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Sikasso (Sud) : Les couples divorcent, de plus en plus

Sikasso, 17 mars (AMAP) « Je n’ai jamais pensé en arriver là un jour. On s’aimait tant avant le mariage. On s’est choisi. On sortait ensemble avant le mariage. Vivre ensemble, fonder une magnifique famille étaient notre rêve. Hélas, tout a foiré!», regrette Fatoumata Diarra, ex Mme Kanté. Après un an de mariage, cette dame se trouve à présent, malheureusement, en procédure de divorce. Le divorce serait-il devenu monnaie courante dans les grandes villes dont Sikasso, dans le Sud du Mali ? Quelles en sont les causes, conséquences et solutions ?

Un jour de février 2021. Il est 9 heures. La salle d’attente du Tribunal de grande instance de Sikasso. Dès l’entrée, deux rangées de chaises, occupées par des hommes et des femmes. Toutes les cinq minutes, une dame s’avance dans la salle d’attente et appelle les couples qui désirent divorcer.

Les deux conjoints suivent la dame. Chacun de son côté, comme des inconnus, des étrangers l’un à l’autre. Dans le rang des hommes, c’est le silence qui règne. Chez les femmes, les débats sont vifs.

Très pressée de divorcer, la dame A.K s’explique : « Pourquoi tout ces va-et-vient si ça va, toujours, aboutir au divorce. Depuis deux ans, je suis en instance de divorce. J’ai hâte que la procédure prenne fin. Je ne veux plus revoir un mari qui ne peut pas subvenir à mes besoins et me bat jusqu’au sang ».

« Le premier jour, quand je suis venue ici, je ne pouvais pas marcher à cause de mes blessures sur le crâne et les membres inférieurs. Je ne pouvais même pas m’asseoir. Deux personnes m’ont transportée chez le juge… », raconte-t-elle.

O.M se trouve, également, dans le rang, après, selon elle, une vie de couple fait de violents coups et d’abandon pendant sept ans. « Il (l’époux) n’accomplissait plus ses devoirs vis-à-vis de moi. C’est une bonne volonté qui assurait les charges de mes enfants », dit notre interlocutrice.

Quant à F.T, elle jure de ne plus jamais célébrer un mariage civil. « C’est ce qui m’a apporté ce calvaire », affirme-t-elle, ajoutant que, si c’était à refaire, elle se contentera du mariage religieux. Certainement moins compliqué à défaire sur le plan des procédures islamiques.

« Sur dix courriers reçus par notre tribunal, six sont des demandes de divorces et quatre proviennent des femmes », souligne le vice-président du tribunal de grande instance de Sikasso, Mamadou Bema Konaté, tout en précisant que 90% des demandes de divorce sont initiées par des femmes. « Au cours de l’année 2020, notre juridiction a enregistré 187 cas de divorce », révèle-t-il.

Expliquant le divorce, M. Konaté a indiqué qu’il est « la rupture des liens conjugaux prononcé par un juge matrimonial », avant de confirmer que le phénomène est vraiment fréquent à Sikasso. Citant le Code des personnes et de la famille, il précise qu’il existe trois principales causes du divorce : « Le divorce pour faute grave, le divorce pour rupture prolongée de la vie commune et le divorce par consentement mutuel ».

Pour ce qui est du divorce pour faute grave, « le cas le plus fréquent à Sikasso », dit-il, M. le juge avance que le Code des personnes et de la famille énumère un certains nombre de causes reprochées par l’un des conjoints à l’autre.

S’il s’agit de la femme, celle-ci peut demander le divorce si l’homme refuse de subvenir à ses besoins essentiels, notamment la nourriture, l’habillement, les soins, la protection et le logement. Dans ce cas, la loi autorise la femme à demander le divorce.

Pour le cas de l’homme, selon le même code, celui-ci peut « légitimement demander le divorce s’il est avéré que sa femme pratique l’adultère, les excès, les injures graves ». La condamnation à un fait criminel, l’alcoolisme, la toxicomanie, le manquement à un engagement substantiel, constituent aussi des causes valables pour les deux conjoints. Dans ces cas, l’un des conjoints peut demander le divorce.

Concernant le divorce pour rupture prolongée de la vie commune, Mamadou Bema Konaté soutient que si l’un des conjoints quitte le foyer pour une période de plus de trois ans, l’article 348 du Code des personnes et la famille autorise l’autre à demander le divorce.

S’agissant du troisième cas, le divorce par consentement mutuel, celui-ci a lieu si le couple décide, de façon consensuelle, de divorcer. Alors, ils apportent tous les documents nécessaires et ils se séparent.

Par ailleurs, le juge Konaté rappelle cet adage aux couples : « On se marie pour le meilleur et pour le pire ». Pour lui, la réussite du foyer dépend à 60% de la femme. Quand celle-ci supporte, cela permet à l’homme de s’équilibrer dans la vie.

« Il n’y a pas de divorce chez nous », déclare un Abbé de la paroisse de Sikasso. « Chez les catholiques, une fois que le mariage est célébré à l’église, on ne parle plus de divorce. L’union s’éternise jusqu’à la mort. Nous prônons l’indissolubilité », dit l’Abbé.

Se référant sur la bible, il donne l’avis de Jésus sur le divorce : « Certains Pharisiens posèrent cette question à Jésus : est-il permis à un homme de répudier sa femme pour un motif quelconque ? Jésus répondit : N’avez-vous pas compris que le créateur, au commencement, fit l’homme et la femme ? C’est pourquoi, l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme. Les deux deviendront une seule chair. Ainsi, ils ne sont plus deux mais une seule chair. Que l’Homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni (Mathieu 19, verset 3 à 6)».

Et l’abbé de préciser : « Pour nous, le mariage est sacré car il est basé sur le vrai amour. C’est-à-dire aimer son prochain pour son propre bien », dit-il, ajoutant que tout mariage qui est célébré dans le vrai amour, au sens biblique du mot, ne connaitra pas le divorce.

En dépit de son rejet par les religions et la justice du Mali, la pratique existe malgré. Selon Ismaël Keïta, l’imam de la grande mosquée Est de Wayerma II, le divorce existe dans la religion musulmane, malgré la volonté du Tout puissant. Dans le Coran, Allah précise ceci : « Aucun musulman ne doit délaisser son semblable à cause de son mauvais caractère car ce dernier pourrait avoir d’autres bons caractères qui dépassent le mauvais ».

Selon l’imam, il s’agit là d’une allusion au divorce. Elle est soutenue par le fait qu’après l’acte de la séparation, aucun des deux conjoints ne souhaiterait plus le bonheur de l’autre. « Egalement, cela ne fera que des enfants vivant sans un de leurs deux parents », fait remarquer Ismaël Keïta. Il va plus loin, en expliquant que la religion autorise l’homme à divorcer quand la femme pratique l’adultère, ne pratique pas la religion, le non-respect ou encore le manque d’amour pour les parents de l’homme et, aussi, si la femme est bisexuelle.

Pour la femme, si l’homme n’arrive pas à l’entretenir (hébergement, nourriture, habillement …) et si l’homme n’accomplit pas son devoir conjugal ou encore s’il est bisexuel.

MFD/MD (AMAP)

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