Après presque trois ans d’un mouvement de contestation qui a tourné à la guerre civile, des représentants du régime syrien et de l’opposition en exil se rencontrent mercredi à Montreux, sous l’égide des grandes puissances, pour la première tentative visant à mettre fin au conflit syrien.
Sur le papier, les positions des deux camps “ennemis” sont irréconciliables. L’opposition demande le départ pur et simple de Bachar al-Assad, au pouvoir depuis 2000. Damas veut promouvoir pour sa part la “lutte contre les terroristes” et a mis en garde: le sort du président est une “ligne rouge”.
Autant dire que les diplomates ne se font pas d’illusions. Ils ont déjà prévenu: le dialogue sera long et ardu. Et dans un premier temps, la communauté internationale devrait chercher à obtenir des résultats tangibles: livraisons d’aide humanitaire, obtention d’un cessez-le-feu localisé à Alep ou échanges de prisonniers.
“Il ne faut pas attendre d’avancées majeures dans les jours à venir”, a indiqué le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, à son arrivée à Montreux. “Néanmoins, quand la diplomatie se met en marche, on peut obtenir des choses, on l’a déjà vu dans plusieurs autres dossiers, notamment dans le dossier nucléaire iranien”, a ajouté le responsable britannique.
Pour Burhan Ghalioun, opposant de longue date présent à Montreux, “il faut mettre les sentiments de côté et faire prévaloir la raison”. “S’il y a 10% de chances de réaliser des progrès dans l’intérêt du peuple syrien, ce sera une bonne chose”, a-t-il estimé.
“Pas d’optimisme excessif”
Mercredi, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, doit prendre la parole, suivi par le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, et le secrétaire d’Etat américain John Kerry.
La délégation du président Bachar al-Assad et celle de la Coalition syrienne, mené par Ahmad Jarba, doivent également s’exprimer, avant le reste des quelque 40 pays et organisations invités à Montreux.
Pour les participants, il s’agit de trouver des solutions avec un objectif clair: enrayer le cycle infernal des violences en Syrie où la guerre civile, entre bombardements, combats et atrocités a fait plus de 130.000 morts et poussé des millions de Syriens à quitter leur maison, leur pays.
La conférence, repoussée plusieurs fois, a failli être annulée à la dernière minute après la polémique créé par l’invitation surprise de l’Iran, “parrain” de la Syrie au Proche-Orient, par Ban Ki-moon. L’opposition syrienne avait alors menacé de boycotter la conférence avant que les vives protestations des Occidentaux conduisent Ban Ki-moon à retirer son invitation.
A quelques heures de l’ouverture de la conférence de Montreux, les grandes puissances ont mis en garde contre tout optimisme excessif.
“Je ne pense pas que quiconque ayant traité avec des officiels syriens ait de fausses attentes quant à des progrès rapides”, a indiqué un haut responsable américain à Washington. “Tout le monde doit comprendre que c’est le début d’un processus. Cela ne sera pas rapide (…) et nous aurons besoin de patience et d’obstination”, a-t-il ajouté.
Pour le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius, “l’idéal c’est d’aller vers la paix, ça passe par une solution politique”, qui “passe par discuter” en Suisse. L’objectif, c’est “des avancées vers la paix”, en restant “fidèle” à la lettre d’invitation de l’ONU qui parle de bâtir sur la base d’un consentement mutuel “un gouvernement de transition doté de tous les pouvoirs exécutifs”.
Dès mardi soir, MM. Lavrov et Kerry ont eu un entretien tandis que l’opposition syrienne était reçue par Ban Ki-moon.
La réunion de Montreux devrait en tout cas aider à préparer la réunion vendredi à l’ONU, à Genève, impliquant uniquement les deux délégations syriennes et l’émissaire spécial de l’ONU et de la Ligue Arabe Lahkdar Brahimi.
Ce devrait être le début d’un long processus, de sept à dix jours dans une première étape, selon un membre de la délégation russe cité par l’agence Interfax.
La rencontre de mercredi intervient près de six mois après une attaque chimique près de Damas qui a fait plus de 1.500 morts et qui avait failli provoquer l’intervention militaire des Etats-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne. Après ce pic de tension, les menaces de frappes aériennes occidentales avaient laissé la place à un langage plus diplomatique, permettant d’envisager des discussions de paix.
© 2014 AFP