A Sikasso, dans le Sud du Mali, le premier trimestre de chaque année est consacré au commerce de la pomme de terre. Cette année, l’accès à une quantité suffisante de semences a créé une surproduction de ce tubercule. Cette situation pousse plusieurs producteurs à brader leurs productions. Tout compte fait, les acteurs du domaine se frottent les mains. Un tour dans le marché des fruits et tubercules de Médine, à Sikasso nous a permis d’éclairer davantage nos lanternes.
Actuellement, il est très difficile de passer une journée sans rencontrer les vendeurs de pomme de terre à Sikasso. Même si on ne descend pas en ville, les vendeuses ambulantes n’épargnent aucune maison et ce, chaque matin et soir. Dans la proximité des petits marchés, c’est la pomme de terre qui ravit la vedette à tous les autres produits agricoles et se vend le plus. Les commerçants ambulants cèdent, souvent, le kilo à moins de 150 Fcfa. C’est tout simplement à cause de la surabondance.
Ce samedi matin, il est 10 heures au marché de Médine, plus connu sous le nom de «Sougounicoura» pour les natifs de la région, Ça et là des caisses en plafond et en plastique noir sont disposées, de gros paniers, des sacs de 50, 80 et 100 kg, des tricycles… tous remplis de pommes de terre. Dans certains coins, des coffres de voiture sont entr’ouverts, en attendant l’arrivée des sacs de pomme de terre. L’animation atteint son point culminant dans un concert de bruits et de voix. Les conversations portent sur le négoce. Les causeries sur la pomme de terre. On voit aussi de l’argent. Les commerçants de pomme de terre ne cessent de compter les billets.
«Ayé na pomme terre san », «kilo ye bissaba ni dourouye», «fou fou fana bala», en langue française «Venez acheter de la pomme de terre, le kilo fait 175 Fcfa. Je vous en donnerai gratuitement aussi», s’écrie. à l’endroit des passants, Rokia Ba, de forte corpulence. Elle qui fréquente ce marché depuis des années trouve le marché pas assez intéressant. Elle s’approvisionne chez les grossistes du marché de Médine et y écoule également ses marchandises. «Cette année, il y a trop de pommes de terre, C’est pourquoi les prix ont chuté», affirme-t-elle. Elle précise qu’elle achète le kilo à 160 Fcfa et le cède à 175 Fcfa, donc un bénéfice de 15 Fcfa par kilogramme.
Le point de vente de Madou se trouve au beau milieu du marché. Il est grossiste et détaillant à la fois. Notre interlocuteur s’approvisionne chez des grossistes à Ziansso, Zankaradougou, Bamadougou, Bokotieri et Doumanaba. Les grossistes lui vendent le kilogramme de gros tubercules de pomme de terre à 175 Fcfa et 125 Fcfa pour les moyens. A son tour, Madou cède le kilo des gros tubercules à 200 Fcfa et les moyens à 175 Fcfa.
Notre interlocuteur estime que le marché est florissant. « Les samedis, je peux écouler 150 sacs de 80 kg de pomme de terre. Je cède le sac à 18.000 Fcfa », explique-t-il, ajoutant qu’il vend aussi au détail. La plupart des clients de notre interlocuteur viennent de Bamako, Gao, Mopti et Ségou.
En termes de défis, tout comme la précédente interlocutrice, Madou évoque également la grande quantité et variétés des semences de pomme de terre. Ce qui a créé une surproduction du tubercule. « Présentement, nous n’avons même pas fini d’écouler le tiers des pommes de terre des champs », révèle-t-il, soulignant que c’est le même facteur qui crée la concurrence entre eux et leurs grossistes. « Ils nous vendent, non seulement, la pomme de terre mais, aussi, ils viennent encore nous concurrencer au marché pour écouler leurs produits. Le comble, c’est qu’ils vendent moins cher que nous, parce qu’ils sont producteurs et commerçants », explique-t-il.
Egalement, des dames s’approvisionnent chez les grossistes du marché et revendent sur place. Oumou Sangaré fait partie de ce lot. « Ici, les grossisses me vendent le kilo à 160 Fcfa et je revends à 175 Fcfa. Compte tenu de la surproduction du tubercule, je ne me plains pas de mon bénéfice de 15 Fcfa», souligne-t-elle.
La cliente Mariam Kané ne cesse de regarder les différents paniers (remplis de pomme de terre) des commerçantes. « Je cherche la bonne qualité car je dois les envoyer à mes parents à Kayes », lance-t-elle, ajoutant qu’elle adore les pommes de terre.
En cette période, les propriétaires d’instruments de pesées et les tricycles tirent aussi leur épingle du jeu. Oumar Diarra gère bien son affaire. Le teint noir, le masque sur le nez, assis derrière sa machine, M. Diarra n’a presque même pas le temps de répondre à nos questions. Chaque client veut que son sac soit pesé.
« De l’aube jusqu’au petit soir, je suis là. Je peux peser près d’une centaine de sacs de 50, 80 et 100 kg de tubercule les samedis », indique-t-il, précisant qu’il pèse la tonne à 500 Fcfa et le sac à 50 Fcfa.
Quant aux conducteurs de tricycles, le jeu en vaut la chandelle. Adama Koné est conducteur, il soutient qu’il transporte les sacs dans les gares routières pour Bamako, San, Mopti etc. «Je transporte le sac de 50 kg à 50 Fcfa et celui du 100 kg à 75 Fcfa», explique-t-il.
\Dans les auto gares, il y a beaucoup de sacs de pomme de terre. De nombreux natifs de la région profitent de cette campagne pour envoyer ces tubercules à d’autres parents à l’intérieur du pays.
Sur ce point, certains transporteurs sont stricts. Ils transportent le sac à condition que le propriétaire soit un passager car, ils craignent la surcharge. Les frais de transport varient d’une compagnie à une autre. Ils se situent entre 1.000 et 2000 Fcfa par sac.
MD
Source : (AMAP)