008, elle est arrivée en 2012. Tant mieux. Quelque part, la Côte d’Ivoire sort, elle aussi, d’une décennie de guerre. Donc nous comprenons. Les Ivoiriens sont en train de se réveiller aussi économiquement et c’est pour mieux nous épauler. En tout  cas, il est clair que la Côte d’Ivoire ne peut pas dépasser 30MW pour le moment alors qu’on s’était entendus pour  60 à 80 MW. Tout cela participe à l’ampleur des difficultés présentes sur le réseau interconnecté.

Donc voilà les 3 ou 4 raisons qui expliquent nos difficultés. La saturation due à la surexploitation sur le réseau de distribution, les réglages du grand dispositif de l’interconnexion, parce que finalement ce sont 7 Etats qui sont sur le réseau interconnecté. Nous sommes interconnectés avec la Côte d’Ivoire; la Côte d’Ivoire est interconnecté avec le Ghana et ce pays est interconnecté avec le Togo et le Bénin.  Nous-mêmes sommes interconnectés avec le Sénégal et la Mauritanie. C’est un dispositif qui englobe 7 pays et nécessite de la gymnastique intellectuelle, de l’ingéniosité et de la coordination. Pour le moment, nous enregistrons quelques imperfections que, professionnellement, nous nous employons à corriger.

A ce rythme, allons-nous vers un scénario de délestages sauvages, comme on en a connu par le passé?

Non. Je pense qu’il ne faut pas le souhaiter. Malgré les dysfonctionnements  constatés, qui causent des désagréments à la clientèle, nous sommes très soucieux que l’instrument ne s’écroule pas. Il y va de l’avenir du pays, car l’énergie est le moteur du développement. J’ai appris qu’il y avait un plan de délestage circulant sous le manteau, mais cela ne relève pas de nos méthodes. Depuis la création du service Communication à EDM sa, nous avons fait l’option du communiquer vrai. Il n’y a rien à dissimuler, puisque tout est ressenti dans les foyers. Nos dysfonctionnements, nos insuffisances, ont un impact immédiat dans tous les concessions, les services et le tissu de production. Je pense que nous avons un devoir de vérité envers notre clientèle. Nous n’en sommes pas encore à l’application d’un quelconque plan de délestages.

Bien sûr, comme tous les pays qui ont un déficit énergétique, de capacité, chaque année il faut faire un exercice d’élaboration, un brouillon,  pour voir, le cas échéant, ce qu’il y a lieu de faire. Ecoutez: l’électricité est produite par des ouvrages, des groupes électrogènes, qui peuvent avoir des pépins. Les machines, c’est du fer qui tourne. L’électricité est transportée sur des lignes qui peuvent subir des incidents majeurs. Quelle réplique dans pareil cas? Croyez-moi, dans un esprit d’anticipation on avait tablé sur l’interconnexion avec la  Côte d’Ivoire. Dieu merci, l’année dernière on a eu une bonne pluviométrie à Manantali et à Sélingué. Donc ce n’est pas un problème de manque d’eau pour le moment et on espère que 2013 sera également très pluvieux. Mais vous avez bien vu que les capacités additionnées présentent un déficit face aux immenses besoins, parce que la croissance est de 10% l’an, autrement dit, la demande en électricité au Mali croit de 10% l’an. Ce n’est pas une critique, mais une suggestion: souvent, nous ne savons pas adopter les bonnes pratiques d’utilisation de l’électricité, pour ne pas dire les comportements d’économie d’énergie, qui permettraient tout d’abord au client de voir sa facture allégée et à EDM sa de satisfaire le plus grand nombre.

Ensuite, vu ce que le pays vit aujourd’hui, à savoir la situation de guerre contre les groupes armés, aidé en cela par la France et nos frères africains et de la sous-région, nous ne pouvons pas manquer d’engagement pour fournir le minimum. Donc, non, nous ne sommes pas en délestage, non, il n’y aura pas de délestages sauvages et nous nous attelons, nuit et jour, à apporter des solutions aux problèmes objectifs qui sont là.

Entre parenthèses, peut-on avoir une idée du taux d’accès à l’électricité au Mali?

Actuellement, à EDM sa, nous avons une clientèle de l’ordre de 300 000 abonnés, plus précisément 290 000. Mais quand on sait ce que représente un abonné dans le cercle familial en Afrique – ce n’est pas la famille nucléaire – c’est plutôt 10 à 15 personnes, cela fait donc 2 millions de personnes sur les 14 à 15 millions que compte le Mali qui bénéficient de l’électricité fournie par EDM sa. Et on peut faire la différence avec nos frères de l’AMADER. Ce qui nous amène globalement  à un taux d’accès oscillant entre 24 et 25%.

Propos recueillis par Yaya Sidibé

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