Sur les six unités qui opéraient dans les régions de Tombouctou, Gao et Kidal, il n’en reste que deux, la plupart des éléments de cette composante de la Garde nationale ayant déserté avec la rébellion.
La Garde nationale, autrefois appelée Garde républicaine, est un corps ancien des forces armées et de sécurité. Ses origines remontent à l’aube de la colonisation. En plus de leurs missions de sécurisation des autorités administratives coloniales et de collecte des impôts, les gardes avaient un autre rôle majeur : en cas de trouble, d’insurrection ou de guerre, ils devaient concourir au maintien ou au rétablissement de l’ordre dans les cercles et cantons.
Aujourd’hui, la Garde est placée sous la tutelle du ministère en chargé de la Sécurité. Elle se veut une force à vocation humaine et travaille essentiellement au profit des administrations et des populations. C’est la force la plus déconcentrée au sein des forces armées et de sécurité. Son organisation, calquée sur le découpage administratif du pays, lui confère une présence bien réelle sur terrain. Outre sa vocation combattante, la Garde nationale participe à la sécurisation des personnes et de leurs biens. C’est dans le cadre de cette mission que des unités méharistes ont été créées. Considérées comme des forces supplétives à l’origine, l’apparition des unités méharistes remonte également à la période coloniale. Créée en 1908 au Maroc par les autorités coloniales françaises, ces forces se composaient d’autochtones recrutés sur place, et qui pour des raisons d’adaptation et d’efficacité par leur connaissance du terrain, devaient servir dans leurs localités.
A l’indépendance, ce système sera reconduit par le Mali pour assurer la sécurité de ses frontières du nord. Mais les unités méharistes disparaitront par la suite avant de renaître dans la seconde moitié des années 90 avec l’aide de la coopération française. Il s’agissait alors de pallier l’insuffisance de moyens de contrôle des vastes zones désertiques sahéliennes et sahariennes de régions du nord et du sud-est du fleuve Niger. Ces unités représentaient aussi un important réseau de renseignements pour combattre les trafics et le grand banditisme transfrontalier.
Les unités méharistes opèrent dans les zones où les véhicules ne peuvent accéder. Elles sont essentiellement montées à dos de chameaux (méhari, d’où leur nom). Leur commandement est assuré par un officier dont le grade varie entre lieutenant et capitaine. Chaque méhari est immatriculé. Chaque chameau a droit à un une prime générale d’alimentation (PGA) comme les militaires sur le terrain. Le coût de la ration d’un chameau est évalué à 3000 Fcfa par jour. Ce qui fait 90 000 Fcfa par mois.
Mais la gestion des fonds alloués à cet effet est sévèrement critiquée par certains. « Je connais le système. Les chameaux n’ont jamais vu la couleur de l’argent. Ils se nourrissent en brousse. Qui va facturer ce qu’ils broutent dans la nature ? L’argent qui doit les nourrir est détourné. Je connais des gens qui se sont enrichis sur le dos des chameaux. Même le vétérinaire qui était chargé de suivre les chameaux ne faisait pas son travail », assure un garde qui a bien évidemment tenu à garder l’anonymat.
La première unité fut mise en place en 1996 à Léré. Une année plus tard, celle de Ménaka était opérationnelle. La troisième unité vit le jour en 1998 à Gossi. Au total, ce sont six unités qui seront créées avec un effectif de 200 chameaux chacune : Léré, Gossi Ménaka, Abeibara, Inakounder, Inabog. L’effectif total des unités méharistes était de 1200 éléments repartis dans les trois régions nord du pays.
La rébellion du Mnla et l’occupation des régions du nord ont porté un coup dur aux unités méharistes. En effet, dès le déclenchement de la rébellion, la plupart des méharistes ont déserté. Aujourd’hui, seules deux unités totalisant 360 éléments sont opérationnelles dans les zones de Gossi et Ménaka avec chacune 180 chameaux au lieu de 200.
Faut-il reconstituer les unités méharistes ? Le chef d’Etat-major adjoint de la Garde nationale, le colonel Deberekoua Soara que nous avons interrogé à ce sujet, a répondu qu’il revenait aux autorités politiques de décider de l’avenir des unités méharistes et du sort à réserver à ceux qui ont déserté. « Nous ne sommes que des exécutants. Nous sommes à la disposition des politiques pour toute mission qu’ils nous confieront», insiste l’officier.
Si les unités méharistes ont fait la preuve de leur utilité par le passé, l’évolution des enjeux sécuritaires dans la bande sahélo-saharienne nécessite leur adaptation pour être efficaces. L’épisode de l’occupation des régions du nord démontre d’ailleurs l’urgence d’une adaptation générale de l’outil de défense et de sécurité.
Abdourhamane TOURE
Source: L’Essor