En Côte d’Ivoire, malgré un semblant de libéralisation des mœurs, parler de sexualité avec les adolescent.e.s reste tabou pour beaucoup de parents.
Pour le sexologue Jean-Jacques Kouadio, le manque de communication entre parents et adolescent.e.s sur la sexualité peut occasionner des dégâts irréparables. « La communication sur la sexualité est très importante. Elle permet d’éviter les grossesses non désirées, les maladies sexuellement transmissibles, l’abandon scolaire », explique le médecin scolaire au Centre médico-scolaire d’Abobo.
En effet, l’adolescence est une transition délicate de l’enfance à l’âge adulte. C’est à cette étape que les adolescent.e.s développent leur personnalité et construisent leur identité. C’est précisément à ce stade qu’ils ou elles s’interrogent sur leur nature et leur vie sexuelle. Ceux ou celles ayant une activité sexuelle précoce sont communément associé.e.s à des comportements à risque tels que l’usage de la drogue, de l’alcool, la prostitution, l’abandon scolaire, etc.
Toutefois, aucune étude ne semble établir un lien entre la sexualité et ce genre de comportement. Les facteurs déterminants sont plutôt le contexte familial, environnemental et les mauvaises fréquentations.
Un cas d’école
Laetitia B., 17 ans, vit à Daloa, dans le centre-ouest de la Côte d’Ivoire. En janvier 2015, elle a interrompu ses études en classe de 4ème au lycée de la même ville, à la suite d’une grossesse non désirée, contractée avec son petit ami Jean Luc, 21 ans.
Laetitia n’en était pas à sa première grossesse. Elle était tombée enceinte une première fois à l’âge de 15 ans. Sans informer ses parents, elle avait avorté clandestinement. « Quand mon père a su que j’étais à nouveau enceinte, il était furieux. Je me suis enfuie à Abidjan où ma mère s’était installée après sa séparation d’avec mon père », raconte-t-elle.
Depuis 2013, le ministère de l’Éducation nationale a fait de la lutte contre les grossesses précoces l’une de ses priorités. Mais on dénombre encore chaque année quelques 3 700 cas de grossesses dans le milieu scolaire.
Menace pour l’avenir
La gravité de la situation n’a pas échappé aux décideurs et personnes influentes du pays, comme en témoignent les propos de la première dame, Mme Dominique Ouattara, tenus dans un lycée public en mai 2013 : « L’important taux de grossesses précoces dans nos écoles est une menace pour l’avenir de la femme dans notre pays et nous devons agir sans attendre », avait martelé la première dame.
Selon Yao Patrice, instituteur à Bouaflé, une ville du centre-ouest de la Côte d’Ivoire, la meilleure stratégie en matière d’éducation sexuelle consiste à amorcer une conversation au sujet de la sexualité dès le plus jeune âge de l’enfant et à poursuivre cette conversation tout au long de sa croissance. « Cette communication permet aux parents d’éviter d’avoir une grande discussion lorsque l’enfant atteint l’adolescence, pense peut-être déjà tout savoir », estime l’instituteur. « Lorsque vous parlez de sexualité à vos enfants, il est important d’expliquer les choses d’une façon compréhensible pour eux, selon leur âge et leur niveau de développement », conseille Yao Patrice.
Source : Benbere