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Se retirer du Mali ?

Etait-ce vraiment le moment ? Seule de son avis, La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon pose la question de la présence de l’armée française au Mali, quelques heures après que treize soldats ont été tués dans la collision de deux hélicoptères. Au moment où pouvoirs publics et opinion se soucient surtout d’entourer les familles de ces treize courageux jeunes gens, au moment où le pays, dans un réflexe de solidarité, veut surtout rendre hommage au dévouement de militaires engagés contre des milices violentes et obscurantistes, faut-il soudain changer de stratégie, c’est-à-dire se retirer, la queue basse, devant un adversaire impitoyable qui a pris les démocraties comme ennemies ? Etrange manière de lutter contre le terrorisme.

L’abstention de la France en 2013, quand François Hollande a déclenché l’opération qui a empêché les jihadistes de progresser jusqu’à Bamako, la capitale, tout comme son retrait à court terme aujourd’hui, auraient fait ou font courir le même risque à la région : l’établissement en Afrique de l’Ouest d’un embryon d’Etat terroriste, à l’image de ce qu’a été l’Etat islamique en Syrie et en Irak. Une base dangereuse qui soumettrait les populations locales à une dictature sans pitié, et servirait de tremplin à d’autres attaques vers les pays voisins. Veut-on cela ?

Ce qui n’exclut pas la lucidité. L’opération Barkhane n’a pas réussi, à ce jour, six ans après l’arrivée des troupes françaises, à réduire les groupes islamistes qui infestent la région. Les régimes dont elles favorisent la pérennité, au Mali ou au Burkina Faso, quoique plus démocratiques que beaucoup de pouvoirs africains, sont faibles, appuyés sur des Etats incertains, minés souvent par la corruption et les divisions ethniques. Les armées «amies», qui essuient des pertes importantes, sont souvent brutales avec les populations civiles et peu efficaces sur le plan militaire. La présence prolongée des soldats français finit par réveiller, peu à peu, la méfiance d’une partie des Africains envers l’action de l’ancienne puissance coloniale.

Au fond, l’armée, engagée au Mali, est confrontée au vieil adage militaire : «On peut tout faire avec des baïonnettes, sauf s’asseoir dessus.» Une armée est faite pour combattre, non pour administrer, rallier des populations ou s’immiscer dans le jeu politique local. Les militaires ne peuvent guère pallier les défauts, les contradictions ou les tares des sociétés et des Etats qu’elles épaulent. Or la lutte contre le terrorisme suppose une action claire, utile, rationnelle, contre les maux qui facilitent l’implantation des milices jihadistes. Cette action, de toute évidence, fait défaut, ce qui menace la réussite finale de l’intervention française.

Est-ce une raison pour se retirer ? Non : l’hypothèse soulevée par LFI est aujourd’hui hors sujet. En revanche, les questions d’une coordination européenne contre le jihadisme en Afrique (c’est-à-dire près d’ici), de la formation des soldats locaux, de la réforme nécessaire des régimes que l’on soutient, restent entières. Faute de les résoudre, le gouvernement risque fort de se retrouver un jour devant une issue humiliante.

Source : Libération

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