Très préoccupés par la situation sécuritaire qui prévaut depuis un certains temps dans le centre du pays, les députés ont interpellé, le lundi dernier, le Gouvernement, avec en tête le Premier ministre, pour lui exprimer leurs inquiétudes. A l’issue des débats, les élus de la nation ont demandé au Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maïga, en présence de presque la quasi-totalité des membres du Gouvernement, de prendre toutes les dispositions nécessaires pour désarmer toutes les milices d’auto-défense.
C’était au cours d’une séance plénière dans le cadre de la 10e session extraordinaire de la 5è législature. Il s’agissait pour le patron de la Primature d’éclairer la lanterne des honorables élus de la nation et l’opinion nationale sur les contours de cette actualité tragédique. Les travaux étaient présidés par le Président de l’Assemblée nationale, Honorable Issaka Sidibé.
« Enlèvements et exécutions sommaires de paisibles citoyens, multiplications de violences intercommunautaires, attaques contre les forces de défense et de sécurité », tels sont les principaux crimes odieux soulignés par les locataires de Bagadadji. Les élus de la nation ont mis à profit cette interpellation pour interroger le Gouvernement sur notamment sa stratégie adoptée pour lutter efficacement contre l’insécurité au centre du pays, les causes de ces attaques.
Les inquiétudes des députés
D’entrée de jeu, le Président de l’AN a noté que cette persistance d’actes terroristes et de tensions intercommunautaires endeuillent régulièrement nos compatriotes vivants dans cette partie du territoire, singulièrement ceux de la région de Mopti. A cet égard, il a rappelé que la commission d’enquête créée en avril 2018 pour contribuer à la sortie de crise n’a pu effectuer malheureusement ses missions dans la zone à cause de certains impératifs.
A sa suite, l’honorable Belco Samassekou du groupe parlementaire RPM a fait savoir que la crise au centre n’a ni objet, ni fondement. Elle a dénoncé des mains invisibles qui sont derrières ces conflits intercommunautaires. De son coté, le député Zoumana N’Tji Doumbia du groupe parlementaire APM, a fustigé les exactions commises sur les paisibles populations civiles. Selon lui, la sécurité au centre du Mali est devenue un problème majeur dans notre pays. Il mettra l’accent sur un réel désarmement des groupes armés. Quant à l’honorable Amadou Cissé du groupe parlementaire VRD, principale force parlementaire de l’opposition, il a déclaré que 50% des terres exploitables n’ont pu être utilisées à Douentza à cause de l’insécurité.
Prenant la parole au nom du groupe parlementaire ADP Maliba-SADI, l’honorable Adama Paul Damango a présenté un tableau macabre qui comporte des actes de vandalisme perpétré contre les forains, des récoltes de cultures abandonnées, des peulhs et dogons assassinés, des écoles fermées. Selon lui, les publications des internautes ne font pas baisser la tension dans cette partie.
Le député Issa Togo du groupe parlementaire ADEMA a pour sa part déclaré que ce sont 96 villages des cercles de Koro et Bankass qui sont « raillés » de la carte du Mali.
Les vérités et assurances de Soumeylou!
Lucide et imperturbable dans sa démarche, le Chef du Gouvernement a d’abord laissé entendre que le terrorisme œuvre à créer un vide dans notre pays afin d’affaiblir l’Etat nation. Selon Soumeylou Boubèye Maïga, il est important de comprendre que le Mali reste une cible stratégique pour les groupes terroristes. Il a fait comprendre que 577 conflits intercommunautaires ont été recensés en 2018 dans notre région (Niger, Burkina et Mali avec 52cas ». Il a ensuite analysé que ces événements sont perpétrés par les forces du mal pour détruire le tissu social. A ses dires, ces ennemis de la paix ont un agenda qui est celui de détruire les Etats-Nations. « Notre responsabilité, c’est de reconstruire le Mali », a-t-il retenu. Il a fait remarquer qu’en réalité, il n’y a pas de problème fondamental entre les communautés du centre. A l’entendre, il faut gérer ces situations avec lucidité et sang-froid. « Le Gouvernement n’est coupable de rien », a-t-il lancé. Toutefois, il a reconnu les défis de l’heure et a promis de renforcer l’action militaire. Aux dires du PM, ces opérations sont complexes pour l’armée. Il a indiqué que : « Nous sommes conscients de la primauté de l’action militaire dans ces zones. C’est pourquoi, nous avons procédé à plusieurs recrutements». A cet effet, SBM a rassuré que les actions du Gouvernement vont s’amplifier et se poursuivre pour renforcer les capacités opérationnelles des Fama afin de sécuriser les personnes et leurs biens d’une part et traquer les terroristes jusqu’à leurs derniers retranchements d’autre part. Aussi, le Premier ministre a annoncé, suite aux instructions du Président de la République, le déploiement très prochainement d’un bataillon dans cette zone. Cependant, le Tigre de Badala n’est pas allé par 4 chemins pour dire certaines vérités : « Quelles que soient les actions militaires que nous allons faire, si elles ne sont pas poursuivies par des actions de nature politique pour ramener la cohésion, le consensus, la cohésion et le développement, ces actions militaires vont retrouver rapidement leurs limites ». Aux dires de SBM, l’objectif de l’Etat n’est pas d’être en confrontation militaire avec les populations civiles. Selon lui, cette action concerne toutes les composantes du pays. A en croire le Premier ministre, 13 000 hommes ont déjà été déployés dans tout le pays, dont la moitié dans les régions du centre. En plus, le Chef du Gouvernement a signalé la création de 16 nouveaux postes de sécurité dans les régions de Segou et Mopti dans le cadre du programme de sécurisation intégrée des régions du centre. Il a soutenu que ces efforts ont permis d’affaiblir et de reculer les groupes armés. En outre, Soumeylou a souligné que l’Etat va continuer à renforcer la présence militaire, l’Administration d’Etat et judiciaire dans le centre du pays, accroitre les moyens des Fama y compris sur le fleuve pour plus de mobilité et d’efficacité. Dans ce sens, il a annoncé l’arrivée très prochainement de bateau blindés, capables de naviguer sur le fleuve pour aller chercher les terroristes où ils se trouvent. Dans cette même veine, il a mis l’accent sur le renforcement de la coopération régionale avec les pays voisins comme le Burkina afin de mieux contrôler les frontières.
Agir avec lucidité !
Quant au désarmement des groupes armés qui se poursuit avec plusieurs d’armes récupérées dans les régions de Mopti et de Segou, Soumeylou Boubèye Maïga n’est pas allé avec le dos de la cuillère. Il dira d’abord que : « je ne suis pas un marchand de chimères. Je préfère vous dire ce que je peux faire et non ce que je ne peux faire. Si je veux aujourd’hui, je peux dans une semaine nous allons en finir avec ce problème. Cela n’est pas la réalité. Il s’inscrire dans la durée pour circonscrire cette crise. Le Gouvernement n’a pas d’agent électoral. Nous nous ne sommes pas dans des calculs électoralistes. Ce que nous voulons c’est géré le pays ». En ce qui concerne la question du désarmement des groupes armés, le Premier ministre a noté que dans le contexte actuel de nos Etats, aucun gouvernement ne peut dire qu’il peut arriver à zéro militarisation des sociétés civiles.
C’est pourquoi, il a martelé: « ma conviction personnelle est que tant que de manière claire, nous n’avons pas de consensus national pour dire que toute cette situation résulte de l’action des mouvements terroristes que nous combattons, et que dans cela chacun doit choisir son camp, nous ne pourrons venir à bout de nos adversaires ». Selon lui, cela est fondamental comme point de départ. Il a révélé que les Fama interviennent dans un contexte marqué par la présence des éléments endogènes où le trie n’est pas toujours fait. Le locataire de la Primature a affirmé qu’il « est absolument injustifié et injuste de dire que l’Etat a une partie pris dans ces violences ». Il a saisi l’occasion pour appeler les uns et les autres à éviter toute exploitation politique et partisane de ces violences intercommunautaires. Au titre des résolutions et recommandations, les députés demandent au Gouvernement de désarmer toutes les milices d’autodéfense.
Jean Goïta
La Lettre du Mali