Le Parlement britannique pourrait voter mercredi, sauf surprise, des frappes aériennes contre le groupe État islamique (EI) en Syrie, répondant ainsi aux demandes de son allié la France, dans la foulée des attentats de Paris.
Le débat, qui commence à 11H30 GMT, promet d’être long et houleux, alors que le Premier ministre conservateur David Cameron a taxé les opposants aux frappes de « sympathisants terroristes ».
Ce commentaire, qualifié d' »insulte désespérée » par un porte-parole du leader pacifiste du Labour Jeremy Corbyn, risque de braquer les députés travaillistes, dont certains se sont pourtant rangés à l’opinion de David Cameron après l’onde de choc des attentats de Paris.
Bien qu’opposé aux frappes, Jeremy Corbyn a décidé de ne pas imposer de consigne de vote à ses troupes pour éviter une rébellion ouverte de ses troupes très divisées sur la question.
Le gouvernement se montre confiant sur l’issue du vote, qui devrait intervenir aux alentours de 22H00 GMT.
Le soutien de l’opinion publique, encore marquée par les guerres impopulaires menées en Afghanistan et en Irak, est toutefois en recul: d’après un sondage de l’institut You Gov, publié mercredi dans le Times, 48% des sondés soutiennent une intervention en Syrie, contre 59% la semaine dernière.
De plus, la commission parlementaire des Affaires étrangères, qui avait publié début novembre un rapport contre des raids aériens en Syrie, s’est de nouveau prononcée contre mardi, doutant notamment de son légalité et de son efficacité.
« Je développerai mes arguments et j’espère que le plus grand nombre possible de députés me soutiendront », a dit David Cameron mardi.
Ayant une courte majorité au Parlement et quelques députés conservateurs qui voteront contre les frappes, le dirigeant ne s’est décidé à organiser un vote qu’après la décision du Labour de ne pas imposer de consigne de vote. Les libéraux-démocrates et le DUP nord-irlandais ont annoncé leur intention de voter pour.
M. Cameron devra notamment répondre aux inquiétudes sur les conséquences de telles frappes pour la sécurité du pays, même s’il répète régulièrement que le Royaume-Uni fait déjà face à une « grave menace » des jihadistes.
– Regagner des points –
« La menace d’Isil (un autre acronyme pour l’EI, NDLR) s’est intensifiée », a assuré mardi le secrétaire à la Défense Michael Fallon devant le comité de défense du parlement, citant des chiffres à l’appui: « 15 attentats dirigés ou inspirés par Isil dans le monde l’an dernier, et déjà 150 cette année ».
Aux yeux des analystes, une telle intervention va redorer le blason d’un pays perçu ces dernières années comme plus préoccupé de lui-même que tourné vers le reste du monde et y jouant du coup un rôle amoindri.
Pour Malcolm Chalmers, directeur de recherche à l’institut RUSI, le Royaume-Uni est en train de regagner des points perdus lorsqu’il a drastiquement coupé son budget défense, voté contre des frappes en Syrie fin août 2013 –à l’époque contre le régime de Bachar al-Assad–, et s’est enlisé dans le débat sur l’indépendance de l?Écosse.
« Tout cela a donné l’impression que le pays préférait se replier sur lui-même », souligne-t-il. « La volonté de se déployer va calmer les craintes qu’il n’est pas un partenaire fiable », estime-t-il.
Londres est déjà engagé dans la guerre en Syrie via le renseignement et le ravitaillement en carburant des avions de ses alliés. « Une participation aux frappes sera importante symboliquement, utile opérationnellement, mais elle ne changera pas le cours de la guerre », résume l’expert militaire.
« David Cameron n’est pas à l’aise de voir les attaques en Syrie contre l’EI, qui d’une certaine façon réduisent la menace envers le Royaume-Uni, conduites par d’autres forces. Et émotionnellement, il ressent fortement qu’il doit aider la France dans ces temps difficiles », estime le général Ben Barry, de l’Institut international d’études stratégiques (IISS).
La Grande-Bretagne dispose déjà de 8 Tornados GR4 basés à Chypre et un nombre indéfini de drones qui participent à des frappes en Irak depuis l’an dernier. D’autres avions pourraient être mobilisés si le pays s’engageaient dans des frappes en Syrie.
Toutefois, pour Ian Bond, du Centre de réforme européenne (CER), cette intervention ne va pas changer « la réticence des dirigeants britanniques à s’impliquer dans les problèmes internationaux », notamment « à s’impliquer dans l’Union européenne comme une grande puissance européenne pourrait l’être ».