Les chefs d’État des pays membres du G 5 Sahel (photo d’archives)
Les chefs d’État du G5 Sahel et leur homologue français fixeront des modalités plus précises de la lutte commune contre le terrorisme. Ils élaboreront une feuille de route sécuritaire à même d’inverser le rapport de force sur le terrain
C’est cet après-midi à Pau, dans le Sud-ouest de la France, que les présidents du Mali, du Niger, du Burkina Faso, du Tchad, de la Mauritanie et de la France se réuniront pour parler encore de la situation au Sahel. Ils redéfiniront les objectifs militaires, politiques et de développement de la lutte commune contre le terrorisme.
Une façon d’adapter leurs stratégies aux méthodes de l’ennemi, qui reprend du poil de la bête et qui continue de répandre la terreur aussi bien au sein des populations civiles que des forces de défense et de sécurité. Le Mali, le Niger et le Burkina Faso sont particulièrement éprouvés par la dégradation de la situation sécuritaire dans l’espace sahélien.
Le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, est arrivé hier à Pau. Ses homologues Roch Marc Christian Kaboré du Burkina Faso, Issoufou Mahamadou du Niger, Idriss Déby Itno du Tchad et Mohamed Ould Cheikh Al-Ghazouani de la Mauritanie aussi.
Quelques heures durant, ils seront autour de la table au Château de Pau pour un exercice de «clarification» et de «recadrage». Emmanuel Macron en a ébauché les enjeux, lors de son déplacement au Niger en décembre dernier pour exprimer sa solidarité au peuple nigérien suite à l’attaque contre le camp d’Inatès.
En effet, il s’agira, de prime abord, de définir le cadre politique dans lequel la France intervient au Sahel. Aspect d’autant plus important que les forces françaises sont, de plus en plus, critiquées dans les pays du G5 Sahel.
Les nombreuses manifestations « antifrançaises » ont fini par agacer Paris qui, dès lors, a estimé « indispensable que les peuples du Sahel et leurs dirigeants rappellent leur souhait, leur volonté et leur détermination» à accueillir l’aide de la France.
Aussi, les chefs d’État fixeront des modalités plus précises de la lutte contre le terrorisme, en clarifiant la définition, y compris territoriale et politique, de l’ennemi. Et ainsi, élaboreront-ils une feuille de route sécuritaire pour inverser le rapport de force défavorable sur le terrain, notamment dans la zone dite des trois frontières, là où se rejoignent les limites administratives du Niger, du Mali et du Burkina Faso. Déjà, faut-il le souligner, les pays du G5 Sahel ont décidé, à Niamey en décembre dernier, de mobiliser davantage de forces dans cette zone, où ces derniers mois ont été particulièrement meurtriers.
STATUT DE KIDAL- La semaine dernière, une base de l’armée nigérienne a été attaquée et le bilan est de 85 morts parmi les soldats. On se rappelle que les terroristes ont réussi à faire ajourner la rencontre de Pau en décembre 2019 en attaquant durement l’armée nigérienne à Inatès. Ils ont récidivé à Chinagodar en espérant que l’onde de choc de l’émotion obligerait les chefs d’État à reporter encore leur réunion en France.
Mauvais calcul. À Pau, Emmanuel Macron et ses homologues vont repenser la coordination entre les forces sur le terrain et faire appel à l’aide des forces spéciales européennes, dont le soutien pourrait s’avérer décisif. Autres ambitions de ce sommet : l’identification des objectifs prioritaires en matière de développement et la détermination des actions politiques qui sont à conduire par chacun des chefs d’État pour soutenir l’action militaire. Le statut de Kidal ne sera pas en marge des échanges, avait annoncé l’envoyé spécial de la France pour le Sahel lorsqu’il était venu remettre l’invitation d’Emmanuel Macron au président Keïta.
L’émissaire français avait insisté sur l’urgence de «faire en sorte que le Mali soit pleinement souverain sur l’ensemble de son territoire et puisse exercer son autorité à Kidal».
C’est dire que ce sommet, très attendu par les populations, marquera un tournant dans la guerre contre le terrorisme au Sahel. Les chefs d’État du G5 Sahel y fondent beaucoup d’espoir pour pallier les faiblesses du dispositif dressé pour contenir la menace et protéger leurs peuples et, au-delà, l’humanité tout entière. «Le Sahel est une digue», rappelle très souvent le président de la République qui est persuadé que nos armées, seules, ne peuvent venir à bout du terrorisme. Elles ont, par conséquent, besoin de plus d’alliés. Ibrahim Boubacar Keïta et ses homologues l’ont rappelé, à Niamey en décembre, en redemandant à la communauté internationale de renforcer son soutien et à l’ONU de soutenir plus efficacement la Force conjointe du G5 Sahel.
Des demandes qui seront, sans doute, réitérées aujourd’hui au Château de Pau. Aux termes de leur rencontre, les chefs d’État animeront, en début de soirée, une conférence de presse. Et le sommet se clôturera par un dîner de travail au Parlement de Navarre.
Le choix de Pau pour abriter cette rencontre est symbolique. En effet, c’est dans cette ville qu’est basé le 5è Régiment d’hélicoptères de combat (RHC), dont plusieurs éléments interviennent au Sahel. Sept d’entre eux sont morts, en novembre dernier dans la colision d’hélicoptère qui a fait 13 morts, tous des soldats français. Les chefs d’État se rendront sur la base de ce Régiment pour un hommage en la mémoire de ces soldats tombés pour la paix.
Envoyé spécial
Issa DEMBÉLÉ
Source: Journal l’Essor-Mali