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Six questions posées au Président d’honneur du mouvement Bè Kunko : « Le temps du bricolage est révolu ! »

Ces derniers temps, on a assisté à une floraison de regroupements sociaux surtout chez les jeunes soucieux de contribuer à l’animation de la vie publique et s’engager pour l’avenir. Nous avons tendu notre micro à notre confrère Casimir SANGALA, président d’honneur d’une de ces associations dénommé Bè Kunko (l’affaire de tous).  

 

 Bonjour, cher confrère. Quels sont les objectifs de votre mouvement ?

 

Merci. Notre mouvement a pour ambition de cultiver le patriotisme et le civisme dans le milieu de la jeunesse.

 

 

 

 Quelle lecture votre mouvement fait de l’évolution de la crise ?

 

Je pense que sur la question du nord tout a été dit ici comme ailleurs. Rarement une crise d’une telle dimension a suscité autant d’intérêts surtout depuis que les Nations Unies se sont penchées sur le dossier. Sans être nullement spécialiste de ces questions, notre point de vue est juste une opinion citoyenne. Je  pense néanmoins  que c’est une chance que la quasi-totalité des Etats du monde se soient intéressés à notre pays et mieux sont engagés à apporter leur concours pour sa réhabilitation.

 

Le  mouvement pour lequel des jeunes de la même génération m’ont fait la gratitude de jouer un rôle honorifique,  est un cadre de développement de la culture de la citoyenneté et du civisme. Il n’a aucune coloration politique. Au sein de ce mouvement, nous pensons que notre pays est aujourd’hui victime d’une somme d’erreurs et d’absence d’anticipation. Nous ne nous érigeons pas en procureur comme certains pour cataloguer des coupables à longueur de journées parce que nous pensons que toutes nos organisations sociales doivent s’interroger et s’évaluer. C’est le moment ou jamais, si nous voulons être fiers des futures générations. Qu’avons-nous fait pour éviter ce drame en tant qu’acteurs politiques, de la société civile, journalistes, secteur privé, partenaire extérieur, masse silencieuse, etc. La réponse à la crise ne réside pas intégralement à la culpabilisation à outrance propre à la période actuelle mais aussi à la remise en cause de toutes nos organisations dans leurs mentalités, leurs convictions, leurs comportement et leur rôle dans le vivre ensemble et dans le fonctionnement de l’Etat.

 

 

 

Pour notre part, nous faisons confiance aux Nations Unies qui a une grande expérience dans la gestion des crises à travers le monde, à condition que la voix du Mali soit écoutée et prise en compte. Parce que la nation a gravement trébuché, mais elle n’est exsangue ni de représentants, ni d’intelligence. Nous avons toutes les garanties que la communauté internationale est fermement attachée à l’intégrité du territoire et que les Maliens ont le ressort nécessaire pour rebondir. Par contre si la justice ne passe pas dans toute la transparence et la rigueur requises, il faut craindre d’autres formes de prolongements même isolés. Rien n’est plus dangereux pour la vertu que l’impunité.

 

 

 

Quant aux élections, il faut rappeler que son calendrier a été consigné dans la Feuille de route de transition en janvier 2013. A partir de cet instant tous les acteurs institutionnels, administratifs et politiques doivent s’y préparer surtout que les partis n’ont enregistré ni dissolution de leur activités, ni gel du financement public qui leur est accordé par la Charte des partis. L’intérêt des populations à sortir de cette  turbulence doit primer sur les autres agendas.

 

 

 

D’accord, mais depuis le début de la crise, les Maliens peinent à parler le même langage !

 

Voulez- vous dire plutôt nous entendre et nous comprendre sur l’essentiel. Nous y avons intérêt surtout quand nous bénéficions de la solidarité internationale. Nous sommes une vieille société de valeurs et de civilisations incontestées, nous sommes une véritable nation au sens noble du terme. Tous les attributs et les repères sont là pour le prouver dont la communauté d’esprit. Quelque part, ceci justifie t-il notre fierté d’être ce que nous sommes. Cependant l’Etat malien dans son concept moderne occidental est jeune et a connu des soubresauts et des pratiques qui ont contribué à le fragiliser. Il ne faut pas se faire d’illusions. Il faut faire l’effort d’être réaliste disent les scientifiques.  Nous ne sommes pas une exception et un homme politique faisait bien de dire que « nous ne sommes pas les damnés de la terre ». Quand nous avions la possibilité, nous avons porté assistance à beaucoup de nations qui en avaient besoin : apartheid, guerre d’indépendance de l’Algérie, soutien au peuple Palestinien, accueil de refugiés, missions de maintien de la paix, etc.

 

 

 

Voyez-vous, le monde n’est pas un long fleuve tranquille.  De nombreuses régions connaissent des calamités naturelles (tsunamis, volcans, inondations, tremblements de terre, cyclones, sécheresses, canicules…) ou d’origines humaines (industrielles, nucléaires, de transports, guerres armées…) et économiques.

 

 

 

Le Mali actuel creuset de l’ancien Wagadu est l’héritage d’une succession d’évènements enracinés dans le temps et dans les esprits : l’empire du Ghana, l’empire du Mali, l’empire Songhaï, le royaume Bambara de Ségou, l’empire Peul du Macina… À son apogée l’empire s’étendait de l’Atlantique au Nigeria et du Nord de la Côte d’Ivoire au Sahara.

 

 

 

Comme nous le savons, le nord actuel du Mali a connu dans le passé une occupation qui reste gravée dans notre mémoire collective surtout lorsqu’il s’agit d’évoquer l’actualité récente. Au XVIè siècle et précisément en avril  1591, une grande bataille mettant aux prises une troupe marocaine appuyée de mercenaires espagnols à des dizaines de milliers de soldats songhaï,  a lieu sur les bords du fleuve Niger, à Tondibi et a signé la fin de l’empire Songhaï. Les agresseurs en sortirent victorieux  grâce essentiellement  à leur puissance de feu. Cet État noir islamique de la bordure sud du Sahara avait prospéré pendant plusieurs siècles en servant d’intermédiaire entre l’Afrique noire et le monde méditerranéen. Après la bataille de Tondibi, le souverain du Songhaï fut assassiné. Son empire devient une province marocaine gouvernée par un pacha et dénommée Soudan (d’après l’expression arabe Bilad al-Sudan, qui signifie «pays des Noirs»)… Tombouctou, en déclin, tombe sous la coupe de familles afro-marocaines. C’en est ainsi fini des grands royaumes africains…

 

 

 

Plus tard c’est à la fin du XIXè siècle que la France a fait du Mali une colonie (Soudan français). Le 4 avril 1959, le Sénégal et le Soudan se regroupent pour former la Fédération du Mali, qui accède à l’indépendance le 20 juin 1960. Deux mois plus tard, le Sénégal se retire de la fédération et proclame son indépendance. Le 22 septembre 1960, le Soudan proclame à son tour son indépendance sous la conduite de Modibo Keïta, tout en conservant le nom de Mali. Nonobstant le long règne de certains partis uniques de fait ou de droit, toutes les constitutions ont depuis reconnu le caractère sacré de la personne, la laïcité, la pluralité des croyances, et les droits humains.

 

 

 

Malgré les séquelles du temps, les Maliens sont restés dignes, attachés à l’unité nationale. Tous les enfants du Mali doivent être forgés à ces valeurs pour que jamais la haine absurde, l’obscurantisme et l’intolérance ne puissent inverser les valeurs de la conscience collective. Cette crise aura contribué à susciter chez les citoyens diverses interprétations sur la vie de la nation. Mais avons-nous pu nous affranchir de personnaliser viscéralement tous les problèmes au lieu de proposer nos idées et leurs arguments ? La liberté d’opinion est-elle tolérée ?  Tous les groupes qui ont pris des armes contre la nation ne doivent-ils pas être traités en tant que tel par la loi au moment où de « petits » voleurs sont poursuivis et jugés ?

 

 

 

Que comptez-vous mener comme activité ?  

 

Nous former et toujours nous former. Apprendre à être des citoyens responsables pour que dans nos mentalités et nos actions nous restons soudés à l’intérêt public pour mériter des sacrifices déjà consentis par les devanciers et des citoyens qui œuvrent bénévolement à construire une nation prospère, plus juste, plus solidaire et plus humaine. La solidarité interne en faveur de nos parents déplacés du nord et en faveur de l’armée républicaine en est une illustration. De tous les temps, les Maliens ont assisté l’Etat central à faire face aux plus graves crises et aux enjeux nationaux : tension frontalière de 1974, effort de guerre en 1985, crises alimentaires, invasions acridiennes, inondations, compétitions sportives, etc.

 

 

 

 

 

Si le Mali réussi, cela profitera à tous les Maliens. Nous avons un plan d’actions réaliste et nous avons décidé de compter sur nos propres forces. Ce qui signifie que nous ne pratiquerons pas de quête externe aux adhérents pour le mettre en œuvre. Ce choix motive plus l’imagination et non la facilité.  Par exemple nous envisageons, de faire un taux de participation de 100% pour les membres parce qu’il est de la responsabilité des Maliens de relever le défi actuel.  Notre mouvement républicain est ouvert à tous les patriotes et je profite de vos colonnes pour encourager les cellules des communes de Bamako.

 

 

 

Comment voyez-vous l’avenir ?

 

Aujourd’hui après plus de 50 ans d’indépendance, nous avons l’impression que le monde s’écroule sur nos pieds, surpris et abasourdis que nous sommes face à une conjonction de crises. Nous avons été comme brusquement rappelés à la brutale réalité de la vulnérabilité de nos systèmes publics. Ces crises sont la manifestation matérielle de l’évolution actuelle des sociétés et de l’insuffisance des capacités internes à les anticiper, les analyser et les traiter. Il suffit de regarder un peu autour de nous pour se convaincre que le monde est dans une phase marquée par des insurrections sociales, des conflits idéologiques, le ralentissement de la croissance, les crises sécuritaires et surtout de nouvelles convoitises économiques. S’agit-il de signes prémonitoires d’une mutation ? A terme, les questions sécuritaires et leur prévention s’imposent de plus en plus comme des priorités urgentes. Le temps du bricolage, de la satire ridicule et du traitement artisanal des problèmes est révolu.

 

A mon avis, la base de la société malienne et les voix discordantes aux pouvoirs qui se sont succédés dans notre pays, y compris au sein des media de l’ère démocratique, n’ont pas été assez écoutées. Les opposants à ces systèmes ont été le plus souvent embastillés au su et au vu de tous. On se rappelle qu’entre 2002 et 2012, au bénéfice du consensus, des textes ont été modifiés par endroits au constat de l’absence d’opposition parlementaire même contestée. Doit-on aujourd’hui admettre par exemple  que près de 4 millions de Maliens établis à l’étranger ne soient pas représentés au sein du Parlement ?

 

 

 

Il y a donc un besoin légitime de construire un Etat répondant aux aspirations des populations : santé, sécurité, justice, éducation, formation, emploi, développement local, etc.  La satisfaction graduelle de ces aspirations n’est pas du seul ressort des pouvoirs publics. Elle requiert un civisme spontané et émancipé pour l’ensemble des citoyens, la foi aux exigences du service public et puis l’engagement des acteurs nationaux : élus, commis de l’Etat, secteur privé, collectivités, société civile, syndicats, formations politiques, partenaires techniques et financiers, etc.

 

Il est important que l’opinion internationale sache, même si elle ne tient pas la clé magique de notre développement,  qu’au Mali dans tous les domaines les déficits sont palpables au sud comme au nord, dans les villes comme dans les campagnes. D’où la nécessité de revisiter l’efficacité des politiques et des différentes reformes et surtout leur mode de conception, de suivi et d’évaluation. Le gap d’investissements publics régulièrement catalogué par certains ressortissants de la partie septentrionale, si elle était défendable il y a une trentaine d’années, relève de la délation et de l’alibi aujourd’hui surtout au ratio de la densité relative.

 

 

 

Nous pensons enfin que les pouvoirs publics (locaux, régionaux et nationaux) se doivent d’évoluer dans leurs rapports avec les populations. Ces dernières ont toujours le sentiment de l’Etat coercitif qui prélève taxes et impôts sans se manifester suffisamment dans leur quotidien malgré les  acquis de la décentralisation. Dans tous les pays du monde, la société est aujourd’hui très plurielle. On n’a plus à faire à une jeunesse nationale mais plusieurs jeunesses, plusieurs stratégies pour améliorer la condition féminine et  l’enfance, plusieurs propositions politiques, plusieurs croyances sociales, religieuses et culturelles. Les nations sont en referendum perpétuel grâce au développement ultrarapide des media et des moyens de communication. Les media d’Etat alors uniques se retrouvent en concurrence ouverte avec les media privés ou lobbyistes, l’internet, les expressions artistiques comme le rap, les réseaux sociaux du genre facebook, twitter et les millions de forums de discussion  et d’échanges sur l’actualité. Les politiques doivent, à notre avis, se donner les moyens de décrypter les langages de ce paysage pluriel pour enrichir leurs propres analyses.

 

C’est pourquoi nous pensons au sein de notre organisation que le futur Président de la République doit faire siens les défis suivants : rassembler les Maliens, réconcilier dans la justice, refonder l’Etat et répondre aux besoins majeurs des populations. Il doit privilégier l’éthique et éviter de faire de sa majorité une dictature.

 

 

 

Votre mot de la fin !  

 

Il y a une vertu à être croyant. Remettre à Dieu ses inquiétudes pour le présent et l’avenir. Voilà qui nous pousse à être optimistes dans l’action.

 

 

Propos recueillis par Alpha S. Fofana  (Le Patriote)

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