On ne saurait leur faire grief, ces magistrats de la République qui ont décidé de se faire entendre et réclamer les nouvelles de leur collègue enlevé par des djihadistes à son domicile à Niono. Le malaise n’est pas seulement au niveau des hommes en robes noires, c’est également le même sentiment auprès de beaucoup de concitoyens qui ne comprennent pas le silence ou l’indifférence du gouvernement.
Dans une déclaration lue par le procureur Yattara du tribunal de la commune I, les magistrats ont relevé un certain nombre d’exigences contre le gouvernement qui peuvent tendre toutes à un heureux dénouement.
C’était un jeudi peu ordinaire, devant cette symbolique de la justice qu’est la cour d’Appel. Le combat d’un syndicat, c’est certes pour la défense des intérêts moraux et matériels de la corporation. Mais cette fois-ci, c’est une question de vie. Les magistrats semblent avoir donné la liberté au pouvoir de bien engager des discussions pour obtenir la libération de deux otages (le juge et un commandant de Brigade) mais visiblement cela n’a pas servi à grand-chose.
Cette sortie n’est qu’une première dans la série d’actions qu’ils risquent d’entreprendre. Ils ont montré leur engagement collectif à démontrer et à soutenir toute initiative pouvant favoriser le retour sain et sauf d’un homme qui ne servait que la justice. Aussi certains magistrats ont pris la parole pour évoquer des aspects qui doivent accompagner leurs collègues dans l’exercice de leur fonction : « Nous sommes tous des Soungalo, nous sommes tous magistrats. Ce qui est arrivé à Soungalo, peut arriver à chacun de nous. Nous sommes tous cibles d’enlèvement par la force du mal », a crié Mme Fofana Nana Singaré du parquet du tribunal de la Commune V. Ce substitut du procureur en commune V a aussi dénoncé le faible dispositif sécuritaire qui accompagne les magistrats dans les zones à risque.
Le président du syndicat autonome de la magistrature (Sam) Aliou Badra Nana Kassé, Siaka Coulibaly du Syndicat libre de la magistrature (Sylima) et les membres du syndicat national des greffiers (Synag ), étaient tous présents. Le risque est désormais très élevé dans certains endroits.
Les magistrats, réunis devant la cour d’Appel le jeudi dernier, ont exigé du gouvernement de fournir des informations à la famille du juge détenu depuis plus de 100 jours. Soungalo Koné, le juge du tribunal de Grande instance de Niono fut enlevé le jeudi 16 novembre 2017 par les terroristes à Niono.
Rappelons que dans une vidéo diffusée quelques jours après son rapt, Soungalo Konéavait exprimé aux plus hautes autorités son souhait ardent de les voir mener des négociations avec ses ravisseurs. Il précisait être humainement traité mais sa soif de liberté était forte.
Plusieurs mois après, des informations non encore confirmées faisaient état de son exécution. Ce qu’aucune source, judiciaire et sécuritaire, n’a pu authentifier. Comment dans un pays comme le nôtre, des otages étrangers (suédois, allemands, français etc…) puissent bénéficier de l’implication financière et diplomatique et que ceux qui servent toute une République ne puissent bénéficier de cette chance ? La récente déclaration du Président IBK qui consiste à exclure toute négociation avec les groupes djihadistes aurait pu être l’une des raisons qui ont déplu au corps judiciaire.
Il est évident que lorsque le président de la haute cour de justice a été enlevé, les moyens colossaux de l’État ont été mis à contribution pour le secourir et arriver à le sauver. Le gouvernement n’avait pas eu besoin d’agir en toute clandestinité. Aujourd’hui, ce représentant du pouvoir et de la justice est entre les bras de l’éventualité et de l’inadmissible. Le hic est qu’aucune communication sincère n’est faite avec la famille de l’otage. Cela montre que l’État n’a pas d’estime à cette corporation qui fait pourtant de son mieux pour tempérer le climat social.
Badiala Keita
Figaro Mali