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Tidiani TOGOLA : « Autant on éduque les gens à la citoyenneté, autant il faut les éduquer au numérique »

Le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication est un phénomène qui s’empare du monde et cela à tous les niveaux. Conscient des avantages nombreux que comporte le numérique, mais aussi des défis nombreux liés à ces outils, nous avons été rencontrés  Tidiani Togola, ingénieur et informaticien de formation, non moins  directeur exécutif de Tuwindi afin de nous entretenir avec lui sur cette question. De notre entretien, il ressort de nombreux défis tributaires au numérique auxquels M. Togola propose des issues aux autorités maliennes afin de faire de ces outils des opportunités à saisir pour le développement éducatif voire du Mali tout simplement.  Lisez l’entretien !

En tant que directeur exécutif de Tuwindi, pourriez-vous nous présenter votre organisation ?

Tuwindi est une organisation à but non lucratif et de droit malien. Cette organisation est spécialisée dans le  Civic Tech. Cela signifie que nous utilisons les technologies de l’information et de la communication comme support de travail afin d’accroitre la participation politique des citoyens. Nous intervenons dans trois secteurs principalement : la gouvernance, la participation citoyenne et les médias.

Vous venez de dire que Tuwindi s’intéresse au domaine de la communication, notamment des médias. Pouvez-vous  nous dire la place que peut jouer le numérique dans la performance scolaire de nos jours.

Le numérique joue un rôle central dans l’éducation d’une manière globale, notamment scolaire. L’accès au contenu et au savoir devient facile. Jadis, il était très difficile d’avoir accès à un certain nombre de contenus pour s’informer ou se former, aujourd’hui avec le numérique notamment l’internet, on peut accéder à d’énormes contenus. On accède facilement à des publications. Cela, à tous les niveaux, du fondamental jusqu’au cycle doctoral et également dans tous les secteurs. Ce qui est d’ailleurs très intéressant avec le numérique, c’est que les contenus que nous trouvons aujourd’hui sont des contenus interactifs, c’est-à-dire  qu’avec le numérique, on peut se former en médecine, en biologie, avec des contenus interactifs de telle sorte que tu vas pratiquer un certain nombre d’opérations qui, par le passé, n’était pratiquement pas possibles.

Outre cela, les simulations dans les laboratoires notamment pour les étudiants qui sont en physique sont devenues plus faciles. Ces étudiants peuvent faire des expériences directement sur des outils numériques. Sur les téléphones aujourd’hui, nous avons plusieurs applications qui y sont embarquées.

Si nous revenons vers la petite enfance, il y a énormément d’applications qui apprennent aux enfants à lire et à écrire ou même à parler d’autres langues. Tout cela de façon ludique et qui sont inscrites sur des téléphones, des tablettes, des ordinateurs.

Tous ces outils contribuent aujourd’hui à l’éducation des enfants. Si on regarde le cas spécifique du Mali, avec le numérique, on pourrait faire en sorte que 100% des Maliens soient éduqués et alphabétisés juste en se basant sur le numérique. Pourquoi je dis cela ?  Les gens qui sont dans les localités très reculées où on dit qu’il n’y a pas d’enseignants, on peut tout à fait amener des contenus numériques, des programmes de formations complets sur des supports qui sont stockés avec des outils interactifs. Les gens peuvent ainsi s’auto former.

Aujourd’hui, on n’apprend pas à beaucoup d’enfants à manipuler certains jeux. Ils les apprennent naturellement. Beaucoup de personnes réussissent à lire et à écrire grâce à des applications numériques installées sur les téléphones. Ce type d’expérience devrait être généralisé.

En termes de coût, un livre coûte plus cher que l’accès au savoir à partir d’un téléphone. Un livre de biologie par exemple te donne accès au savoir sur une thématique spécifique de la biologie pendant que tu as acheté le livre en question à 20 000 ou 30 000 FCFA. Dans le domaine du marketing, nous avons un livre très cher. On l’appelle le Mercator. C’est un livre qu’on peut acheter autour de 100 ou 200 euros. Mais si tu achètes un téléphone à 50 euros, tu peux accéder à l’ensemble des informations contenues dans ce livre. En dehors de ce livre, tu as accès à des millions d’autres informations ne se trouvant pas dans le Mercator.

Ce qui fait que pour moi, un Smartphone donne plus accès au savoir qu’un livre ordinaire que nous essayons tous les jours d’acheter ou de produire dans les imprimeries pour nos enfants. Ce que nous devons faire aujourd’hui, c’est équiper les enfants, les universitaires, tout le monde pour que chacun puisse accéder au savoir de façon universelle sans limites.

Je ne vais pas jusqu’à soutenir que cette éclosion du numérique n’est pas sans défaut. Dans le monde, tout n’est pas que rose. Des défis restent à soulever. Le premier pourrait être le problème de la connectivité. La responsabilité de l’État est d’amener l’internet là où il n’existe pas. On n’a des opérateurs de téléphonie mobile, on a des acteurs qui jouent un rôle majeur dans ce cadre. C’est aussi la responsabilité de ces grands acteurs d’amener l’internet jusque dans les coins les plus reculés, de faire de telle sorte que son accès soit moins cher afin qu’il soit à la portée de tous.

Le comportement responsable est quelque chose que le numérique ne vient pas nous enseigner. Cet aspect est assez important, car aujourd’hui si on regarde en ligne autant les enfants apprennent de bonnes choses, autant ils en apprennent de mauvaises. Or, dans un certain âge, on ne sait pas ce qui est bon ou mauvais vis-à-vis de nos coutumes, de nos réalités sociales, de nos relations. Un comportement accepté dans la société française ne l’est pas forcément dans la société malienne. Je pense aussi qu’il y a des dérives que cela puisse  représenter.

Justement, j’allais en venir à cette question des dérives. Aujourd’hui nous constatons de plus en plus sur l’internet notamment les réseaux sociaux beaucoup de dérives. On parle même de nos jours de cyberattaque, de cyberviolence. Face à ces comportements, que pourriez-vous suggérer aux  autorités ?

Je suggèrerai aux autorités de prendre véritablement conscience des dangers que représente le numérique et que chaque danger puisse être transformé en opportunité. Avant d’arriver aux autorités, il y a les citoyens. Ceux-ci ont besoin de savoir les enjeux liés aux réseaux sociaux, à l’internet. C’est fondamental. Si on ne sait pas à quoi servent tous ces outils et jusqu’où ils  peuvent aller, on ne peut développer aucune mesure de précaution.  Ce que je recommanderais d’abord, c’est une meilleure règlementation et l’application de la réglementation. L’état doit faire en sorte que nous ayons des textes qui s’adaptent, mais que ces textes ne soient pas des textes liberticides parce qu’il y a aussi des textes qui existent, mais qui restreignent tellement les droits qu’elles deviennent finalement liberticides. Cela revient à bâillonner les gens au lieu de leur laisser la possibilité d’émerger.

Il y a aussi l’action vis-à-vis des opérateurs. Là aussi, l’état doit assumer sa responsabilité vis-à-vis de ces opérateurs. L’accès aux contenus ne coûte pas cher. L’internet doit être moins cher et l’état devrait aussi encourager la production de contenus locaux adaptés à nos besoins de telle sorte que si on a besoin de certains types d’informations, on ne soit pas obligé de sortir du Mali via les câbles parce que c’est ce qui rend l’internet cher. Si nous produisons ou stockons suffisamment de contenus chez nous et rendons l’accès facile à ces contenus, cela va baisser significativement les dépenses liées à la consommation d’internet. L’état doit également mettre en place un dispositif d’éducation au numérique. Autant on éduque les gens à la citoyenneté, autant il faut les éduquer au numérique.

Aujourd’hui, il y a des gens qui naissent dans le digital. Mais pour d’autres aussi, le numérique est venu après eux.  C’est la raison pour laquelle, il est essentiel que nous ayons un grand programme d’éducation au numérique. Dans ce programme, tout ce qui est le bon comportement en ligne, tout ce qui est la bonne compréhension des technologies de l’information et de la communication, tout ce qui concerne les questions de cybersécurité et de comportement responsable peuvent être bien compris.

L’autre point que je recommande à l’état même s’il n’est pas forcément lié à notre champ d’investigation, c’est de penser aussi à digitaliser, à dématérialiser l’argent. Ce qui se passe aujourd’hui, on l’a vu avec Orange money, avec Mobicash, Wari, que nous pouvons passer à une autre approche consistant à dématérialiser l’argent physique pour nous faire passer vers un monde qui est véritablement digital tant en termes d’éducation, en termes de dépenses que nous faisons. Cela signifie que l’état devrait mettre en place des garde-fous nécessaires pour faire face à tous les types de défis liés aux cyberattaques. On doit avoir notre propre système de cyberdéfense et cela devrait être bâti de telle sorte que ça soit toujours à niveau

Quel sera votre dernier mot ?

J’invite tout le monde à faire une utilisation responsable des technologies de l’information et de la communication. Aucun peuple ne peut se développer en laissant de côté les technologies,  il est toujours intéressant d’utiliser les technologies. Ce qui est déterminant, c’est que chaque peuple doit apporter sa part. Pour cela, la jeunesse malienne devrait au lieu juste de consommer les technologies être fournisseur de technologie. La population malienne et mondiale devrait utiliser des solutions technologiques par des Maliens. Je vous remercie de m’avoir donné la parole.

Propos recueillis par

Fousseni TOGOLA

Source: Le Pays

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