Washington – La mise en oeuvre de la « feuille de route » établie par les Etats-Unis et la Turquie pour éloigner la menace d’une confrontation armée dans la ville syrienne de Minbej sera longue et « compliquée », de nombreux détails restant à négocier, a déclaré mardi un responsable américain.
Dans le cadre de cet accord, négocié depuis février et « approuvé » lundi par les ministres américain et turc des Affaires étrangères Mike Pompeo et Mevlut Cavusoglu, les Unités de protection du peuple (YPG), une milice kurde alliée de Washington dans la lutte antijihadistes mais considérée comme « terroriste » par Ankara, ont annoncé mardi leur retrait de Minbej, dans le nord de la Syrie.
La « feuille de route » visait en effet notamment à « tenir l’engagement américain à déplacer les YPG à l’est de l’Euphrate », un fleuve qui traverse la Syrie, a expliqué à des journalistes ce haut responsable du département d’Etat. Mais il s’agit d’un « cadre politique large » dont les « détails doivent encore être négociés » et dont la mise en oeuvre « se fera étape par étape en fonction des développements sur le terrain », a-t-il ajouté.
Les YPG avaient pris Minbej aux jihadistes du groupe Etat islamique (EI) en 2016. Les Etats-Unis y sont présents militairement et fournissaient une assistance à la milice kurde au grand dam d’Ankara.
La tension entre Américains et Turcs, pourtant alliés au sein de l’Otan et dans la lutte contre les jihadistes, avait atteint des sommets en février après le lancement par la Turquie d’une offensive dans le nord-ouest de la Syrie contre la milice kurde, d’autant que l’armée turque menaçait d’avancer jusqu’à Minbej.
Un groupe de travail américano-turc avait été créé en février qui a abouti à cette « feuille de route », que Mike Pompeo et Mevlut Cavusoglu se sont engagés lundi, dans un communiqué commun, à « mettre en oeuvre » pour « assurer la sécurité et la stabilité à Minbej », sans pour autant en dévoiler le contenu.
L’agence étatique turque Anadolu avait affirmé la semaine dernière que l’accord prévoyait, 45 jours après le 4 juin, des inspections militaires conjointes américano-turques à Minbej, et, dans les 60 jours après cette même date, la formation d’une administration locale de la ville pour remplacer les conseils qui incluent actuellement les YPG.
Un haut responsable américain a confirmé l’objectif de « patrouilles communes » mais a démenti l’existence d’un calendrier détaillé. « Nous sommes déterminés à le faire le plus rapidement possible » mais les dates rapportées dans la presse « ne reflètent rien de concret », a-t-il assuré.
« Ce ne sera pas facile », « la mise en oeuvre sera compliquée » mais bénéficiera à tous car cela va stabiliser Minbej sur le long terme, a-t-il insisté.
« On passe à la prochaine phase quand la première est achevée », s’est-il borné à dire.
Washington estime que cet « effort diplomatique très vigoureux » a permis de « faire tomber la tension de manière spectaculaire » en éloignant la « menace » d’une confrontation à Minbej.
L’administration américaine assure aussi être en constante concertation avec ses alliés kurdes pour qu’ils adhèrent à la mise en oeuvre de cette « feuille de route ».
Les responsables américains sont restés très vagues sur l’avenir des conseils locaux qui gouvernent la ville. Les YPG qui y participaient doivent partir et seront remplacés par des responsables locaux « qui conviennent à toutes les parties », a simplement dit l’un d’eux, tout en assurant qu’il ne s’agissait pas de voir les Américains ou les Turcs prendre le contrôle de la ville.
Interrogé sur les contreparties obtenues par les YPG en échange de leur départ, un responsable a assuré que « tout le monde était gagnant » car il s’agit d’une « solution durable » pour la « stabilité » de Minbej.
Dans un communiqué distinct, Mike Pompeo a tenu mardi à saluer les Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance arabo-kurde dont les YPG forment l’épine dorsale, pour le lancement récent d’opérations contre des poches de l’EI dans le nord-est de la Syrie. Il leur a réaffirmé l’ »entière confiance » des Etats-Unis.
Au plus haut des tensions en février, Washington avait déploré que l’offensive turque en Syrie détourne les Kurdes de la lutte antijihadistes.
AFP