“Nous ne pensons pas que le dirigisme et l’étatisme exacerbés puissent être des facteurs de développement économique”
Les membres de l’Action républicaine pour le progrès (ARP) étaient face à la presse le lundi 30 décembre 2019 à la Maison de la presse pour parler du Dialogue national inclusif, la réforme monétaire, le terrorisme. La conférence de presse était principalement animée par Tiéman Hubert Coulibaly, le président de l’ARP.
Dans ses propos liminaires, Tiéman Hubert Coulibaly, le président de l’Action républicaine pour le progrès (ARP), après avoir présenté ses meilleurs vœux 2020 à la presse et au peuple malien, a remercié Dieu d’avoir permis aux Maliens de traverser l’année 2019 qui a été difficile, complexe mais aussi une occasion, pour les Maliens, de tenter d’ouvrir une nouvelle voie pour la paix et la réconciliation au Mali. “L’année 2019 a été extrêmement difficile, jalonnée d’actions terroristes sur notre territoire, d’actions terroristes sur nos pays voisins du G5-Sahel et ailleurs. L’année 2019 a été émaillée de périodes de grandes tensions au niveau national et international. Elle a été habitée par de grandes contradictions sur le plan économique, social dans notre pays. Les syndicats ont donné de la voix sans toujours avoir satisfaction. L’année scolaire, à plusieurs reprises, a été mise en péril. Nos structures de santé ont connu des périodes de rupture. Les populations, face à certaines incommodités, ont, par moments, également donné de la voix et engagé des actions qui ont consisté parfois à obstruer les voies de communication par endroits dans notre pays. Donc, 2019 a été une année difficile et complexe”, a-t-il décrit.
Il a salué l’attitude des uns et des autres, syndicats, populations, qui ont eu des positions responsables face au gouvernement qui leur a tendu l’oreille avant d’essayer de proposer des solutions dans la mesure des moyens du pays.
“L’année a été complexe parce que, chaque fois, malgré les efforts fournis, nous n’avons pas toujours atteint les résultats que nous souhaitions. Cela est dû au contexte particulier de notre pays qui est en crise depuis de longues années. Cela est dû au contexte international qui n’offre pas toutes les conditions pour que notre économie, nos ressorts sociaux puissent nous permettre de produire les solutions qui sont nécessaires par rapport au problème posé. L’année a été par moments triste, parce que nous avons perdu des hommes. Mais ces sacrifices, ce sang versé par nombre de jeunes Maliens servant sous le drapeau servira, j’en suis convaincu, à irriguer les chemins de l’espoir pour une paix durable dans notre pays”, a-t-il déclaré.
Ce qui lui fera dire que c’est tout ceci qui a conduit à la tenue du Dialogue national inclusif, qu’il a salué au nom de l’ARP. Il s’est dit satisfait de ce dialogue et des résolutions proposées au peuple malien et acceptées par lui. Il s’est réjoui de l’engagement des autorités, le président de la République en tête, à exécuter des résolutions du DNI. Il a toutefois regretté que l’ensemble des forces politiques, sociales, des forces vives de la nation n’ont pas été représentées à ces assises.
“A l’ARP, nous pensons que la tenue du dialogue n’était pas le seul objectif. Le dialogue est un processus : sa tenue, ses résolutions, son chronogramme, les engagements pris mais aussi l’après-dialogue. Nous estimons que malgré l’appel qui était le critère d’inclusivité, la participation n’a pas été celle que nous aurions souhaitée. Il convient de poursuivre les efforts après le dialogue pour que, dans la mise en œuvre des résolutions, l’ensemble des forces politiques, l’ensemble des forces vives de notre pays puissent participer. La démocratie est un idéal de représentativité. Mais elle est aussi une éthique de la participation. A ce titre, nous appelons nos amis, nos compatriotes, qu’ils soient de la majorité, du camp présidentiel ou de l’opposition, de savoir que les résolutions du Dialogue national inclusif s’adressent à tous, désormais s’imposent à tous et plus que jamais appellent l’effort de tous. Ainsi, l’après dialogue devrait constituer une nouvelle période d’efforts pour que la main tendue soit encore plus tendue, d’efforts pour que ceux vers qui la main se tend fassent aussi le pas afin que 2020 soit moins difficile, moins complexe. Que 2020 soit l’année l’ouverture du chantier pour la reconstruction, pour la réconciliation et pour une période de paix durable pour notre pays. 2019 nous a permis de préparer dans la difficulté, dans la complexité, dans la tristesse. Il faut que 2020 soit l’ouverture de ce chantier. Et que tous les ouvriers soient présents sur le chantier. Le chef de chantier qu’est le président de la République est appelé à sonner le rappel. Nous l’encourageons pour que l’ouverture de vastes chantiers, la réconciliation, l’union et la paix soient les principes cardinaux de cette nouvelle action qu’il va devoir engager à partir de 2020”, a développé Tiéman Hubert Coulibaly, ajoutant que 2019 a aussi été une année d’espoir pour un lendemain meilleur.
“La pauvreté est une des causes de la déstabilisation de l’espace sahélien et aucun remède ne pourra venir à bout de ce fléau si ce
n’est la création de richesses et des richesses partagées équitablement. Nous ne pensons pas que le dirigisme et l’étatisme exacerbés puissent être des facteurs de
développement économique”
Faisant le point de la situation nationale sur le plan économique et social, le président de l’ARP s’est dit convaincu que la prospérité économique fait partie des solutions au Mali. Parce que, a-t-il soutenu, la pauvreté est une des causes de la déstabilisation de l’espace sahélien. “Aucun remède ne pourra venir à bout de la pauvreté si ce n’est la création de richesses et des richesses partagées équitablement. Ainsi, à l’ARP, nous sommes convaincus que le secteur privé malien doit, à tout point de vue, être encouragé, aidé, accompagné afin que la richesse nationale soit non seulement nationale mais qu’elle fasse l’objet d’une redistribution nationale. Nous ne pensons pas que le dirigisme et l’étatisme exacerbés puissent être des facteurs de développement économique.
Cela a été dit de tout temps. Aujourd’hui, il faut qu’à côté de ce chantier de pacification, de réconciliation de notre pays, nous ouvrions le chantier d’une vraie révolution libérale dans notre pays pour que les richesses soient produites par des Maliens, possédées par des Maliens et consommées par des Maliens. Ainsi, notre soutien est acquis à toutes les initiatives tendant à renforcer le secteur privé malien. Et nous encourageons les autorités à agir de cette manière”, a-t-il avancé.
“Nous pensons qu’il est nécessaire pour un pays comme le Mali
d’imaginer la politique industrielle nécessaire pour que la réforme monétaire soit pour les Maliens un avantage. Et la condition est
la production, la transformation au Mali des produits maliens”
Pour faire éclore le potentiel économique et financier de l’Uémoa, Tiéman Hubert Coulibaly a salué et encouragé la réforme du F CFA qui devrait continuer pour devenir Eco à partir de 2020. Car, selon lui, une monnaie est l’instrument central du développement économique. Mais, a-t-il conseillé, “en allant vers cette réforme monétaire, nous pensons qu’il est nécessaire de donner un coup de fouet à l’ensemble des politiques d’industrialisation surtout celle dans les pays à faible industrialisation dans notre zone économique et monétaire. Et notre pays est concerné par cela, pays enclavé ayant plus de 6600 km de frontières dont le tissu industriel est largement inférieur à celui du Sénégal et de la Côte d’Ivoire. Or, dans notre situation géographique de raide naturelle, le Mali se trouve en moyenne à 1 h 30 d’avion de chacune des 7 capitales qui nous entourent et a des possibilités terrestres de communication pouvant faire de lui un pôle d’attraction mais aussi un centre de départ et d’initiatives d’un certain nombre d’actions économiques. Nous pensons qu’il est nécessaire, pour un pays comme le Mali, d’imaginer la politique industrielle nécessaire pour que cette réforme monétaire soit pour les Maliens un avantage. Un pays qui ne produit pas ne peut pas soutenir une monnaie dont les relations avec les autres monnaies seraient une relation ordinaire. Il faut que la structure économique de notre pays soutienne cette réforme monétaire.
Et la condition est la production, la transformation des produits maliens. Aujourd’hui, il n’est pas concevable que le Mali qui un est producteur d’or n’ait qu’une raffinerie d’or. Cela n’est pas normal. Notre or doit être raffiné en grande partie chez nous de même que le coton dont nous sommes fiers devrait être transformé chez nous. Dans les 2 à 3 années qui viennent, nous devons prévoir l’installation de filatures capables de transformer entre 20 et 30 % du coton produit dans notre pays. Et cela est une condition nécessaire pour que notre économie puisse devenir non seulement compétitive dans la zone Uémoa mais pour être un acteur important pour le soutien à notre future monnaie”.
Pour le président de l’ARP, le Mali doit se préparer au bouleversement économique et ne peut pas être en marge de cette marche dont les conditions sont la paix, la cohésion, la gouvernance irréprochable parce que, à ses dires, une économie n’est prospère que dans un environnement où la gouvernance est irréprochable en termes de justice, de protection de capitaux, d’équité dans la distribution des richesses. Pour lui, 2020 sera certainement un chantier important sur ce plan au niveau communautaire.
“La guerre contre le terrorisme est une guerre pour
la sécurité collective. Et nul ne peut la gagner seul”
Revenant sur la situation du Mali au plan international, Tiéman Hubert Coulibaly a dit que notre pays est engagé dans une guerre contre le terrorisme se déroulant sur le territoire malien et dans d’autres pays du G5-Sahel. Et le Mali devra rester engagé dans cette guerre contre le terrorisme à l’intérieur du G5-Sahel, en promouvant des partenariats historiques et faisant en sorte que l’action de ses partenaires réponde aux objectifs stratégiques du Mali. D’après lui, le théâtre de la guerre contre le terrorisme est vaste. Et les raisons et les origines de cette guerre sont disséminées à travers le monde.
“C’est pour ça qu’il faut comprendre que cette guerre est une guerre pour la sécurité collective. Elle appelle donc la conception d’une défense globale. Et pour ça, les partenariats sont nécessaires. Nul ne peut gagner cette guerre contre le terrorisme seul. Ceux qui pensent qu’en étant dans une action isolée nous pourrons prospérer vers la paix et la sécurité se trompent lourdement. Si vous voulez détruire une nation, il faut faire en sorte de confondre ses amis et ses ennemis. Pour détruire une famille, il faut procéder par la création de troubles entre ses membres les plus importants, à savoir le père, la mère et les enfants”, a-t-il souligné.
Il a estimé que 2020 sera une année un peu moins complexe au Mali. Car elle posera un certain nombre de chantiers dont les résultats sont essentiels pour la survie de la nation malienne. Il a espéré qu’elle sera moins difficile parce que le Mali commence à avancer vers le retour d’une cohésion nationale, le retour de la paix. Mais les maliens devraient fournir beaucoup d’efforts qui sont à leur portée. “Nous ne pourrons jamais faire la paix si nous n’acceptons pas d’avoir autour de nous, à côté de nous celui qui était notre opposant, notre ennemi et qui portait les armes. Cela est la condition de la paix. […] Nous pouvons réunir les enfants du Mali autour d’un certain nombre d’objectifs primordiaux, notamment celui de la paix”, a-t-il terminé.
Siaka Doumbia
Source: Aujourd’hui-Mali