La présence du chef de l’Etat, Ibrahim Boubacar Keïta, a été très remarquée dans la capitale burkinabé pour avoir fortement contribué à jeter la lumière sur la jeune organisation, à renforcer ses fondations et à la rendre crédible.
La Force conjointe du G5 Sahel, lancée en février 2017, a pris forme. Elle s’appuie sur deux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies et possède son propre quartier général à Bamako. Elle a déjà effectué des missions aux confins du Mali, du Niger et du Burkina Faso. Cependant, cette force soulève encore des questions quant à son financement, sa capacité opérationnelle et sa place dans un espace sahélien où se bousculent des initiatives militaires. Ainsi, les voies et moyens susceptibles de parfaire cet outil de défense commun ont été largement évoqués par les chefs d’Etat du G5 Sahel, réunis hier à Ouagadougou à l’occasion de leur 5è session ordinaire. Nos dirigeants ont (encore) plaidé pour un appui plus accru de la communauté internationale à la Force conjointe du G5 Sahel et sa mise sous le chapitre 7 des Nations unies. Parallèlement, les cinq pays s’engagent à mobiliser plus de ressources internes à son profit.
Lors de ce sommet, les chefs d’Etat avaient aussi à l’esprit que le règlement des crises sahéliennes n’est pas uniquement une affaire d’armes, mais qu’il faut également des initiatives de développement et d’investissement dans ce vaste espace. D’où leur engagement affiché à mettre rapidement en œuvre les différents projets contenus dans le Programme d’investissements prioritaires du G5 Sahel.
La rencontre de Ouaga s’est tenue sous le signe de la vision articulée Sécurité/Développement. L’ouverture des travaux a réuni du monde au Centre de conférence de Ouaga 2000 qui s’était mise, pour la circonstance, aux couleurs des drapeaux des pays membres du G5 Sahel. Les cinq dirigeants (Ibrahim Boubacar Keïta du Mali, Roch Marc Christian Kaboré du Burkina Faso, Issoufou Mahamadou du Niger, Idriss Déby Itno du Tchad et Mohamed Ould Abdel Aziz de la Mauritanie) faisaient face à une assistance composée de diplomates, de responsables administratifs et politiques du Burkina Faso, des représentants d’organisations internationales et de la société civile.
Il était 10h37 quand les chefs d’Etat ont fait leur entrée dans la salle de conférence sous les applaudissements nourris des nombreux invités. La présence du président Ibrahim Boubacar Keïta a été très remarquée. Il faut rappeler que c’est le président Déby qui a passé la main à son homologue malien, lors du sommet de Bamako, tenu le 6 février 2017. Le président Keita a fortement contribué à jeter la lumière sur la jeune organisation, à renforcer ses fondations et à la rendre crédible. Ibrahim Boubacar Keïta a surtout poussé pour accélérer la mise en place de la Force conjointe et le Programme d’investissements prioritaires (PIP), pilier économique du G5 Sahel. Prouesse diplomatique conclue par un franc succès pour lequel notre président a été unanimement salué par ses pairs.
VENIR À BOUT DU TERRORISME – Souhaitant la bienvenue à tous, en cette terre hospitalière du Burkina Faso, le président Roch Marc Christian Kaboré a déclaré que « ce jour marque incontestablement une nouvelle étape dans la vie du G5 Sahel ». Et la présence effective des chefs d’Etat et des partenaires, a-t-il poursuivi, traduit à souhait leur détermination constante à faire de l’Organisation un outil par excellence pour venir à bout du terrorisme et promouvoir le développement économique et social au profit des populations. A sa suite, différents intervenants ont souligné le rôle crucial du G5 Sahel dans la lutte contre le terrorisme, et par ricochet dans la préservation de la paix mondiale. Les représentants de l’Union africaine, de l’Union européenne et des Nations unies ont mis l’occasion à profit pour réitérer leur soutien à l’Organisation. Pierre Bouyoya, qui représentait le président de la Commission de l’UA, a souligné l’engagement de l’Organisation panafricaine à mobiliser d’autres pays afin d’aider le G5 Sahel en termes de renseignement. Et auprès des Nations unies, l’UA plaidera en vue de trouver une formule de financement pérenne pour la Force conjointe.
L’Union européenne poursuivra également son appui. Cependant, a estimé son représentant, «il n’y aura pas de paix sans une mise en œuvre intégrale de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali». Le représentant du gouvernement du Japon a annoncé que le Parlement de son pays approuvera en mars prochain, un projet d’assistance financière de 23 millions de dollars (environ 11,5 milliards de Fcfa) pour soutenir les actions du G5 Sahel.
Des acquis significatifs. Tous ont salué le travail abattu par le président en exercice sortant. En effet, le président nigérien, Issoufou Mahamadou, a fait bouger les lignes en termes de mobilisation des ressources pour l’opérationnalisation de la Force conjointe. A son entrée en fonction, en tant que président en exercice, les ressources disponibles étaient de 294 millions d’euros (192,5 milliards de Fcfa), largement en deçà des besoins, évalués à plus de 400 millions d’euros (262 milliards de Fcfa).
Alors, une conférence fut aussitôt convoquée à Bruxelles, en février 2018, pour trouver le complément. Résultat : 414 millions d’euros (271 milliards de Fcfa) ont été mobilisés. En tenant compte des annonces supplémentaires faites après cette conférence, les promesses se chiffrent aujourd’hui à environ 431 millions d’euros (282,3 milliards de Fcfa), dont 267 millions (174,8 milliards de Fcfa) effectivement versés.
Aussi, le Fonds fiduciaire, créé pour recevoir les contributions des partenaires, est opérationnel, s’est réjoui le président du Niger. La Force aussi est opérationnelle dans ses trois zones d’intervention : fuseau oriental qui implique le Niger et le Tchad; fuseau central qui couvre le Mali, le Burkina Faso et le Niger et le fuseau occidental qui concernera la Mauritanie et le Mali. Plusieurs autres acquis ont été engrangés. Cependant, le président sortant regrette le fait que cette force ne soit pas encore placée sous le chapitre 7 des Nations unies. Autre souhait encore exaucé a trait à l’absence de financement pérenne pour la Force. L’action du président Issoufou a également concerné le développement économique et social. Sur ce tableau, il a aussi fait du résultat, en donnant un coup de fouet à la mise en œuvre du plan d’investissement prioritaire du G5 Sahel.
Cette initiative, prise en juin 2017 à Bamako, a pour objectif la réalisation d’infrastructures (routières, ferroviaires et énergétiques), le renforcement de la gouvernance, le développement humain dans les zones frontalières fragiles… Il s’agit de faciliter l’accès à l’eau, mais aussi de construire des centres de soins, des écoles… Autant de réalisations destinées à des populations déshéritées et susceptibles de céder aux sirènes des terroristes. En tout, ce programme prévoit 105 projets dont le coût global est estimé à environ 6 milliards d’euros. La première phase de ce plan (2019-2021) a fait l’objet d’une conférence à Nouakchott qui a permis d’enregistrer 2,4 milliards d’euros d’annonces. Par ailleurs, des requêtes ont été déjà transmises à des partenaires pour des projets d’infrastructures routières. Et l’étude de faisabilité du chemin de fer reliant les capitales du G5 Sahel est disponible, tandis que la réflexion sur la création d’une compagnie aérienne commune se poursuit.
Au cœur du mandat du nouveau président en exercice du G5 Sahel, Roch Marc Christian Kaboré, il y a la suite de la mise en œuvre des engagements militaires et des programmes d’investissements prioritaires. La paix dans le Sahel n’a pas de prix, a-t-il lancé et d’appeler les partenaires à soutenir les efforts de cette organisation. Dans le communiqué final, qui a sanctionné les travaux du sommet, les chefs d’Etat se disent préoccupés par la situation sécuritaire, particulièrement la récurrence des conflits intercommunautaires et l’impact de cette insécurité sur l’éducation des enfants. Ils ont aussi exhorté les donateurs à honorer leurs engagements. Les chefs d’Etat se sont quittés, avec la ferme conviction que le G5 Sahel devra réussir ce que peu d’ensembles de nations ont réussi à édifier : une défense commune. Le prochain sommet aura lieu à Nouakchott, en février 2020.
Envoyé spécial Issa DEMBÉLÉ
L’Essor