Les chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) se réuniront demain, vendredi 25 octobre 2013, dans la capitale sénégalaise. Au cours de ce sommet extraordinaire, les gouvernants ouest-africains examineront non seulement les crises auxquelles sont confrontés des Etats membres, mais surtout ils aborderont l’épineuse question du payement des troupes de la Mission internationale de soutien au Mali (Misma).
Selon les termes de référence de cette rencontre, le sommet se penchera essentiellement sur les questions économiques ouest-africaines. Mais les questions d’actualité occuperont aussi une grande place dans les échanges. Spécialement, la situation au Mali et en Guinée-Bissau, ainsi que la menace de crise postélectorale en Guinée Conakry. Pour ce qui concerne le Mali, les chefs d’Etat et de gouvernement ouest-africains dont les pays participent à la Mission intégrée de stabilisation de l’ONU devraient plancher sur l’appel lancé par le responsable de la Minusma, Bert Koenders, en faveur du renforcement de la Mission en troupes et en matériels. Il convient de rappeler au passage que la Minusma compte à ce jour environ 6.000 hommes et devrait primordialement doubler cet effectif le mois de décembre prochain. Le manque de matériels militaires, particulièrement d’engins volants, constitue un énorme handicap pour les troupes onusiennes au Mali.
La question du payement des troupes de la Misma
Concernant la Misma qui s’était muée en Minusma en juillet dernier, elle a été déployée sous le mandat de la Cedeao. Dans un accord intervenu en avril dernier entre les pays de la Cedeao, le Tchad et les Nations Unies, il est prévu que pour chaque soldat déployé, un forfait de 1 028 dollars US par mois sera reversé au pays d’origine et que les frais engagés par Ndjamena seront remboursés par la Cedeao. Comme pour toutes les opérations de maintien de la paix de l’ONU. Sur ces 1 028 dollars mensuels, seulement 200 peuvent être ponctionnés par les Etats. Donc, chaque militaire devrait recevoir quelque 800 dollars de solde pour chaque mois passé en opération. Pour les militaires qui ont été blessés, une compensation est prévue. Elle est décidée en fonction du degré d’invalidité de chaque soldat, un taux d’invalidité établi par un comité ad hoc. Et pour les militaires tués, cas des 38 soldats tchadiens tombés au front, leurs familles devraient recevoir 50 000 dollars US de compensation. Une fois l’argent versé par la Cedeao, les Etats contributeurs de troupes de la Misma auront 45 jours pour rendre compte de la bonne gestion de l’enveloppe financière reçue. Mais la procédure semble lente. Le Tchad, l’un des plus gros contributeurs de troupes au Mali, a, à travers son ministre des Affaires étrangères, Moussa Faki Mahamat, expliqué sur les antennes de RFI que son pays n’avait toujours pas été payé. Aussi, faut-il le rappeller, le président tchadien, Idriss Déby Itno, a demandé à l’ONU, le 19 octobre dernier à Bamako, d’ouvrir ses caisses, de payer ses troupes et de faciliter ensuite leur relève.
Côté Cedeao, on se défend, un diplomate ouest-africain explique qu’en janvier dernier, lors de la conférence des donateurs d’Addis Abeba, l’Union européenne, par exemple, avait annoncé un don de 50 millions d’euros. Sur les 50 millions, pour cause de passage de la Misma à la Minusma, c’est à dire sous l’égide de l’ONU le 1er juillet 2013, 28 millions seulement ont été versés à la Cedeao. Une partie devait servir aux paiements des troupes de la Misma et le reste à renforcer les capacités de la Cédéao en matière de maintien de la paix. Dans le fond initial créé pour la Misma, confie une source proche du dossier, l’ONU a reçu à ce jour 41,5 millions de dollars sur les 44 promis. Cet argent a servi, selon les Nations unies, à apporter un soutien logistique, sans les armements et les tenues, à la Misma. « Et puis, la Minusma n’est pas garante du paiement des soldes ou des primes de ses casques bleus. Tous les trois mois, les Nations unies remboursent les Etats contributeurs de troupes selon un forfait bien déterminé. Il appartient donc aux Etats d’assurer à ce que les casques bleus soient rémunérés chaque mois», a jouté ladite source.
Les chefs d’Etat et de gouvernement de la Cedeao devront largement se pencher sur la question, demain à Dakar, pour mettre fin à la situation d’embarras avec le Tchad d’Idriss Deby Itno. Mais aussi et surtout pour redorer son blason fort terni.
En effet, au cours des premiers mois de la crise, la Cedeao a organisé près d’une dizaine de sommets de chefs d’Etat, tantôt à l’aéroport d’Abidjan, tantôt à Yamoussoukro, ou encore à Dakar ou Abuja. Plusieurs pays de la région ont indiqué leur disponibilité à engager des troupes dans le cadre d’une opération de reconquête du Nord-Mali. C’est le cas du Niger et, dans une moindre mesure, du Burkina Faso. En revanche, le Sénégal et la Gambie étaient indécis. Quant à la Côte d’Ivoire, qui présidait la Cedeao, elle n’était pas en mesure de prendre part à une telle opération. En sa qualité de pays non membre de la Cedeao et de grande puissance militaire de la région, le Tchad, a été sollicité. Et au plan sous régional aussi bien qu’international, la Cedeao fut taxée, de ne plus être la Cedeao de 1975, créée pour le développement économique et social de plus de 200 millions d’habitants de l’espace ouest-africain. Et aussi d’être un syndicat des chefs d’Etat qui excelle dans l’ingérence des affaires de ses propres Etats membres.
La situation politique de la Guinée Conakry est un autre dossier important à l’ordre du jour de ce sommet extraordinaire. Les dirigeants ouest africains devront donc appeler au calme dans ce pays où les législatives du 28 septembre dernier se seraient bien déroulées et ont été remportées par le camp du président Alpha Condé. Le hic, c’est que l’opposition guinéenne demande l’annulation des élections, accusant le parti au pouvoir d’avoir organisé des fraudes à grande échelle.
Rokia DIABATE